mercredi 14 avril 2010

Le renvoi des étrangers en débat

Jeudi, la Commission des institutions politiques du Conseil national se penchera sur l’initiative de l’UDC «pour le renvoi des étrangers criminels» et le contre-projet direct adopté le 18 mars par la Chambre des cantons. La gauche est dans l’embarras: faut-il refuser le contre-projet et prendre ainsi le risque que l’initiative passe seule devant le peuple ?

Le texte de l’UDC.Les étrangers sont privés de leur titre de séjour, peu importe leur statut, et de tous leurs droits de séjourner en Suisse s’ils ont été condamnés par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction ou s’ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale: voilà ce que l’UDC prévoit d’inscrire dans la Constitution. Pour le parti, ces étrangers doivent être expulsés et frappés d’une interdiction d’entrer sur le territoire allant de cinq à quinze ans. En cas de récidive, elle sera fixée à vingt ans. L’initiative a récolté 200 000 signatures en un temps record.

Le contre-projet.Selon le projet accepté par les sénateurs, sont privés de leur droit de séjour et renvoyés les étrangers qui ont commis un assassinat, un meurtre, un viol, un brigandage qualifié, une prise d’otages, de la traite qualifiée d’êtres humains, une infraction grave à la loi sur les stupéfiants ou une autre infraction passible d’une peine privative de liberté d’un an au moins. De même que ceux qui sont condamnés par un jugement entré en force pour une autre infraction à une peine de deux ans au moins ou à plusieurs peines privatives de liberté ou à des peines pécuniaires s’élevant au total à 720 jours ou 720 jours-amendes au moins en l’espace de dix ans. Sont aussi concernés ceux qui ont été condamnés à dix-huit mois pour une escroquerie ou une autre infraction ayant trait à l’aide sociale, aux assurances sociales ou à des contributions de droit public, ou pour une escroquerie d’ordre économique. Il est aussi inscrit dans la Constitution que les objectifs d’intégration des étrangers doivent être pris en compte et que la décision du renvoi est prise «dans le respect des droits fondamentaux et des principes de base de la Constitution fédérale et du droit international».

La suite? Après les Etats, ce sera au National de trancher. Sa commission se réunit jeudi. Le contre-projet pourrait en sortir remodelé.

Valérie de Graffenried dans le Temps

La crise économique fait le jeu de l’extrême droite en Hongrie

Le parti Jobbik devrait faire son entrée au parlement. Une épreuve délicate pour les conservateurs qui dirigeront le prochain gouvernement.

Après le Danemark, les Pays-Bas et l’Italie, l’extrême droite marque des points en Europe centrale. Avec 16,7% des voix au premier tour des législatives hongroises, le Jobbik, une formation ouvertement xénophobe et antisémite, est assuré de faire son entrée au parlement à l’issue du second tour, prévu le 25 avril.

Sa percée ne constitue pas vraiment une surprise. Aux européennes de juin 2009, le parti avait déjà séduit 14, 8% des votants. La performance enregistrée dimanche confirme la tendance. Le Jobbik, qui représentait en 2006 2% des électeurs, se hisse maintenant au troisième rang des partis hongrois, à moins de trois points des socialistes du MSZP, les grands vaincus du scrutin.

Son succès s’analyse à la fois comme un vote de protestation contre la médiocre situation économique du pays et comme une manifestation de défiance envers une classe politique jugée incompétente, arrogante et corrompue. En ce sens, la stratégie du parti et de son jeune leader, Gabor Vona, 31 ans, ne s’éloigne guère de celle qui réussit ailleurs au Front national français ou à la Ligue du Nord italienne.

Antisémitisme revendiqué

Les tenants de l’extrême droite hongroise se distinguent davantage par la stigmatisation virulente des multinationales, des investisseurs étrangers, de «l’alliance entre New York et Tel-Aviv». Par un antisémitisme revendiqué. Par l’exécration des populations tsiganes: «L’animosité entretenue contre les Roms confère au parti une bonne part de sa singularité», observe Zoltán Bécsi, professeur associé au Geneva School of Diplomacy and International Relations. Il convient d’ajouter aussi le déploiement des miliciens tout de noir vêtus de la garde hongroise: un passé condamné à «hiberner» sous le régime communiste refait surface, ajoute M. Bécsi.

Le phénomène ne doit pas être pris à la légère, estime-t-il: «Il y a dans le pays des forces convaincues que la démocratie ne fonctionne pas, qu’elle n’a pas sa place en Hongrie.»

C’est dire l’ampleur de la tâche du prochain gouvernement de droite. Fort de 52, 7% des voix au premier tour, le parti conservateur Fidesz exclut toute collaboration avec le Jobbik. Obtiendra-t-il, le 25 avril, la majorité des deux tiers, nécessaire pour mener à bien les réformes dont le pays a besoin?

JEAN-FRANÇOIS VERDONNET dans 24 Heures