mercredi 25 août 2010

La Commission contre le racisme ne veut pas interdire le foulard

La Commission fédérale contre le racisme (CFR) s'oppose à l'interdiction du port du foulard à l'école, comme le propose le canton de St-Gall. Elle y voit une mesure dirigée spécialement contre l'islam qui enfreint le principe de l'égalité des droits.

La commission voit dans l'interdiction demandée par le chef du département saint-gallois de l'éducation Stefan Kölliker (UDC) "une action dirigée contre la minorité musulmane et principalement dictée par des motifs partisans". La CFR juge "inacceptable" cette mesure, écrit-elle.

Le port du foulard s'inscrit dans le domaine de la liberté de religion, tant que celle-ci ne contrevient pas à un droit fondamental supérieur, poursuit la commission.

La CFR est ainsi d'accord avec le Tribunal fédéral, qui a interdit en 1997 le foulard aux enseignantes dans l'exercice de leur fonction publique, mais elle n'admet pas une interdiction générale faite aux écolières et aux travailleuses.

Invoquer la nécessité de l'intégration comme le fait le Conseil de l'éducation saint-gallois est un prétexte: la mesure est au contraire un obstacle à l'intégration.

ATS

Un requérant débouté tabasse un chef de service jurassien

Coups de pied, coups de poing à la mâchoire, cheveux arrachés et doigts tordus. Le chef du Service de la population du canton du Jura a été agressé mardi à son bureau par un requérant d'asile serbe débouté.

KEYSTONE archives

© Keystone archives | Le requérant d'asile récalcitrant est arrivé ce mercredi à Belgrade.

Deux policiers étaient présents sur place au moment des faits. "Le chef du service de la population va bien physiquement, mais a il a été choqué", a précisé mercredi le chef de l'information du canton, Pierre-Alain Berret. "Le fonctionnaire n'est pas en arrêt de travail", a-t-il ajouté confirmant une information parue dans le Quotidien Jurassien.

Les policiers ont dû appeler des renforts pour maîtriser cet homme. Le chef du service de la population avait convoqué dans son bureau ce ressortissant serbe pour lui signifier son expulsion de Suisse. Le requérant d'asile récalcitrant est arrivé mercredi à Belgrade.

Après cet incident, l'administration va étudier un renforcement des mesures de sécurité dans ce service. C'est en effet la deuxième fois en un mois que le chef de service de la population est pris à partie. Mais en juillet, l'altercation n'avait pas été aussi violente.

ATS dans 24 Heures

Les zones d’ombre d’un “vol spécial” vers l’Afrique

Après un premier vol raté vers l’Afrique, un deuxième avion aurait, selon des témoins, déposé la semaine dernière des ressortissants non sénégalais au Sénégal. Des détenus de Frambois ont écrit une lettre de protestation. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Après la mort d’un Nigérian, en mars dernier sur le tarmac de l’aéroport de Zurich, alors qu’il était sur le point d’être expulsé, l’Office fédéral des migrations (ODM) avait suspendu les «vols spéciaux». Depuis, ces vols controversés organisés pour renvoyer par la force des requérants déboutés ont repris. Mais le premier voyage vers l’Afrique, le 28 juillet, s’est révélé être un échec: comme l’a souligné la NZZ am Sonntag (15.08.10), un avion de la compagnie Hello a pu débarquer un Malien à Bamako mais n’a ensuite pas obtenu l’autorisation d’atterrir en Gambie, malgré un «feu vert oral» accordé préalablement à l’ODM. L’avion est donc revenu à Zurich, avec cinq Gambiens à son bord. Depuis, un deuxième vol a eu lieu, le 18 août, a appris Le Temps. Avec neuf requérants.

Cette fois, des Gambiens ont bien été débarqués à Banjul, capitale de la Gambie. Mais d’autres, qui refusaient de sortir de l’avion, auraient été lâchés au Sénégal, dans des circonstances troubles, affirment plusieurs témoins. Mohamed D. et Cissé T.*, un Ivoirien et un Malien retenus dans le centre de détention administrative de Frambois (GE), restés en contact avec des expulsés, racontent. «A Banjul, au moins deux Gambiens sont sortis d’eux-mêmes de l’avion, dont notre ami Dembo J. Mais les autorités gambiennes n’ont pas voulu extirper les autres de force (ndlr: la Suisse n’a pas signé d’accord de réadmission avec la Gambie). L’avion est alors parti vers Dakar. Là-bas, un autre de nos amis, Lamine C., qui faisait partie du vol et qui nie être Sénégalais, dit avoir vu des responsables suisses donner 200 francs à des policiers sénégalais pour faire sortir tous les requérants de l’avion. Il y avait des Sénégalais, mais aussi des Gambiens et un ressortissant de Guinée-Bissau. Cela s’est fait par la force. Il y a eu une bagarre dans l’avion.»

Lamine C., contacté au Sénégal, donne la même version des faits. Il est lui-même de père guinéen (Guinée-Bissau) et de mère sénégalaise, ce qui complique les choses. Mais c’est bien comme ressortissant de Guinée-Bissau qu’il a déposé sa demande d’asile en Suisse. Le Temps a aussi appelé Dembo J., en Gambie. Dembo avait déjà fait partie du premier vol, qui après un arrêt au Mali, et l’impossibilité d’atterrir en Gambie, avait fait escale à Dakar sans débarquer personne. Il a décidé, lors du deuxième vol, de sortir de lui-même de l’avion, ayant déjà «trop souffert».

Lors du premier voyage, qui a duré en tout deux jours, il était resté de longues heures ficelé à son siège d’avion, les pieds et les mains ligotés. Au téléphone, il était très éprouvé. «J’ai mal partout et n’ai pas de médicaments. Je n’ai personne de ma famille en Gambie: ils sont tous en France. Je ne veux pas rester ici.» Il parle de «conditions de renvois humiliantes», dit avoir été traité «comme un animal». Lamine C., lui aussi, affirme avoir été ligoté, avec un casque lui maintenant la tête pendant le décollage. Il n’a eu l’autorisation d’uriner que dans un sachet en plastique.

Autre fait troublant: selon les requérants, il n’y avait de personnel médical dans aucun des deux vols spéciaux, dont les coûts sont généralement estimés à 100 000 francs. Mais l’ODM affirme le contraire (lire ci-dessous).

Effrayés par le témoignage de leurs amis, Mohamed D. et Cissé T. ne sont pas restés les bras ballants. Ils ont écrit, «au nom des détenus de Frambois», aux autorités sénégalaises à Dakar, ainsi qu’à Amnesty International. «Les Suisses ont rapatrié des gens à Dakar, moyennant des sommes qu’ils donnent aux agents de l’aéroport, qui acceptent même des ressortissants non sénégalais», écrit Mohamed. «Je vous informe aussi que le consulat du Sénégal à Genève délivre des laissez-passer dans le dos de certains ressortissants d’autres pays. Tout cela n’est que business.»

Les requérants jouent-ils avec leur nationalité dans le seul but de rendre ces renvois controversés encore plus difficiles? Ou alors le Sénégal fermerait-t-il les yeux vis-à-vis de certains requérants aux origines floues en échange de contreparties? L’ODM, lui, met en évidence le fait que l’ambassade du Sénégal a délivré des laissez-passer pour tous les requérants expulsés à Dakar. Et rappelle que ce sont les délégations du pays concerné qui viennent «reconnaître» leurs requérants en Suisse.

Quoi qu’il en soit, l’ODM a par le passé déjà été accusé d’avoir renvoyé des Africains vers un pays qui ne serait pas le leur. L’an dernier, un avocat bâlois, défendant un requérant expulsé vers la Gambie alors que des expertises soulignaient qu’il y avait 70% de certitudes qu’il était bien Guinéen, a été jusqu’à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Alard du Bois-Reymond, le patron de l’ODM, l’a confirmé le mois dernier déjà (LT du 15.07.10): dès 2011, des observateurs indépendants pourront participer à ces vols spéciaux. Voilà qui devrait permettre d’y voir plus clair sur ce qui se passe réellement lors de ces voyages secrets. En attendant, tant Mohamed que son ami malien avertissent: «Si nous sommes renvoyés au Sénégal alors que nous ne venons pas de ce pays, nous serons prêts à nous sacrifier jusqu’à la mort.»

* Noms complets connus
de la rédaction.

“Nous n’avons expulsé que des Sénégalais vers le Sénégal”

Sénégal carteAlard du Bois-Reymond, le patron de l’Office fédéral des migrations, réagit aux critiques. Et admet que du chocolat est parfois offert aux policiers qui reprennent les requérants déboutés.

Le Temps: Est-il exact que la Suisse a, le 18 août, expulsé de force des requérants non sénégalais vers le Sénégal?

Alard du Bois-Reymond: Ce vol a bien eu lieu. Il s’est déroulé sans difficultés majeures. Les cinq Gambiens que nous n’avons pas pu expulser la première fois ont été déposés à Banjul, mais nous n’avons pas renvoyé de non-Sénégalais à Dakar. A Dakar, trois des quatre Sénégalais ont bien essayé de faire croire qu’ils ne venaient pas du pays et ont refusé de descendre de l’avion. Cela se passe souvent comme ça. Or une délégation du Sénégal était venue les identifier en Suisse. Et l’ambassade du Sénégal a délivré des laissez-passer pour ces personnes. Le Sénégal n’est pourtant pas un pays qui reconnaît facilement les requérants déboutés en vue de les accepter. Nous pouvons donc faire confiance aux autorités sénégalaises, qui ont reconfirmé leur décision à l’arrivée des personnes rapatriées.

– Vous démentez donc que des Gambiens et un ressortissant de Guinée-Bissau aient été déposés à Dakar?

– Je vous le répète: ils ont été identifiés comme Sénégalais.

– Selon des témoins, aucun médecin n’était à bord des deux derniers vols spéciaux vers l’Afrique. L’ODM a pourtant promis un encadrement médical depuis la mort du Nigérian en mars…

– Nous l’avons promis et je peux vous assurer qu’un médecin était sur chacun des six vols entrepris depuis cette tragédie. Il n’était simplement pas en habit de médecin et identifiable comme tel. Les requérants ne l’ont donc probablement pas remarqué, mais il était là.

– Pourquoi cacher sa présence aux requérants qui pourraient en avoir besoin? Lors du premier vol, des Gambiens sont restés près de deux jours attachés dans l’avion, ce qui n’était pas sans risque médical…

– Si le médecin avait dû intervenir, il serait intervenu. Les liens ont été un peu déserrés lors du vol de retour.

– Mais pourquoi le médecin était-il incognito à bord de l’avion?

– Il ne l’était pas. Il faisait partie de l’équipe accompagnatrice, tout comme les policiers et un représentant de l’ODM. Tous étaient en civil. Il n’est pas d’usage que les accompagnateurs s’identifient devant les rapatriés avec leur nom et fonction.

– Des témoins affirment que les autorités suisses ont versé 200 francs à des policiers sénégalais pour qu’ils reprennent de force les requérants restés dans l’avion. Admettez-vous recourir à cette pratique?

– Pas du tout! Je vous oppose un non catégorique. Nous ne donnons pas de billets. Les autorités suisses doivent cependant remettre les papiers de voyage des requérants aux autorités de l’aéroport: vos témoins ont dû confondre avec cela.

– Vous assurez ne jamais rien offrir aux policiers pour qu’ils reprennent les déboutés récalcitrants?

– Pas d’argent en tout cas. Mais il peut arriver que nous leur offrons des boîtes ou des tablettes de chocolat. Par politesse.

– Les accords de réadmission sont toujours plus difficiles à signer, surtout avec les pays africains conscients des contreparties qu’ils peuvent exiger. Que promet la Suisse en échange de requérants déboutés?

– Je ne dirais pas que ces accords sont toujours plus difficiles à négocier; par contre toujours plus de requérants nient leurs origines. Lorsque la Gambie a pour la première fois refusé de nous accorder l’autorisation d’atterrir, cela n’avait, j’en suis sûr, rien à voir avec des questions migratoires. Mais comme vous le savez, il y a souvent des imprévus en Afrique. Ces accords sont importants pour les deux parties et nous proposons parfois en échange des programmes de formation de policiers. Ou, comme au Nigeria, un programme de soutien aux personnes déplacées à l’interne.

– Qu’avez-vous offert au Sénégal?

– La collaboration avec le Sénégal en matière de politique migratoire fonctionne très bien depuis des années. Elle se base sur un dialogue qui sert à déterminer les intérêts communs et pas à faire des «marchés». Ainsi, notre office a par exemple offert, à la demande des autorités sénégalaises, de former des inspecteurs sénégalais aux techniques d’identification des personnes et à la détection de faux documents.

– Soyez précis: les Sénégalais ont-ils obtenu quelque chose de plus le18 août? Des détenus de Frambois assurent que des laissez-passer ont été délivrés à des non-Sénégalais…

– Je vous le répète: les autorités sénégalaises ont identifié ces personnes comme ressortissants sénégalais. Aucun argent n’a été versé.

Propos recueillis par Valérie de Graffenried dans le Temps