mardi 29 juillet 2008

A Cointrin, des requérantes sans protection

La procédure «aéroport», accélérée, est utilisée avec des personnes menacées, accuse le réseau d'aide Elisa.

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Condamnée pour avoir tardé à faire soigner son fils

Un bébé a été victime d’un oedème cérébral. Clandestine, sa mère a repoussé l’hospitalisation de peur d’être expulsée. Un article de Fedele Mendicino dans 24 Heures.
Une chute de poussette, une glissade dans la baignoire, un coup porté à la tête? Personne ne le saura jamais. Seule certitude, un bébé de 5 mois et demi a frôlé la mort à Genève, en 2005, après son hospitalisation à la suite d’un oedème cérébral.
Pour avoir tardé à l’emmener aux urgences alors qu’il était dans un semi-coma, sa mère vient d’être condamnée à 20 000 francs pour tort moral. Elle a été reconnue coupable de lésions corporelles graves par négligence et violation du de­voir d’assistance. Clandestine en Suisse, cette femme de mé­nage roumaine de 32 ans crai­gnait d’être expulsée en se ren­dant à l’Hôpital cantonal.
Les faits sont graves, estime le Tribunal de police, qui rap­pelle que l’enfant souffre au­jourd’hui de problèmes de vue, il boite et la mobilité de sa main gauche est affectée. Une «puni­tion » suffisante pour la mère, estiment les juges, qui ont dé­cidé de ne pas infliger de peine de prison à une femme qui a passé déjà un mois de détention préventive à Champ-Dollon: «Elle a été effondrée d’appren­dre les conséquences qu’allaient avoir sur son enfant les lésions subies. Elle continuera à assu­mer l’éducation et les soins à son fils, qui requerra une atten­tion plus importante qu’un autre enfant de son âge.»
Jours de panique

Le drame remonte au prin­temps 2005. Lundi 25 avril, le bébé fait des poussées de fièvre. Un ami de l’accusée, vivant avec elle à Plainpalais, se rend à la pharmacie. On lui conseille un gel dentaire et une visite chez le médecin. Le soir même, l’enfant a des convulsions. Il pleure sans cesse. Son regard se fait tou­jours plus vague. L’homme, qui admet avoir bercé «parfois for­tement » le bébé, conseille à la mère d’aller à l’hôpital. Mais cette dernière n’ose pas: «Je n’ai pas de papiers et mon fils n’a pas d’assurance maladie», dit­elle.
L’état du bambin empire de jour en jour. Apathique, il res­pire toujours plus mal et ne pleure plus. Le 29 avril, elle se résout à contacter une associa­tion de sages-femmes qui em­mène le petit aux urgences. Ce dernier passera plusieurs jours aux soins intensifs. Quelques semaines plus tard, la clandes­tine et son ami sont inculpés.
Pas un «bébé secoué»

Les charges pesant sur la mère sont plus lourdes. L’affaire se termine devant le Tribunal de police: «L’ami de ma cliente s’en est sorti avec une peine pécuniaire avec sursis», expli­que Me Saskia Ditisheim. Mais le tribunal écarte la piste du «bébé secoué».
«Je vais recourir contre la condamnation, explique l’avo­cate.
Ma cliente n’avait plus confiance dans l’hôpital et le service social. Elle avait accou­ché aux HUG et on l’avait ren­voyée chez elle après deux jours. Ensuite, elle s’était ren­due au service de la jeunesse pour un suivi social et une personne lui avait évoqué le placement de son fils dans un foyer.» Elle a pris peur, conclut l’avocate, en ajoutant que les séquelles de la victime ne sont pas aussi graves que celle pré­vues au début de l’affaire.
Risques d’épilepsie

Ce n’est pas l’avis de la partie civile, représentée par la cura­trice de l’enfant, Me Anne Rei­ser. Au cours du procès, elle cite un médecin sur «les consé­quences futures quasi certaines, en particulier à l’adolescence, sous forme de crises d’épilepsie ou de sautes d’humeur, pour laquelle une surveillance sera très certainement nécessaire». Aujourd’hui, la mère et l’enfant vivent ensemble.
Mais l’accusée, qui est tou­jours sans papiers, reste mena­cée d’expulsion. En 2004, elle était venue en Suisse avec la promesse d’un mariage qui n’a jamais eu lieu.

Mutilée à la hachette, elle voit sa demande d'asile refusée

«Invraisemblance»: c'est le motif avancé par l'Office fédéral des migrations pour refuser la demande d'asile d'Eva (prénom d'emprunt), faite en juin depuis l'aéroport de Cointrin. Après recours, le Tribunal administratif fédéral a confirmé le jugement le 11 juillet.

A voir ses doigts mutilés et à écouter son récit, Eva a pourtant l'air crédible. Témoin gênant d'une excision, cette chrétienne originaire de Gambie a été charcutée par des hommes pour éviter qu'elle n'aille dénoncer à la police ce qu'elle a vu. Car si la mutilation génitale est interdite en Gambie, elle n'en est pas moins largement pratiquée par l'ethnie majoritaire. Menacée de mort, elle a pu se réfugier chez un pasteur, qui l'a aidée à fuir vers la Suisse.

Hier, l'Office des migrations a réaffirmé son point de vue: «Des phalanges coupées ne sont pas un indice suffisant pour accepter une demande d'asile», déclare son porte-parole Jonas Montani.

Mais à l'heure où la mutilation génitale commence à être pourchassée pénalement en Suisse, le paradoxe est soulevé: «On condamne ici des pratiques sans les reconnaître quand elles sont la source de souffrances ailleurs», regrette Michel Ottet, membre de l'association Elisa qui a offert son soutien juridique à Eva.

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