lundi 31 mai 2010

Musa Selimi est-il un tricheur qu’il faut renvoyer au Kosovo ?

Selimi famille A près vingt ans passés à Genève, Musa Selimi est sous la menace d’une expulsion notifiée par l’Office fédéral des migrations (ODM). Lui, son épouse et leurs deux enfants ont bientôt épuisé tous les recours de la procédure. Parfaitement intégré, employé parfait, mais sans autorisation de séjour, Musa Selimi suscite un élan de solidarité impressionnant à Carouge, où il vit, et dans le canton. Deux conseillers nationaux genevois, l’UDC Yves Nidegger et le socialiste Jean-Charles Rielle, débattent du cas. Propos recueillis par Eric Budry dans 24 Heures.

– M. Nidegger, pourquoi ne pas régulariser la situation des membres de la famille Selimi?

– Tout simplement parce que le Tribunal administratif fédéral a rendu une décision et qu’elle est exécutoire. Le problème, c’est que M. Selimi est utilisé par les mauvais perdants du référendum contre la loi fédérale sur les étrangers (LEtr), qui a été approuvée par le peuple en 2006. Ils utilisent ce cas pour tenter de démontrer que cette loi serait inique. Mais c’est un très mauvais exemple.

– Et vous, M. Rielle, pourquoi pensez-vous qu’il faut éviter l’expulsion?

– La régularisation n’était possible qu’en invoquant le cas de rigueur pour l’obtention d’un permis humanitaire. Or les conditions sont si strictes qu’elles ne sont presque jamais remplies. La loi est perverse et scélérate en ce sens qu’elle ne permet pas d’expulser des gens qui sont venus chez nous uniquement pour commettre des délits graves et qu’elle contraint à expulser des personnes parfaitement intégrées. Il faut donc la changer, en introduisant par exemple la notion de prescription. C’est ce que nous allons proposer au Conseil national, avec Luc Barthassat, mon homologue PDC.

– M. Nidegger, pourquoi dites-vous que Musa Selimi est un mauvais exemple?

– S’il avait été un homme seul, célibataire, il aurait obtenu sa régularisation. Mais comme il était marié et que son épouse et ses jeunes enfants vivaient tous au Kosovo au moment de sa demande, ses attaches essentielles se situaient clairement dans ce pays. C’est pour cette raison que l’ODM ne pouvait accepter son cas. Entre une fiche de paie et sa famille, où est l’attache humainement la plus forte?

– Le cas est-il aussi indéfendable, M. Rielle?

– J’ai une lecture complètement différente. Je vois un homme qui a quitté, il y a vingt ans, son pays et a construit sa vie ici. Il y a trouvé sa place en contribuant au développement économique de notre canton et y a construit un projet qui, à un moment, a inclus de vivre avec sa famille. L’expulser serait un message désastreux adressé aux clandestins. Il signifie: «Restez cachés ou on vous expulsera.»

– Etes-vous, M. Nidegger, indifférent au fait que la demande a été appuyée

par le canton de Genève?

– Je crois que si le fonctionnaire de l’Office cantonal de la population avait su que M. Selimi avait une épouse et des enfants au Kosovo, il n’y aurait pas eu de préavis genevois favorable. Et puis, dans ce domaine, c’est la Berne fédérale qui décide. Elle peut s’écarter du préavis cantonal, l’application du droit est ainsi harmonisée entre les cantons et c’est bien normal.

– M. Rielle, pensez-vous que Musa Selimi a triché?

– Le seul «crime» qu’on lui reproche, c’est d’avoir fait venir sa famille, en 2005, afin qu’elle vive dans un contexte plus favorable. Est-ce un «crime» que de vouloir voir grandir ses enfants? Ce sont des années qui ne se rattrapent pas. C’est pour cela que je dis que l’application de la loi ne va pas et qu’il faut impérativement changer cette loi.

– Ce n’est certainement pas votre avis, M. Nidegger?

– Non, et je trouve le message de M. Rielle très dangereux. Il dit: «Nous autres, parlementaires, nous méprisons la loi.» Un élu peut vouloir modifier une loi mais, en attendant, il doit respecter celle qui est en vigueur. Surtout si elle a été approuvée par le peuple. Le peuple est-il aussi scélérat?

– Votre réaction, M. Rielle? selimi chronologie

– Cette attaque est grave. Je respecte la démocratie et la loi, mais lorsque son application démontre des effets pervers et qu’il y a des dérives, il est normal qu’il y ait des résistances. Je souhaiterais que l’on parle moins de droit et davantage d’éthique.

– Votre conclusion, M. Nidegger?

– J’invite M. Rielle à déposer sa modification de loi. On verra bien s’il trouvera une majorité à Berne.

– La vôtre, M. Rielle?

– Permettre à des gens de vivre dignement chez nous avec leurs familles, c’est un combat. Et je le revendique.

samedi 29 mai 2010

La Suisse pâtit toujours du vote sur les minarets

minarets langenthalLes tensions internationales à propos de l’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse semblent s’être apaisées. Mais les experts estiment que, six mois après la votation populaire, l’image de la Suisse à l’étranger s’est détériorée.

Le 29 novembre 2009, les Suisses avaient voté pour une interdiction de construire de nouveaux minarets sur le sol national. Cette décision a soulevé des protestations dans le monde entier, notamment dans les pays musulmans, aux Nations Unies et au Conseil de l’Europe. En revanche, elle avait été saluée par les partis les plus conservateurs de l’échiquier politique européen.
Une fois passée la première vague de protestations au lendemain du vote, cette décision a continué de provoquer des critiques officielles, quoique de manière plus sporadique. Ainsi, en mars dernier, le rapport annuel du Secrétariat d’Etat américain sur les droits de l’homme a cité ce vote comme exemple de discrimination envers les musulmans en Europe.
En mars toujours, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, basé à Genève, a adopté une résolution proposée par l’Organisation de la conférence islamique et qui qualifie cette interdiction de «manifestation d’islamophobie».
Mais il existe également des signes montrant que les tensions ont diminué. Revenu récemment de Syrie et du Liban où il avait participé à des dialogues interreligieux, le secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques suisses, Erwin Tanner, a eu l’impression que ce dossier «appartenait au passé».
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, qui planche actuellement sur six recours contre l’interdiction des minarets, a indiqué n’avoir reçu que deux plaintes en avril, contre 50 par jour à la fin janvier.

Pas de sanctions

Au départ, la Suisse craignait des réactions violentes ou un boycott économique de la part des pays musulmans, comme ce fut le cas en 2006 après l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark. Mais six mois après le vote, force est de constater qu’il n’en est rien.
«Les réactions des organisations et des pays musulmans ont été très virulentes sur la forme, mais, à quelques exceptions près, la plupart du temps modérées sur le fond; il n’y a pas eu d’appel au boycott de la part de gouvernements ou de politiciens», déclare Adrian Sollberger, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères. Selon lui, l’image de la Suisse reste globalement «bonne et stable».
A ce propos, le porte-parole signale un récent sondage réalisé par l’université de St-Gall («Swissness Wordwide 2010»), concluant que l’interdiction des minarets a eu peu d’impact sur les produits et les services suisses. Ce qui est également confirmé par le Secrétariat d’Etat à l’économie. «Nous n’avons pas connaissance de problèmes impliquant des entreprises suisses dans des pays musulmans à cause de ce vote», déclare sa porte-parole Rita Baldegger.

Campagne d’information

Adrian Sollberger est d’avis que les réactions très modérées des pays musulmans s’expliquent par la campagne d’information «active» que la diplomatie suisse a menée avant le vote auprès des responsables politiques, religieux et de la société civile dans les pays musulmans. Le gouvernement suisse a du reste entretenu des contacts intensifs avec les ministres des Affaires étrangères européens et les Etats membres de l’Organisation du conseil islamique.
L’ancien ambassadeur François Nordmann estime que cet exercice semble avoir permis de réduire les tensions. A son avis, la nomination de l’ancien ministre suisse de l’Economie Joseph Deiss à la présidence de la 65e Assemblée générale de l’ONU ainsi que la réélection de la Suisse au Conseil des droits de l’homme démontrent qu’il n’y a pas d’hostilité envers la Suisse.
«Mais il est évident que l’image internationale de la Suisse, qui se présente elle-même comme un modèle en matière de droits humains, a été écornée, tempère François Nordmann. Cela nous a forcés à nous montrer plus modestes.»
Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen, estime également que les tensions ont diminué. Mais cela serait davantage dû au temps qui passe qu’aux efforts diplomatiques.
Mais il y a plus inquiétant, selon Hasni Abidi: le citoyen lambda du monde arabe n’a toujours pas compris les enjeux du vote. «Je reviens d’une tournée dans les Etats du Golfe. Chaque fois que nous parlions de la Suisse, les gens affirmaient ne pas comprendre pourquoi les Suisses avaient voté de cette manière. L’image de la Suisse a pris un sacré coup», affirme le chercheur.

Pionnier

Yves Lador, conseiller en droits de l’homme à Genève, estime que l’impact international de ce vote «pernicieux» a été mesuré durant ces six derniers mois, mais qu’il aurait certainement des répercussions négatives à long terme.
«C’est comme une infection. Elle est présente, elle nous fait mal mais ne nous empêche pas de fonctionner. Cependant, elle pourrait brusquement se développer et nous diminuer fortement.»
Tandis que la Suisse continue à bénéficier du soutien européen, certains pays n’hésiteront pas à brandir l’«atout»» des minarets lors de futures discussions bilatérales, affirme Yves Lador.
Tant Hasni Abidi qu’Yves Lador s’inquiètent de la perception du vote suisse à l’étranger et de la manière dont il influence le débat sur l’islam dans d’autres pays européens.
«Quand vous lisez dans les journaux arabes des articles au sujet des campagnes anti-burqa en Belgique ou en France, tous parlent de la Suisse comme d’un pays pionnier qui a osé quelque chose avant les autres», affirme Hasni Abidi.
Dans toute l’Europe, les débats sur l’islam se multiplient. La France va devenir le deuxième Etat à imposer une interdiction du voile intégral après la Belgique, si le projet de loi est accepté par le Parlement en juillet.
Dans le land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, deux groupes d’extrême droite, largement inspirés de la campagne et des affiches de l’Union démocrate du centre (UDC / droite conservatrice), ont appelé cette semaine à une interdiction des minarets.
Au début du mois, le Parlement du canton d’Argovie a adopté une motion pour l’interdiction de la burqa dans l’espace public. Mardi dernier, la section genevoise de l’UDC a lancé une nouvelle proposition pour interdire la burqa sur le plan cantonal. Un comité constitutionnel va examiner la question l’année prochaine. Elle pourrait ensuite être soumise à votation populaire en automne 2012.
«Nous sommes en train de nous contaminer les uns les autres, affirme Yves Lador. Une interdiction de la burqa à Genève détruirait le tourisme en provenance du Moyen-Orient. Si cela devait arriver, l’impact serait pire que l’interdiction des minarets.»

Simon Bradley, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg et Olivier Pauchard)

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En relation avec le sujet

Martigny: des délinquants comme les autres ou des criminels étrangers ?

L'origine des auteurs de la fusillade de dimanche dernier monopolise l'attention. La police et les médias doivent-ils systématiquement dévoiler la nationalité des auteurs de délits? Un article de Simon Petite dans le Courrier.
Un mort, deux blessés, pour sept coups de feu tirés. Voilà le bilan tragique de la fusillade entre deux groupes – des «ressortissants serbes» d'un côté et des «Portugais du Cap-Vert» de l'autre – le dimanche de Pentecôte en plein centre de Martigny. Pas sûr que l'histoire ferait couler autant d'encre si les acteurs impliqués étaient Suisses. Car le débat sur la criminalité étrangère est brûlant. La semaine prochaine, le parlement se prononcera sur l'initiative de l'Union démocratique du centre (UDC) dite des moutons noirs visant à généraliser l'expulsion des criminels étrangers. L'UDC valaisanne a d'ailleurs aussitôt réclamé la révocation du titre de séjour des personnes impliquées dans la fusillade, tout comme Christophe Darbellay, le président du PDC-Suisse, partisan, lui, d'un contre-projet un peu plus modéré.
«Par transparence»
C'est la police valaisanne qui a immédiatement communiqué les nationalités des protagonistes par «transparence», selon le chef de l'information et de la prévention Jean-Marie Bornet. Les choses ne se seraient pas passées différemment dans un autre canton. Même le chef de la sûreté neuchâteloise Olivier Guéniat, qui conteste vigoureusement tout lien entre la nationalité et la criminalité1, s'est rangé à cette pratique. «Si un communiqué ne mentionne pas la nationalité des auteurs d'un délit, on est assailli de téléphones de journalistes. Si on cachait cette information, les médias finiraient par la découvrir. Autant dire les choses tout de suite», explique-t-il, un brin fataliste.
Sexe, âge et couleur du passeport. «La police, dans le feu de l'action, est condamnée à communiquer sur des éléments factuels», estime M. Guéniat. Même si, selon lui, ce sont l'environnement dans lequel vit un individu, son contexte familial ou ses perspectives d'intégration qui déterminent le passage à l'acte. «C'est la justice qui établira un profil plus complet. Je ne crois pas qu'on puisse mener une réflexion sur la complexité de la criminalité en traitant à chaud d'un fait divers.»
Le fait que la police donne systématiquement la nationalité des auteurs de délits n'oblige pas les médias à en faire autant. Mais depuis dix ans, les mentalités ont beaucoup évolué. Auparavant, la mention de la couleur du passeport constituait l'exception. C'est maintenant devenu la règle.
Médiateur pour les publications d'Edipresse, Daniel Cornu en témoigne: «J'étais personnellement très réticent. Aujourd'hui, je crois qu'il faut évaluer l'intérêt en termes d'information au cas par cas et donner la nationalité de toutes les personnes, et pas seulement celle des étrangers. En revanche, je reste opposé à la mention de l'origine. Un Suisse naturalisé est un Suisse à part entière. Le ramener à ses origines, c'est nier sa naturalisation. Personne ne remet en cause la nationalité des joueurs de l'équipe suisse de football.»
Mentionner la nationalité, mais pas de façon discriminatoire, c'est aussi la doctrine du Conseil suisse de la presse, l'organe chargé du respect des règles déontologiques de la profession. Son président Dominique von Burg estime que «pour les événements de Martigny, il y avait un intérêt public à révéler la nationalité des uns et des autres. Car, qu'on le veuille ou non, la question des criminels étrangers est très présente dans le débat politique. Il vaut mieux dire les choses et les expliquer. Les non-dits sont beaucoup plus insidieux.»
Lecture biaisée
Les avis sont plus critiques du côté des instances de lutte contre le racisme. «Dans la plupart des cas rapportés dans les médias, la mention de la nationalité ne se justifie pas. Elle n'apporte rien en termes d'explication du contexte et ne fait que renforcer les préjugés», analyse Sabine Simkhovitch-Dreyfus. La vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme craint que la mention des origines des auteurs de délits prenne une place de plus en plus importante.
Karl Grünberg, de l'association Acor SOS Racisme, est totalement opposé à la publication de la nationalité. «Elle ne constitue pas une information en soi. Je constate seulement qu'en Suisse la généralisation de cette pratique a renforcé la croyance dans une délinquance à caractère ethnique ou racial.» Le cas de Martigny serait révélateur. «La focalisation sur l'origine des protagonistes fait croire à un conflit entre communautés», affirme le militant. Or aucun élément ne confirme cette version. Et la police valaisanne n'était jamais intervenue pour une bagarre entre «Serbes» et «Portugais du Cap Vert».

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Le chemin de l’information

Le drame de Martigny a été confirmé par un communiqué de la police valaisanne dès le lendemain des événements. Il est d'emblée fait mention de l'origine des acteurs impliqués: d'un côté, «des Portugais du Cap-Vert» et de l'autre «des ressortissants de l'ex-Yougoslavie». Quelques heures plus tard, un second communiqué précise qu'il s'agit de «Serbes» et de «Capverdiens».
Ces éléments ont été repris plus ou moins fidèlement dans tous les médias, y compris dans ces colonnes. Ressortissants des Balkans à lire les uns, Serbes, voire Kosovars, pour les autres. Quant à l'auteur présumé du coup de feu fatal, sa nationalité portugaise a rapidement disparu des comptes rendus et a été remplacée par sa seule origine capverdienne.
Le chef de l'information et de la prévention de la police valaisanne, Jean-Marie Bornet, explique avoir communiqué l'origine capverdienne des ressortissants portugais «parce qu'elle était explicitement mentionnée sur leurs papiers». Pour l'autre groupe, la police s'est contentée de la couleur de leur passeport. Interrogé sur son lit d'hôpital par Le Matin, l'un des deux blessés de nationalité serbe a affirmé faire partie de la minorité albanophone de ce pays. Il dit être arrivé en Suisse à l'âge de six mois.

SPE dans le Courrier

La Cimade dénonce des contrôles à proximité de ses locaux

Le Cimade et l'association Casas ont manifesté hier devant leurs locaux, à Strasbourg, pour dénoncer une "chasse aux sans papiers facile et sans dangers". Les deux associations, qui épaulent les demandeurs d'asile, se plaignent de contrôles d'identité "quasi-quotidiens" menés par la police aux frontières "au niveau de l'arrêt de tram Porte de l'hôpital", donc à deux pas de leur porte.

"Les gens nous sollicitent soit par téléphone, soit par Internet, parce qu'ils ont peur d'être contrôlés", raconte Françoise Poujoulet, déléguée de la Cimade pour les régions Alsace et Lorraine : "Dans ces conditions, on ne peut pas leur apporter le même type d'aide, parce que cela complique les choses pour la transmission des pièces et parce que cela empêche la relation interpersonnelle de confiance de se créer".
Les associations ont écrit en septembre 2009 au préfet du Bas-Rhin pour dénoncer ces "entraves à (leur) travail" et lui demander de donner "les instructions nécessaires pour que ces pratiques cessent". Depuis, elles n'ont pas reçu de réponse.
Ce samedi, à 14h, un autre rassemblement aura lieu place Broglie à l'initiative du Réseau éducation sans frontières, pour protester contre la fin de l'hébergement d'urgence de familles étrangères demandeuses d'asile en attente de réadmission vers la Pologne, leur pays d'entrée dans l'UE. RESF affirme qu'une "centaine de personnes seront mises à la rue à partir du 31 mai".

T.C. sur LibéStrasbourg

Mobilisation autour de la loi anti-clandestins en Arizona

Des milliers de personnes venues de tout les Etats-Unis par bus ont défilé samedi devant le capitole de l'Arizona à Phoenix, pour protester contre une nouvelle loi de lutte contre l'immigration clandestine qui doit entrer en vigueur le 29 juillet dans cet Etat frontalier du Mexique.

Les marcheurs portant des pancartes, des bannières et des drapeaux américains et mexicains ont emplis les huit kilomètres de l'artère centrale de Phoenix. Des dizaines de policiers les encadraient, et des hélicoptères tournaient au-dessus de la foule. Les protestataires ont entonné "si se puede", un équivalent espagnol de "Yes we can", la formule de Barack Obama.

La police n'a pas donné d'estimation du nombre des manifestants, mais il semble que 10 à 20.000 personnes aient bravé la chaleur cuisante. Les organisateurs en attendaient 50.000. Certains se faisaient de l'ombre avec leur pancarte ou des parapluies, et des bénévoles distribuaient de l'eau en bouteille aux marcheurs. Une vingtaine de personnes ont été traitées pour des insolations.

Quelques 300 personnes opposées au texte se sont retrouvées autour du Capitole d'Austin au Texas, et autant devant l'ambassade des Etats-Unis au Mexique, pour réclamer la régularisation des clandestins mexicains travaillant aux Etats-Unis.

Des Américains favorables au projet se sont en revanche prononcés pour des achats de produits en provenance de l'Arizona, suggérant d'aller passer des vacances sur place pour soutenir l'Etat qui résiste aux injonctions du pouvoir central. Ils étaient réunis dans un stade de football à Tempe, et certains comme Gina Loudon de St. Louis se comparaient aux défenseurs de Fort Alamo contre les Mexicains.

Les détracteurs du projet de loi affirment qu'il vise injustement les Hispaniques et pourrait mener à des interpellations motivées par la couleur de peau. Ses partisans affirment que l'Arizona doit agir parce que le gouvernement fédéral ne le fait pas, alors que cela relève de ses prérogatives.

AP dans le Nouvel Obs

vendredi 28 mai 2010

“Y’a bon awards 2010”: le palmarès

Jeudi 27 mai avait lieu à la Bellevilloise, à Paris, la cérémonie de remise des « Y'a bon awards » 2010, deuxième cuvée de la manifestation parodique, dont Rue89 est partenaire, organisée par l'association Les Indivisibles. Durant un peu plus de deux heures trente, s'est égrainée une litanie de sorties racistes dans l'espace public, et surtout médiatique. Palmarès de la compétition.

Ce chapelet un peu halluciné a permis d'exhumer sur grand écran -vidéo à l'appui le plus souvent- des dizaines de rictus xénophobes, « essentialistes », plus ou moins triviaux. Parmi ceux-là, neuf ont tiré leur épingle de ce jeu désarmant.

La suite, en vidéos et citations éloquentes, sur le site de Rue89

Même privés d’argent, des requérants déboutés restent en Suisse

Une étude commandée par l’Office fédéral des migrations démontre que la suppression de l’aide sociale n’est pas aussi efficace qu’attendu.

C’est un héritage de l’ère Blocher: depuis le 1er janvier 2008, tous les requérants d’asile déboutés sont privés d’aide sociale, et plus seulement ceux frappés d’une décision de non-entrée en matière. La mesure était censée s’avérer dissuasive, et pousser ceux qui ne bénéficient que d’une aide d’urgence à quitter plus rapidement la Suisse. Or elle ne l’est pas autant qu’espéré. C’est ce qui se lit entre les lignes d’une étude commandée par l’Office fédéral des migrations (ODM).

Dans son communiqué, l’ODM préfère voir le verre à moitié plein. Il souligne que la moitié des personnes déboutées ne recourent pas à l’aide d’urgence et quittent la Suisse, et que «seuls 15%» continuent à la percevoir au bout d’un an. Mais cela signifie également que près de 50% restent en Suisse, sans forcément revendiquer cette aide minimale garantie par la Constitution – environ 8 francs par jour, un toit et des soins médicaux si nécessaire. La situation inquiète les cantons, compétents en matière d’exécution des renvois. Ils reçoivent de la Confédération un forfait de 6000 francs par requérant débouté pour les coûts liés à l’aide d’urgence, mais passent à la caisse dès que ce montant est dépassé.

Interdites de travail, peinant à s’intégrer et sans le sou, ces personnes vivent dans des conditions très précaires. Du coup, des privés et œuvres d’entraide viennent à leur secours. «Le soutien des sociétés civiles et des partis politiques apporté aux requérants a tendance à accroître la durée de séjour des bénéficiaires de l’aide d’urgence», souligne l’étude.

«Une idéologie de répression»

D’autres facteurs sont mis en avant. Comme le fait que les renvois ne peuvent pas toujours être exécutés: certains pays rechignent à reprendre leurs ressortissants. Recourir à l’aide d’urgence est aussi pour certains un scénario moins rebutant que le retour dans leur pays d’origine. Que faire face à un pareil casse-tête? Selon l’étude, les cantons peuvent agir à deux niveaux: en «mêlant judicieusement mesures incitatives et sanctions en ce qui concerne le régime de l’aide d’urgence et en intensifiant leurs efforts en vue de l’exécution des renvois». Elle souligne qu’il est d’une «importance capitale de disposer d’un nombre suffisant de places de détention, de bénéficier d’une certaine disponibilité pour les opérations policières et d’avoir la possibilité de transférer des personnes en vue de leur identification». Un groupe de travail va se pencher sur les solutions à apporter.

Pour l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, «cette idéologie de répression, qui ne tient pas compte des personnes vulnérables, ne change rien». «Il est irresponsable de pousser ces personnes dans une situation de précarité sans respecter la dignité humaine», commente le porte-parole Adrian Hauser.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Asile: aide sociale supprimée “efficace”

asile aide sociale

Sur txt.ch

Immigration: les gens de Québec encore frileux

Même si les milieux politiques et économiques de Québec comptent sur les immigrants pour assurer la croissance de la région et occuper les nombreux emplois vacants, la population de la capitale demeure craintive par rapport aux nouveaux venus, surtout lorsqu'ils sont «visibles». Un article signé Baptiste Ricard-Châtelain dans le Soleil de Québec, relayé par Cyberpresse.

«Il y a encore des résistances liées à l'ignorance», observe la directrice du Centre multiethnique de Québec, Dominique Lachance. «Il y a une adhésion qui doit se faire.»

Les institutions ont embarqué dans le train de l'immigration, mais les résidants seraient encore sur le quai à se demander s'ils veulent vraiment monter dans les wagons remplis de visages multicolores.

L'arrivée récente de réfugiés birmans a d'ailleurs suscité de vives réactions au sein de la communauté. Une nouveauté pour l'équipe du Centre multiethnique, qui a reçu, pour la première fois, des courriels et des appels troublants : «Il y a une peur.»

Il faudra bien que les récalcitrants s'adaptent parce que la capitale est la principale destination des réfugiés admis au Québec. D'ailleurs, plusieurs groupes de Bhoutanais réfugiés au Népal s'installeront au cours des prochaines années. Et une vague de réfugiés de l'Irak est attendue d'ici l'automne.

Surpris par le constat de Mme Lachance? Vous nous pensez accommodants? Au moins 30 % des propriétaires d'immeubles de logements de la région refusent catégoriquement d'héberger des immigrants réfugiés, critique Hélène Gosselin, l'employée du Centre multiethnique, qui a la difficile tâche de dénicher de grands logements abordables pour les familles débarquant à Québec. «De la couleur icitte, j'en veux pas», se fait-elle souvent lancer par ces locateurs. Leurs noms sont dès lors consignés sur la liste noire...

«On a une liste de propriétaires avec lesquels on ne fait pas affaire», insiste la directrice Dominique Lachance. Résultat : les réfugiés sont regroupés au centre-ville ainsi que dans le secteur Vanier et Limoilou, où l'accueil serait plus jovial. «On n'a pas le choix, quand on trouve des propriétaires ouverts, de "concentrer" [même si] ça va contre nos principes.»

Un demi-siècle d'accueil

Il y a 50 ans, les immigrants étaient reçus à la gare centrale de Québec par de riches femmes anglophones et une tasse de thé!

L'accueil des immigrants a bien évolué depuis la naissance, en 1960, de la Fraternité canadienne, l'ancêtre du Centre multiethnique de Québec.

«On n'utilise plus le Carnaval et la cabane à sucre!» rigole la directrice, Dominique Lachance.

À l'époque, ces activités étaient inscrites au parcours d'intégration typique, avec le concours de bonnets de la Sainte-Catherine et la kermesse gastronomique organisée une semaine avant la fête des Mères.

Les nouveaux arrivants ont aujourd'hui accès à une équipe structurée pour favoriser leur installation. Diane Plourde est l'une de ces intervenantes à l'accueil.

Dès la première rencontre, elle les accompagne dans les dédales gouvernementaux pour l'inscription à l'assurance maladie, à l'aide sociale... Puis, il y a la première expérience de magasinage au centre commercial afin d'habiller les familles souvent nombreuses.

La vie en appartement

Quand un logement est enfin déniché, il faut également diriger les futurs Québécois dans leur logis. Les réfugiés qui ont longtemps séjourné dans les camps sont particulièrement perdus.

Mme Plourde doit donc expliquer le fonctionnement du thermostat, du réfrigérateur, de la toilette, même. Il ne faut surtout pas oublier d'insister sur un point : le rideau de douche doit pendre dans la douche pour éviter les dégâts d'eau! C'est du nouveau pour ceux qui ont vécu dans le dénuement.

Tout cela peut sembler banal, convient Diane Plourde. Mais chaque irritant en moins sur les épaules des immigrants est un pas de plus vers une intégration réussie.

jeudi 27 mai 2010

Amnesty épingle la Suisse raciste

L’ONG britannique s’inquiète de la montée d’un discours xénophobe dans la Confédération. Et juge que la législation antidiscrimination n’est pas assez forte.Dans son dernier rapport annuel, publié aujourd’hui, Amnesty International s’inquiète de la montée du racisme et de la xénophobie dans le discours public en Suisse. Lors de la campagne pour les votations du 29 novembre, «la minorité musulmane a été stigmatisée par la propagande politique» des opposants aux minarets, écrit l’ONG.

L’ONG britannique s’inquiète de la montée d’un discours xénophobe dans la Confédération. Et juge que la législation antidiscrimination n’est pas assez forte.
Dans son dernier rapport annuel, publié aujourd’hui, Amnesty International s’inquiète de la montée du racisme et de la xénophobie dans le discours public en Suisse. Lors de la campagne pour les votations du 29 novembre, «la minorité musulmane a été stigmatisée par la propagande politique» des opposants aux minarets, écrit l’ONG.

Elle rappelle que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe avait dénoncé une initiative «violant les droits de l’homme». Plus généralement, ajoute Amnesty, l’ECRI mettait en évidence une «montée en puissance du discours raciste et xénophobe», en particulier de la part de l’UDC.

Le rapport souligne également que des brutalités policières ont été signalées, en particulier contre des requérants d’asile et des migrants. Le comité des droits de l’homme de l’ONU a réclamé en octobre la création de mécanismes indépendants pour enquêter sur les plaintes déposées contre la police. Dans ce contexte, Amnesty estime que l’article du Code pénal interdisant la discrimination raciale n’a qu’une «efficacité limitée». Elle demande un renforcement de l’arsenal juridique avec l’adoption d’une véritable loi contre les discriminations.

Vie difficile de requérants d’asile déboutés
L’organisation cite également les conclusions de plusieurs comités d’experts européens ou de l’ONU qui s’inquiètent des conditions de vie difficiles des requérants d’asile déboutés ou de l’insuffisance de services d’aide pour les victimes de la traite des êtres humains. La Suisse a cependant pris «toute une gamme de mesures» visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains. Mais les services d’aide aux victimes n’existent que dans certains cantons et la loi sur la protection des victimes n’est pas appliquée de manière systématique.

De même, la Confédération a ratifié le protocole facultatif à la Convention de l’ONU contre la torture et instauré une commission de prévention. L’organisation de défense des droits humains se réjouit aussi de la décision du Conseil fédéral d’accorder une protection humanitaire à des détenus de Guantánamo.

ATS / 24 Heures

“La Suisse cherche à se rendre indésirable au détriment des personnes persécutées”

Amnesty International fait part de son indignation suite à la révision de la Loi sur l’asile telle que présentée le 26 mai 2010 par la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Des durcissements inacceptables sont proposés, comme le refus de l’asile aux déserteurs (hommes et femmes), la suppression de la demande d’asile dans les ambassades suisses ou la réduction du délai de recours à 15 jours. Par contre, Amnesty International se réjouit de la suppression de la procédure de non-entrée en matière, qu’elle avait toujours dénoncée comme contraire à la Convention sur les réfugiés.

Amnesty International s’indigne de la suppression de la procédure dans les ambassades, une suppression qui avait pourtant récolté une très large opposition lors de la procédure de consultation. «Il est incompréhensible que le Conseil fédéral maintienne la suppression de la procédure d’ambassade. Cela aurait pour conséquence qu’à l’avenir, des personnes persécutées devraient entreprendre un long et souvent périlleux voyage, sans pouvoir déposer une demande d’asile auprès d’une ambassade suisse dans la région en crise», relève Denise Graf, coordinatrice asile auprès de la Section suisse d’Amnesty International. «Amnesty International s’est impliquée à plusieurs reprises en faveur de personnes menacées en Turquie et en Colombie qui ont pu fuir le pays grâce à l’aide de l’ambassade suisse.»
La modification de la notion de réfugié à l’égard des déserteurs est particulièrement problématique car elle porte atteinte à la condition juridique des requérants d’asile. La réduction du délai de recours de 30 à 15 jours empêcherait les personnes persécutées de se procurer des preuves. Quant au conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances, tel que proposé par le Conseil fédéral, il est insuffisant. Amnesty International exige une véritable aide juridique financée par l’Etat, telle qu’elle existe dans d’autres pays européens. «Les nombreux durcissements prévus dans la révision de la loi portent atteinte à la tradition humanitaire de la Suisse. Le Conseil fédéral cherche à rendre la Suisse indésirable, au détriment des personnes persécutées», ajoute Denise Graf.

Communiqué de presse d’Amnesty International publié le 26 mai 2010, Berne / Lausanne.

Les femmes s’affrontent sur la burqa

A l’invitation du «Tages-Anzeiger», six femmes ont débattu mardi soir à Zurich de l’interdiction de la burqa, ou du niqab, pour employer le terme correct. Même parmi celles qui s’opposent à une interdiction, la réprobation, voire l’agressivité envers la seule femme à porter le voile intégral lors de la discussion étaient palpables. Un article de Catherine Cossy dans le Temps.

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La réprobation voire l’agressivité étaient palpables. Sur le podium, six femmes alémaniques s’engageant pour les droits des femmes avaient été invitées mardi soir à Zurich, par le Tages-Anzeiger, à débattre d’une interdiction de la burqa, ou niqab, selon le terme exact. Nora Illi, la déléguée aux questions féminines du Conseil central islamique suisse, drapée dans un voile intégral noir qui ne laissait voir que la fente de ses yeux, polarisait par sa seule présence. S’engageant à ses côtés contre une interdiction, Jacqueline Fehr, conseillère nationale et vice-présidente du Parti socialiste suisse, a commencé par l’attaquer de front: «Cette question est un faux débat qui nous coûte de l’énergie que nous ferions mieux d’investir pour améliorer l’intégration, notamment à l’école. Cela ne concerne pas Mme Illi, qui peut même se permettre de travailler depuis la maison. Avec le zèle de convertie qu’elle démontre, et sa manière de se couper des autres, je la considère plutôt comme membre d’une secte.»

«Vous avez déjà fait des progrès, je vois vos mains, contrairement au débat télévisé auquel vous avez participé la semaine dernière», a lancé à Nora Illi Rosmarie Zapfl, ancienne conseillère nationale PDC et actuelle présidente d’Alliance F, regroupant les associations féminines de Suisse. Elle argumente en faveur d’une interdiction: «Dans toutes les religions, les femmes subissent des discriminations. Le port de la burqa est un retour en arrière. Rien dans le Coran ne prescrit le voile. Mme Illi ne peut pas dire qu’elle vit le seul vrai islam.»

Saïda Keller-Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste, renchérit: «Cela me fait mal quand je vois ce que Mme Illi fait avec ma religion. Il faut interdire le niqab avant que nous ayons une situation comme en France. Derrière cette façon de cacher, et donc de nier, son corps, je vois un refus de s’exposer au monde extérieur, c’est une attitude régressive.»

Troisième partisane de l’interdiction, la psychologue thurgovienne et auteure de livres à succès sur les rapports entre femmes et hommes Julia Onken, qui s’était déjà engagée pour l’interdiction des minarets, s’est sentie obligée de prendre la défense des hommes: «Ces femmes emballées d’un voile noir suggèrent que les hommes ne sont que des bêtes dominées par la testostérone. Je dis pourtant que si l’on peut apprendre à un berger allemand à ne pas mordre dans la saucisse qui est devant son nez, on peut aussi apprendre aux hommes à se maîtriser.»

Une salve d’attaques que Nora Illi ne pouvait laisser passer: «L’islam n’est pas une secte. Je n’ai pas la prétention de représenter tout l’islam, mais une facette de cette religion. Je trouve que le niqab est mieux pour moi, mais je n’ai jamais dit que toutes les musulmanes doivent le porter. Une interdiction aurait pour conséquence que les femmes portant le niqab resteraient cloîtrées chez elles.» Seule à ne pas se sentir agressée par la présence de Nora Illi en monolithe noir, Stella Jegher, membre de la direction d’Amnesty International Suisse, a rappelé que la liberté des femmes ne pouvait pas être garantie par des interdictions. «On instrumentalise les droits des femmes pour discriminer une religion. Il est tragique que l’on voie dans l’interdiction du niqab un signe contre l’oppression, alors que c’en est un contre l’islam.»

Les inquiétudes face à l’islam n’en demeurent pas moins fortes. Les circonvolutions de Jacqueline Fehr en témoignent: «Je suis contre le port de la burqa, un visage caché dans l’espace public me gêne. Il est pour moi hors de question qu’une femme portant un voile intégral travaille dans un hôpital, une banque ou au supermarché. Mais je suis opposée à ce que l’on légifère pour le moment. Une interdiction ne ferait qu’aggraver le problème.» Une argumentation qui, pour Rosmarie Zapfl, ne tient pas: «Les parents qui demandent des dispenses de cours de natation pour leurs filles sont toujours plus nombreux, nous ne pouvons pas être tolérants. Il faut donner un signe fort. On a dit la même chose pour les mariages forcés, et maintenant, il y a un projet de loi en consultation.»

La discussion a bien montré que les positions, à part celles de Nora Illi, ne sont pas si éloignées. La centaine de femmes qui portent le niqab en Suisse mettent les intervenantes devant un casse-tête. Pour les tenantes de l’interdiction, il faut enrayer le mouvement le plus vite possible. Les autres pensent que les priorités sont ailleurs. Elles se retrouvent sur un point: si la question était soumise au verdict populaire, l’interdiction l’emporterait en tous les cas.

Islam et démocratie, le débat qui n’a pas eu lieu

Le conseiller national Andreas Gross publie une série d’études sur le vote anti-minarets. Un article d’Yves Petignat dans le Temps.

Six mois après l’acceptation de l’initiative anti-minarets, le débat autour de l’islam radical, de la burqa ou voile intégral, ou de la compatibilité du Coran avec la démocratie est encore bien plus intense qu’avant la votation. Mais il reste envahi par les émotions et les clichés; surmédiatisé, le Conseil central islamique de Nicolas Blancho fait déraper tous les raisonnements.

Dès lors, le petit ouvrage sorti des Editions Le Doubs, Von der Provokation zum Irrtum, sous la direction du conseiller national Andreas Gross, est une première contribution au rétablissement d’un débat basé sur les faits et la raison. L’ouvrage sera d’ailleurs traduit en français sous le titre Entre confusion et provocation. Il paraîtra dans quelques semaines avec les actes du colloque qui setiendra samedi 29 mai à Soleure, autour du résultat de l’initiative anti-minarets, du respect de la liberté religieuse et des droits de l’homme.

Comment est-on arrivé à un résultat où la démocratie directe s’oppose à un autre droit fondamental, celui des droits de l’homme et de la liberté religieuse, s’interrogent les auteurs de la quarantaine de contributions. Il y a la défaillance des politiques et des médias, incapables de prendre conscience du caractère particulier de cette initiative – sur fond de grave crise économique et identitaire en Suisse –, et de mener un vrai débat sur nos valeurs démocratiques. Les éditeurs notent d’ailleurs que ce fut la première initiative, sans doute, à susciter bien plus d’échanges et de controverses après qu’avant la votation.

On lira aussi avec beaucoup d’intérêt le texte d’un étudiant en pédagogie, Simon Landwehr, qui a décortiqué 183 lettres de lecteurs avant le vote. Les inquiétudes diffuses face à l’islam et à ses valeurs se traduisent par des expressions violentes, à la hauteur des émotions ressenties: «Guerre, combat, avancée de l’islam, échec de notre culture politique, démonstration de force.»

Mais on peut aussi apprendre d’une telle expérience douloureuse et passer d’une culture de la confrontation à celle de l’intégration, conclut ce petit ouvrage.

* Von der Provokation zum Irrtum, Editions Le Doubs, 170 pages. A paraître prochainement en français sous le titre «Débats sur les minarets, entre provocation et confusion».

Coup d’accélérateur dans le domaine de l’asile

Réduction des délais de recours ou suppression des demandes dans les ambassades: Eveline Widmer-Schlumpf veut des décisions plus rapides et lutter contre les abus. Ses propositions ne soulèvent pas l’enthousiasme. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Accélérer les procédures et renvoyer plus rapidement les requérants d’asile qui ne méritent pas la protection de la Suisse: voilà ce que vise Eveline Widmer-Schlumpf en proposant de nouvelles modifications des lois sur l’asile et sur les étrangers. Ses propositions, mises en consultation jusqu’à la mi-mars, avaient reçu un accueil plutôt froid (LT du 23.03.2010). Mais, malgré les critiques de la gauche et de la droite, la ministre maintient le cap et le Conseil fédéral les transmet telles quelles au parlement. Ce qui promet de vives empoignades.

Pourquoi de nouveaux changements alors que les lois sont entrées en vigueur en janvier 2008? Il y a urgence, insiste la ministre. Le nombre des demandes d’asile est passé de 10 844 en 2007 à 16 005 en 2009, une hausse qui est principalement due aux Nigérians, Erythréens, Somaliens, Irakiens et Sri Lankais. Voici les principaux changements prônés:

Non-entrées en matière et délais raccourcis

Eveline Widmer-Schlumpf veut faire en sorte que la plupart des décisions soient prises dans les cinq centres d’enregistrement, avant que les requérants soient répartis dans les cantons. Mais elle admet que le système des «NEM» ne s’avère pas dissuasif et fonctionne mal. Car certains requérants ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays. Privés d’aide sociale et inexpulsables, ils sont livrés à eux-mêmes et risquent de succomber aux tentations de la criminalité pour survivre. Par souci d’efficacité, le Conseil fédéral propose de ne débouter d’office que les requérants qui ont déjà déposé une demande dans un Etat de l’espace Schengen et ceux sans motifs d’asile pertinents, qui viennent d’un pays jugé «sûr» où ils peuvent être renvoyés sans difficulté.

Les autres auront droit à une procédure d’asile complète, mais raccourcie. Le délai de recours pour tous les requérants déboutés passera de 30 à 15 jours – la Belgique l’a fixé à 15, le Royaume-Uni à 10 –, selon le projet du Conseil fédéral. Une décision qui heurte les socialistes et les Verts. Ils craignent que le délai raccourci n’aboutisse à des décisions arbitraires. Car, souvent, des preuves doivent être récoltées à l’étranger, ce qui prend du temps. Pour l’UDC, Eveline Widmer-Schlumpf est au contraire encore trop généreuse. Mercredi, le parti a d’ailleurs sévèrement égratigné la ministre dans un communiqué. Il qualifie la réforme d’«inutile contre l’afflux des requérants d’asile nigérians qu’il faudrait enfin pouvoir renvoyer dans leur pays».

 

Si le PLR est sur le fond favorable à l’esprit de la réforme, il avertit: seule une hausse du personnel des administrations concernées et de profonds changements organisationnels peuvent apporter l’accélération souhaitée.

Œuvres d’entraide écartées des auditions

La ministre propose de supprimer la présence des représentants d’œuvres d’entraide lors des auditions des requérants. Pour les remplacer par un «conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances», aux contours encore flous. Son financement serait assuré par la Confédération. L’UDC ne veut pas en entendre parler. Selon le parti, cela ne ferait que «saboter» l’efficacité de la réduction du délai de recours. «L’Etat encourage ainsi la prolongation des procédures, si bien que les prétendus efforts visant à accélérer le traitement des cas en justice sont de purs exercices alibis pour la galerie», dénonce le parti.

Motivations par écrit

Autre mesure proposée: l’introduction d’une procédure rapide, par écrit, pour les auteurs de demandes multiples, «qui retardent la procédure de manière abusive». Eveline Widmer-Schlumpf vise les personnes ayant déjà essuyé un ­refus qui tentent une nouvelle fois leur chance, avec les mêmes ­motifs.

Supprimer les demandes dans les ambassades

La conseillère fédérale y tient: la Suisse ne doit plus être le seul pays européen à autoriser le dépôt de demandes d’asile dans les ambassades. Voilà qui risque de pousser des personnes persécutées à la migration illégale et à entreprendre un long et périlleux voyage parfois au péril de leur vie, dénonce Amnesty. La ministre répond que celles qui ont des motifs valables pourront obtenir un visa pour déposer leur demande en Suisse.

Le casse-tête des déserteurs érythréens

L’affaire remonte à décembre 2005, lorsque le Tribunal administratif fédéral avait en substance déclaré que les persécutions politiques qui découlent d’un refus de servir dans l’armée érythréenne donnaient droit au statut de réfugié. Depuis, les demandes d’asile des Erythréens ont pris l’ascenseur. Pour la ministre de Justice et police, c’en est trop: les déserteurs et objecteurs de conscience érythréens ne doivent plus recevoir le statut de réfugié. Mais elle assure que tout requérant qui risque de subir des traitements inhumains dans son pays continuera à bénéficier d’une admission provisoire. Elle revient également avec son projet de sanctionner pénalement les requérants qui mènent des activités politiques en Suisse dans le seul but de se mettre en danger par rapport à leur gouvernement et se constituer des motifs d’asile.

Asile: le Conseil fédéral veut des procédures accélérées

Malgré le scepticisme à gauche et à droite, le Conseil fédéral continue de miser sur son projet visant à accélerer le traitement des demandes d'asile.

Il a remis mercredi son message au Parlement, y intégrant différentes mesures annoncées de longue date.

Le projet prévoit que la procédure dite de non-entrée en matière (NEM) ne sera plus appliquée que si le requérant peut être renvoyé sans problème (régime de Dublin, renvoi vers une pays tiers jugé sûr, absence de motif d'asile). Dans les autres cas, une procédure complète mais raccourcie est prévue. Le délai de recours serait réduit de 30 à 15 jours.

Parallèlement, la ministre de justice et police Eveline Widmer-Schlumpf veut supprimer la présence de représentants d'oeuvres d'entraide lors des auditions sur les motifs de la demande d'asile. En lieu et place, les requérants se verraient offrir un "conseil en matière de procédure et d'évaluation des chances".

En sus de cette réforme, le Parlement devra se prononcer sur d'autres mesures. Parmi elles, la suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade à l'étranger et la non-reconnaissance de l'objection de conscience et de la désertion comme motif pour obtenir l'asile.

Un article du Matin

Pourquoi la France est épinglée par Amnesty International

Cette année encore, la France fait partie des 159 pays épinglés par le rapport annuel d'Amnesty International. Un moyen de rappeler qu'en démocratie aussi il faut rester vigilant. Un article signé Isabelle Crahay dans l’Express.

La campagne d'Amnesty International en faveur de la compétence universelle en matière de crime contre l'Humanité.

DR La campagne d'Amnesty International en faveur de la compétence universelle en matière de crime contre l'Humanité.

Première citée par le chapitre que le rapport 2010 d'Amnesty International consacre à la France: la police. Elle aurait recouru à la force et à des mauvais traitements de manière excessive. Ali Ziri en serait même mort. Cet Algérien de 69 ans interpellé en juin dernier à Argenteuil serait décédé des suites de coups infligés par les forces de l'ordre. Quant aux enquêtes diligentées sur ces bavures, elles seraient trop lentes et manqueraient d'indépendance et d'impartialité selon l'ONG.

Des violations des droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile sont également montrées du doigt. En mai 2009, le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale a restreint le rôle de la Cimade dans les centres de rétention. Depuis, elle "partage le travail" avec cinq autres ONG jugées moins critiques à l'égard du gouvernement. La Cimade a engagé une série de recours en justice contre cette mesure. Mais en novembre, le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur de la réforme. En septembre dernier, un campement de 300 migrants et demandeurs d'asile près de Calais avait été investi par la police puis détruit par des bulldozers. Certains sont revenus sur place par la suite, d'autres se sont retrouvés sans abri, quelques-uns ont obtenu le droit d'asile mais trois Afghans ont été expulsés vers leur pays en octobre, et bien d'autres en situation irrégulière pourraient les suivre.

La Cour pénale internationale ne suffit pas

Enfin, ce sur quoi insiste particulièrement Amnesty cette année, c'est la Cour Pénale Internationale. Le Statut de Rome de 1998, qui lui garantit des actions permanentes et non limitées à des conflits particuliers, n'est pas encore ratifié par tous les Etats-membres de l'ONU; 111 sur 192 l'ont signé à ce jour. La France l'a signé et ratifié, mais la loi d'adaptation du droit français à la CPI n'est toujours pas adoptée. "La CPI seule ne suffit pas", a rappelé Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France. Et le projet de loi de juin 2008 ne risque pas d'arranger les choses: un amendement l'a soumis à quatre "verrous" extrêmement restrictifs qui rendraient pratiquement impossible la répression en France de crimes internationaux. Le suspect doit en effet avoir sa "résidence habituelle" en France, son crime doit être puni à la fois par la loi française et par celle du pays où il a été commis, les victimes ne peuvent pas se porter partie civile et les poursuites ne peuvent avoir lieu en France que si la CPI décline d'exercer sa compétence -une disposition contraire au Statut de Rome, qui prévoit à l'inverse que la CPI ne peut agir qu'en cas de défaillance des juridictions nationales. Le vice-président d'Amnesty, Francis Perrin, a jugé pour sa part que "si ce projet de loi est voté, cela fera de la France une terre d'impunité. Ces verrous empêchent la collaboration avec la CPI, et c'est très grave. Si le gouvernement persiste, cela prouvera que ces belles phrases ne signifiaient rien. Il y a une prétention des autorités françaises en matière de droits humains, alors que dans les faits c'est le vide sidéral."

La réunion de Kampala (Ouganda) du 31 mai prochain doit dresser le bilan des premières années de fonctionnement de la justice pénale internationale. A charge pour la France de s'engager autrement qu'à "reculons".

Fin des demandes depuis les ambassades

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Coup de frein à l’explosion des demandes d’asile

De 2007 à 2009, le nombre annuel de demandes d’asile est passé d’environ 11 000 à plus de 16 000. En cause, l’arrivée de nombreux requérants d’Afrique subsaharienne (Nigeria, Erythrée et Somalie), du Proche-Orient (Irak) et du Sri Lanka. Un article signé Romain Clivaz, Berne, pour 24 Heures.

Cette évolution inquiète la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf (Parti bourgeois-démocratique). Hier, le Conseil fédéral a confirmé les grandes lignes de son projet de loi censé réduire l’attractivité de la Suisse. Ce tour de vis intervient deux ans à peine après l’entrée en vigueur du dernier durcissement, approuvé par plus de 67% des votants, en automne 2006.

Leitmotiv du paquet de mesures: accélérer les procédures. L’application aujourd’hui très large de la procédure de non- entrée en matière (NEM) sera restreinte. Resteront sur le seuil d’une part les personnes ayant déjà déposé une demande d’asile dans un pays européen signataire, comme la Suisse, de la Convention de Dublin; d’autre part, les requérants qui peuvent être renvoyés dans un pays tiers sûr. Enfin, ceux qui invoquent des raisons exclusivement économiques ou médicales subiront le même sort.

Quid des personnes qui passeront ce premier obstacle? Une procédure matérielle plus rapide qu’aujourd’hui est prévue. Le délai de recours sera ramené de 30 à 15 jours. Outre des pratiques plus restrictives concernant les demandes d’asile à l’étranger et les déserteurs (lire ci-dessous), les œuvres d’entraide ne pourront plus assister aux auditions. En compensation, un conseil en matière de procédure sera offert aux demandeurs d’asile. Financièrement, cette réforme ne devrait pas coûter plus cher à la Confédération, selon le directeur de l’Office fédéral des migrations, Alard du Bois-Reymond.

Eveline Widmer-Schlumpf a convaincu ses collègues du gouvernement. Pour le reste, la Grisonne paraît bien seule. «En réduisant le délai de recours à 15 jours, on dépossède les candidats de leurs droits élémentaires. Un véritable soutien juridique devrait être garanti en contrepartie» déplore Denise Graf.

La représentante d’Amnesty International ajoute: «C’est problématique pour les personnes qui doivent faire venir des preuves depuis l’étranger. De plus, des individus traumatisés ont besoin de temps pour exprimer leurs motivations. Certains ne parviennent à raconter ce qu’elles ont vécu que des années après les faits.» L’organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), le PS et les Verts ont également condamné ce «durcissement».

«Pour la galerie»

«Politique d’asile pour la galerie» assène au contraire l’UDC. L’ancien parti d’Eveline Widmer-Schlumpf estime que le projet «est complètement dépourvu d’éléments dissuasifs», notamment contre l’afflux de requérants d’asile nigérians et de déserteurs. Au centre-droite, le PLR est aussi sceptique: «Ces propositions vont compliquer les procédures au lieu de les simplifier, commente le porte-parole Philippe Miauton. Nous ne voyons donc pas comment elles pourraient permettre une accélération des procédures…» La balle est désormais dans le camp du parlement.

mercredi 26 mai 2010

Alard du Bois-Reymond, la méthode du franc-parler

Le Zurichois de 49 ans s’est imposé en quelques mois à la tête de l’Office fédéral des migrations (ODM). Ses phrases chocs sur les requérants nigérians ont fait de lui l’archétype du raciste anti-Noirs. Il assume et s’explique. Un article de Xavier Alonso, Berne, dans 24 Heures.

Alard du Bois-Reymond s'explique

«Je ne sais pas si être marié à une Congolaise me donne une légitimité, mais cela me donne l’envie de parler clair. J’aime que les Africains soient bien intégrés. J’aime l’Afrique, je m’y sens aussi chez moi!» Alard du Bois-Reymond, le nouveau directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM), revendique le parler vrai. Et l’applique. C’est lui qui a déclaré, à la mi-avril, que 99,5% des requérants nigérians utilisent la filière de l’asile pour s’adonner à des activités illégales, dont le trafic de drogue.

Avec cette seule déclaration, l’économiste de 49 ans est devenu l’homme du printemps de la politique fédérale. Le protagoniste d’une polémique anti-Noirs. Amnesty International s’est indigné. Et le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noirs (CRAN) a exigé sa démission et parlé de «xénophobie d’Etat». Pour le coup, cet ex-délégué du CICR, qui a sillonné l’Afrique, de l’Ethiopie au Nigeria, passe aux yeux de certains milieux humanitaires pour le raciste No 1 de Suisse. «C’est particulier à vivre. Mais cela ne me touche pas beaucoup. On en rigole beaucoup avec ma famille africaine, que je vois souvent à Paris», rétorque Alard du Bois-Reymond.

De l’humanitaire à la migration
Car celui qui est à la tête de l’ODM depuis janvier seulement n’en démord pas. «Ce qui est grave, c’est de ne pas parler de certaines choses», souligne le fonctionnaire, mettant en avant un discours qu’il veut honnête et factuel. Ces méthodes chocs, l’homme les appliquait déjà lorsqu’il dirigeait, de 2005 à 2009, l’assurance invalidité (AI). Fin 2009 encore, il avait lancé une campagne d’affichage jugée scandaleuse. Le slogan «Vous ne verrez jamais les handicapés au travail» voulait briser les tabous par la provocation.

«Quand les gens vous disent: «Je ne vois pas ton handicap, je ne vois que ta personne», je sais que ce n’est pas vrai: je suis fils de handicapé!» raconte Alard du Bois-Reymond. Son père, engagé dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, a perdu l’usage des deux jambes en sautant sur une mine. D’origine neuchâteloise, la famille du Bois-Reymond s’était établie à Berlin au XVIIIe siècle, contrainte à l’exil lorsque le canton était passé de la Prusse à la Confédération helvétique.

«On voit d’abord la couleur de sa peau»
«Mon aïeul, royaliste, était ministre auprès de la cour de Prusse!» explique Alard du Bois-Reymond dans un français mâtiné d’accent germanique. C’est finalement le grand-père de l’actuel patron de l’Office des migrations, toujours détenteur de la nationalité suisse, qui est venu s’installer à Zurich à la fin de la guerre et a ainsi mis fin à l’exil.

Entre le parcours personnel d’Alard du Bois-Reymond et son histoire familiale, il y a comme des résonances. Mais davantage qu’aux illusions du destin «et du hasard», cet homme à l’allure de barbouze s’appuie sur les faits. Et les sentiments qu’il a pu éprouver personnellement en font partie. Aussi, il relie l’hypocrisie qui règne autour du handicap à celle liée aux étrangers. «Je l’ai vécu avec ma femme, raconte-il mi-amusé, mi-affligé. «Ah, tu es Noire? Je n’avais pas fait attention!», s’entend-elle dire parfois. Il faut être honnête. On a tous ces réflexes: on voit d’abord la couleur de sa peau. Et ce n’est pas être raciste de le dire. Ce qui est grave, c’est quand on ne la prend pas au sérieux parce qu’elle est Noire.»

lundi 24 mai 2010

Le niqab ! Où ça ?

Il n'y en a presque pas en Suisse, mais il est partout. Le voile intégral remplit les journaux après avoir trôné sur les affiches anti-minarets. La différence aujourd'hui, c'est que l'UDC n'est plus seule à tisonner les peurs en fabriquant des menaces. Edito du Courrier signé Rachad Armanios.

La méthode a si bien fonctionné que le pitbull Freysinger passerait pour un agneau face au président du PDC Christophe Darbellay. Celui-ci avait, dès le lendemain de la votation balayant les minarets, dégommé le niqab. La conseillère fédérale Eveline Widmer Schlumpf a, elle, rompu la collégialité en assimilant femmes en burqa et casseurs cagoulés. Le gouvernement a pourtant jugé que c'était un non-problème. L'avenir dira si la Suisse suivra la France et la Belgique dans leur mauvais réflexe prohibitionniste: car la liberté d'expression s'applique aussi à des formes d'expression qui choquent ou inquiètent. La tentation pourrait être de légiférer «préventivement» au sujet d'un phénomène qui serait forcément destiné à se multiplier. Forcément? Rappelons un précédent fondateur dans la manipulation, quand l'UDC, en 2004, tordait les statistiques pour prédire une démographie musulmane bientôt majoritaire. Le matraquage a fait ses preuves. Depuis plusieurs années, l'islam est seulement envisagé comme un problème. Les difficultés sont certes réelles: comment aménager un espace harmonieux à une population hétérogène qui, en quarante ans, est passée de 15000 personnes à 350000? Quelle place, entre ouverture et fermeté, donner aux revendications de certains de ces citoyens – heures de piscine séparées, écolières prépubères voilées, lieux de culte? Les écueils sont nombreux. D'où la nécessité d'un débat apaisé à partir des expériences du terrain et non d'un islam imaginaire. A part, bien sûr, si l'on considère qu'intégration est synonyme d'assimilation... Les musulmans et l'Etat libéral sont doublement pris en otages par ceux qui testent toujours plus les limites de la démocratie: d'un côté, par les fondamentalistes musulmans, voire les croyants conservateurs qui monopolisent la parole. De l'autre, par les populistes, tout aussi fondamentalistes que les barbus puisque, par un effet miroir, ils résument eux aussi l'islam à sa caricature. Savoir qui met de l'huile sur le feu et qui l'a bouté importe peu. Car les flammes alimentent le repli identitaire en Europe: cela se traduit par des citoyens qui se redécouvrent chrétiens au point, pour certains, de griller des saucisses de porc devant les mosquées. Ou des musulmanes qui, d'un jour à l'autre, se drapent d'un niqab. Dans ce contexte, il devient difficile, sans faire de la surenchère, de s'indigner de cette chape de plomb wahhabite qui chosifie les femmes. Expliquer que vouloir leur bien malgré elles est une autre façon de nier leur identité de sujets devient mission impossible.

Interdire le niqab ? Parole aux femmes

La Suisse débat du voile intégral alors que le phénomène est très marginal. Un débat construit à des fins islamophobes ou par nécessité de faire barrage au rigorisme? Les féministes n'ont pas toutes le même avis. Un article de Rachad Armanios dans le Courrier.
Interdire le voile intégral ou le tolérer? La question divise en Suisse. Pourtant, comme l'affirmait récemment la conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey, la Suisse n'a pas de problème avec celui-ci, car très peu de femmes en portent. Celles-ci se voient surtout dans les médias. Le 24 février dernier, le Conseil fédéral, dans une réponse à une interpellation parlementaire du conseiller national PDC Christophe Darbellay, a estimé, par extrapolation des statistiques françaises et en comptant large, à moins de cent le nombre de résidentes portant ce vêtement. Nul besoin de prendre des mesures, concluait le Conseil fédéral. Entre-temps, le Grand Conseil argovien a voté une motion demandant une interdiction dans tout l'espace public suisse. Une commission prépare une initiative cantonale. La droite argovienne reprenait l'argument de Christophe Darbellay qui, au lendemain du vote bannissant les minarets, parlait d'une prison pour les femmes.
Pour les partisans de la fermeté, il s'agit de lutter également contre un symbole du fondamentalisme religieux, incompatible avec les traditions suisses et qui, en outre, pose des problèmes de sécurité, d'intégration ou encore heurte la notion de laïcité.
Astreinte ou liberté religieuse?
Mais étant donné le rapport inversement proportionnel entre l'ampleur du débat et celle du phénomène, beaucoup jugent la tournure des discussions surréaliste. Le journal Domaine public, proche du Parti socialiste, est très cru: «Le seul intérêt d'un débat malencontreusement surexposé par les médias? Dévoiler les faux culs de la droite nationaliste et démocrate-chrétienne, soudain préoccupés de protéger les droits des femmes. (...) L'appui de féministes et de progressistes (...) est plus surprenant. Comment justifier une telle interdiction au nom de la défense des droits fondamentaux, alors que cette interdiction nierait le libre choix des femmes?»
Pour Manon Schick, porte-parole d'Amnesty International Suisse, c'est une question de liberté religieuse et d'expression: une femme ne doit être forcée ni de porter un voile intégral ni de l'ôter. Dans sa réponse du 24 février, le Conseil fédéral notait que la liberté religieuse pouvait certes être restreinte et le voile intégral interdit, notamment pour préserver la sécurité et l'ordre public. Mais de façon temporaire ou limitée à certains lieux.
Renforcer l'intégration
«Etre libre, n'est-ce pas aussi d'avoir le choix de ne pas l'être aux yeux des autres?» demande à son tour Lucia Dahlab, vice-présidente des Organisations musulmanes de Genève. Et de dénoncer une forme de paternalisme et de racisme dans ce débat. «Après l'interdiction des minarets, celle du voile intégral», critique Domaine public. La Weltwoche, journal proche de l'UDC, faisait peu avant le même rapprochement, mais pour mieux titrer, en une, sur l'opportunité d'interdire l'islam en Suisse, avec un point d'interrogation très rhétorique. Micheline Calmy-Rey, qui voit dans le niqab un signe d'asservissement des femmes, craint une interdiction qui stigmatiserait un groupe de population.
«Ne pas discriminer, ne pas isoler davantage des femmes qui le sont déjà»: dans un communiqué commun, les Femmes socialistes, vertes, radicales et chrétiennes sociales jugent qu'une interdiction serait contre-productive en plus d'être populiste. Elles plaident plutôt pour l'intégration par le renforcement du dialogue et de l'égalité des chances. Obstacle potentiel à l'intégration, le niqab peut pourtant faciliter l'accès à l'espace public de femmes qui, à défaut, seraient cloîtrées chez elles, estime le Conseil fédéral.
Dans la Tribune de Genève, Saïda Keller-Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste, ne comprend pas la position des femmes des principaux partis suisses: «Dans le monde, des millions de femmes se battent actuellement contre la burqa ou le tchador. La droite a ouvert le débat car la gauche l'a nié. Celle-ci, tout particulièrement, pratique un relativisme culturel qui n'aide pas les femmes du monde musulman.» Et d'insister sur l'absence de fondement coranique du voile intégral. Lucia Dahlab, elle, évite de se positionner, soulignant simplement que «la majorité des courants de la pensée musulmane ne prescrit pas cette tenue».
Pour Mme Keller-Messahli, la marginalité du phénomène n'empêche pas de lutter contre, car le niqab donne un grave message d'auto-exclusion. Tandis que la féministe genevoise Mireille Valette – un peu la Caroline Fourest locale – prévient que ce phénomène se développe.

Genève craint de perdre ses riches touristes du Golfe

Une éventuelle interdiction du voile intégral en Suisse menacerait la place touristique genevoise, qui accueille chaque été nombre de ressortissants des pays du Golfe et du monde arabe. C'est du moins l'avis du conseiller d'Etat en charge de l'Economie, Pierre-François Unger, qui déclarait récemment à la presse qu'une telle mesure «aurait des conséquences économiques directes, car ces touristes ne viendraient tout simplement plus».

En 2009, les pays du Golfe constituaient la cinquième région de provenance des touristes à Genève. Pour les hôtels, cette clientèle représente quelque 5,6% de part de marché, sur la base des nuitées enregistrées. Après l'initiative sur les minarets, l'an passé, ce nouveau débat focalisé sur les musulmans préoccupe ainsi Genève Tourisme, chargé de promouvoir la cité du bout du lac à l'étranger. «Notre objectif est de pouvoir accueillir toute personne dans les meilleures conditions, quelle que soit sa confession», relève Joëlle Snella, attachée de presse. «Toutefois, il ne semble pas y avoir de conséquences directes pour l'instant.» Quoi qu'il en soit, la question d'une «exception touristique» à l'interdiction du niqab a déjà été évoquée. Notamment par la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, alors même que le Conseil fédéral, dans sa position officielle, stipule que distinguer «les femmes musulmanes résidant en Suisse et les touristes étrangères ne semble guère praticable et ne serait pas sans poser des problèmes au regard du principe de l'égalité de traitement». Hostile à l'interdiction, la conseillère nationale socialiste Maria Roth Bernasconi abonde: «C'est d'une grande hypocrisie. On ne veut surtout pas perdre ces touristes fortunés, tout en continuant à stigmatiser le reste des musulmans.» Salika Wenger, conseillère municipale A gauche toute, suit le même raisonnement, bien qu'étant une partisane convaincue de l'interdiction du voile intégral pour des raisons de laïcité: «C'est le comble! Soit on est contre le niqab, soit pas. Cela montre, du côté de certains partisans d'une interdiction, que la véritable cible n'est pas le voile intégral, mais l'islam.» Le libéral genevois Christian Lüscher n'est pas de cet avis: «Interdire le voile intégral est une fausse solution à un faux problème, et j'y suis opposé. Cela dit, si cette mesure devait être adoptée, elle ne devrait s'appliquer qu'aux résidents. Dans l'esprit de ses partisans, cette initiative vise à répondre à un problème d'intégration. Or les touristes n'ont pas pour vocation de s'intégrer!» Issue du même parti, Martine Brunschwig Graf ajoute: «La question ne doit pas se poser en termes économiques. Est-ce que la Suisse peut juger des pratiques vestimentaires d'une personne de passage? Non, sauf si elles remettent en cause l'ordre public. Or il me semble que les encagoulés du Black Bloc posent plus de problèmes que quelques femmes en burqa.»

Mario Togni dans le Courrier

dimanche 23 mai 2010

Mentorat Emploi Migration

Dans l’accès au marché du travail suisse, les migrantes et les migrants font face à un certain nombre de discriminations et de difficultés. En plus de la méconnaissance de la langue locale, d’autres obstacles expliquent une déqualification importante parmi les migrants :  le manque de connaissances quant au marché de l’emploi, les difficultés à faire reconnaître compétences et diplômes, l’absence d’un réseau professionnel et le manque d’expérience professionnelle en Suisse.

Si l’on considère qu’une intégration réussie va de pair avec une participation aux différents niveaux de la société, le travail représente sans aucun doute un facteur d’intégration essentiel. Le programme mem est une initiative de l’EPER qui vise à favoriser l’insertion professionnelle des migrantes qualifiées et des migrants qualifiés ressortissants des Etats tiers (états extra-européens) établis dans les cantons de Vaud et de Genève, en complément aux dispositifs d’insertion professionnelle existants dans ces deux cantons. Il s’agit d’un projet pilote mené sur une période de trois ans (2010-2012).

Vers le site de Mentorat Emploi Migration MEM

samedi 22 mai 2010

Cercles de silence

Ils provoquent parfois la crainte, voire le rejet. Face à l'intolérance qui s'accroît et face au durcissement des politiques d'accueil, des cercles de silence se sont constitués. Il s'agit d'anonymes militant pour le respect de l'étranger.

Extrait du journal télévisé de la TSR

De plus en plus de personnes d’origine étrangère dans les rangs de l’UDC

Une nouvelle section composée d'une soixantaine d'étrangers et de personnes naturalisées a vu le jour à Berne. Alignée sur le parti central, cette section entend s'engager pour le pays, mais rejette par exemple toute idée d'adhésion à l'UE.

Extrait du TJ du 22 mai 2010 sur la TSR

Renvoi de requérants: reprise des vols

Les vols spéciaux pour exécuter les renvois forcés d'étrangers vont reprendre progressivement, a décidé vendredi l'Office fédéral des migrations. Désormais, une équipe médicale sera du voyage et les cantons devront transmettre les données médicales des personnes à renvoyer.

Il y a deux mois, l'Office fédéral des migrations avait suspendu temporairement l'organisation de vols spéciaux suite au décès d'un Nigérian peu avant le décollage. Ce type de vols va reprendre, a fait savoir l'ODM dans un communiqué.
Aucun vol spécial à destination du Nigéria ne sera toutefois effectué tant que les circonstances de ce drame n'auront pas été élucidées.
Le renvoi de ressortissants nigérians vers des Etats ayant signé la convention de Dublin (Union européenne, Norvège, Islande et Suisse) au moyen de vols spéciaux est cependant admis. Ces vols représentent près de deux tiers des renvois de Nigérians.

Nouvelle analyse

La reprise progressive des vols spéciaux fait suite à l'analyse des processus. L'avis des cantons et l'appréciation du ministère public zurichois chargé de l'instruction pénale sur le cas nigérian ont été pris en compte, précise l'ODM.
Un groupe de travail composé de représentants de la Confédération et des cantons va élaborer des mesures d'optimisation à moyen terme. Elles seront prêtes d'ici quelques mois.

ats/boi sur le site de la RSR

Renens se battra aussi pour l’accès des sans-papiers à l’apprentissage

Le Conseil communal a demandé jeudi soir que la Municipalité s’engage à rendre possible la formation professionnelle des jeunes sans permis de séjour, comme à Lausanne.

Marianne Huguenin sans-papiers

Renens et Lausanne, même combat. Comme dans la capitale vaudoise, les autorités communales du chef-lieu de l’Ouest lausannois se battront pour que les jeunes sans-papiers puissent entreprendre un apprentissage. A une large majorité, le Conseil communal a décidé de transmettre jeudi soir à la Municipalité une motion lui demandant d’entreprendre des démarches pour ouvrir le monde du travail à cette population.

«Les enfants sans-papiers ne sont pas responsables de leur statut, a insisté le motionnaire Byron Allauca, de la Fourmi rouge (POP). Sans formation, ils sont exploités par le monde économique qui a besoin d’eux.»

Po ur l’élu, il est donc impératif d’ouvrir l’apprentissage à ces jeunes. Ce que le Parti libéral-radical a contesté par la voix de son chef de file, Jean-Marc Dupuis. «En demandant de les engager, vous faites le choix de l’illégalité. La gauche que vous représentez est en train de faire le lit du travail au noir. Car une fois l’apprentissage terminé, ces travailleurs qualifiés, mais toujours sans-papiers, seront contraints de travailler clandestinemen t.»

Un argumentaire qui n’a pas pesé bien lourd dans un hémicycle où la gauche est largement majoritaire. D’autant que la Municipalité était favorable à la prise en compte de la motion. Elle avait d’ailleurs répondu déjà en 2004 à une demande similaire: «Comme à l’époque, nous soutenons que l’interdiction faite aux sans-papiers d’entreprendre un apprentissage est absurde, alors qu’ils peuvent suivre le gymnase et l’université», souligne la syndique Marianne Huguenin.

En toute légalité

Par contre, à l’inverse de Lausanne, la Municipalité de Renens ne transgressera pas la loi. Elle n’entend pas engager de sans-papiers sans autorisation du Service cantonal de l’emploi. «Il est possible de changer les lois et nous sommes prêts à négocier et à pousser pour qu’elles changent», a relevé la syndique popiste.

24 Heures

Les renvois forcés vont recommencés

renvoi forcé

Trouvé dans 24 Heures

L’initiative antiburqa de Freysinger rejetée

initiative antiburqa freysinger

Trouvé dans 24 Heures

vendredi 21 mai 2010

Le voile intégral tente de s’intégrer …

burqa burki

Signé Bürki dans 24 Heures

Nora Illi, du punk au voile intégral

Ecumant les plateaux télé avec son niqab noir, cette Suissesse convertie à l’islam est devenue une icône en Suisse alémanique. Mais qui se cache derrière le voile? Un article de Nadine Haltiner dans 24 Heures.

Nora Illi

Etrange de faire le portrait d’une femme qu’on n’a jamais vue, mais que tout le monde reconnaît dans la rue. Avec son voile intégral noir, Nora Illi est devenue une icône. Il ne se passe pas un jour sans qu’un passant ne l’interpelle pour la féliciter d’assumer son niqab ou, au contraire, pour l’insulter.

Convertie à l’islam depuis sept ans, cette Bernoise de 26 ans est devenue le symbole du débat sur la burqa. Depuis dix jours, elle occupe de façon militante les plateaux télé et fait exploser l’audimat. Sur TeleZüri , elle a même battu des records d’audience, faisant de l’ombre à Mister Suisse. Une star, on vous dit. Alors, quand elle se retrouve face à vous, dans le bistrot bernois où elle a pour habitude de convier les journalistes, il n’est pas évident de se concentrer. D’abord parce qu’il y a constamment des regards posés sur elle. Ensuite parce que, à défaut de voir son visage, on se focalise, malgré soi, sur des détails. Nora Illi ne porte pas de mascara. A voir ses cils clairs, elle doit être blonde. Rousse? La pigmentation de ses mains le laisserait croire. Elle a des poignets fins et porte un pull vert sous son vaste tissu.

Le reste? On le devine, on le fantasme. Et on tente de guigner quand elle soulève son voile pour boire. Mais il n’y a rien à voir, si ce n’est son regard bleu qui prend un air mutin quand elle sourit. Et elle sourit souvent, à voir le pli qui se dessine au coin de ses yeux. «On dit que je suis un rideau parlant, s’amuse celle qui est déléguée à la question des femmes au sein du controversé Conseil islamique central. Mais, derrière, il y a une âme, une opinion. Je voudrais qu’on cesse de me prendre pour un objet. Ce voile intégral, je l’ai choisi.»

Cherche-t-elle à se faire de la publicité?

Le discours est rodé. Cette phrase, elle la répète à tous ceux qui osent évoquer une interdiction de la burqa. C’est que Nora Illi en est convaincue: la plupart des femmes ont choisi de porter leur voile intégral. «C’est donc un faux débat, d’autant qu’elles ne sont qu’une centaine en Suisse.» N’empêche qu’elle s’affiche quand même devant les caméras. Pas pour se vendre, assure-t-elle. «Je joue le jeu médiatique pour expliquer ma religion et mettre fin aux stéréotypes. Les gens qui osent m’aborder sont étonnés quand je parle suisse allemand!» Ils ignorent qu’avant de vouer sa vie à Allah, Nora Illi a grandi dans une banale famille bernoise. Enfant unique d’un psychothérapeute et d’une assistante sociale, elle est élevée sans religion particulière. Douée à l’école, elle rêve d’être journaliste. Rebelle, elle aime la musique punk.

C’est à 15 ans qu’elle découvre l’islam, lors d’un voyage à Dubaï avec son père. «L’appel de la prière m’a bouleversée, raconte cette polygraphe de métier. En rentrant, je me suis documentée et j’ai fréquenté la communauté musulmane.» A 18 ans, elle y rencontre celui qui se fait désormais appeler Qaasim Illi, secrétaire général du Conseil central islamique. A l’époque, ce Suisse, amateur de techno, cherche aussi sa voie. Ils se convertissent tous deux un an plus tard et se marient, avec la bénédiction de leurs parents.

«J’ai aussi une burqa»

«Au début, je ne portais que le foulard, poursuit Nora. Mais plus j’en apprenais sur l’islam, plus j’avais envie de me rapprocher d’Allah et de cacher mes charmes. Il y a six ans, j’ai opté pour le niqab.» Prochaine étape, la burqa? «Non, j’en ai une, mais je veux m’adapter à la société dans laquelle je vis.» Et un tissu de couleur? «C’est une question de mode, j’aime le noir.» Si elle avoue suivre les dernières tendances du niqab, elle s’érige contre les fashion victims qui se maquillent et s’habillent avec des vêtements de marque. «Moi, je n’ai pas ce problème. Je me sens libre sous mon niqab.»

Une liberté relative. Nora Illi ne sort presque plus et fait ses courses entourée d’amis «gardes du corps». «Depuis la votation sur les minarets, les réactions à mon égard sont devenues violentes.» Elle se consacre donc à ses quatre enfants, élevés dans la tradition musulmane. Ses filles devront-elles porter un niqab? «Non, conclut Nora. Elles choisiront elles-mêmes ce qu’elles désirent faire plus tard.»

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«Il m’arrive de montrer mon visage»

– Madame Illi, doit-on avoir peur de vous?

– Non! C’est vrai que je peux surprendre quand je monte les escaliers et qu’on ne me voit pas arriver. Mais je vous rassure, je suis comme tout le monde.

– Dans ce cas, vous respecteriez une interdiction de la burqa…

– En tant que Suissesse, je me sens bien ici et je respecte les lois et la Constitution fédérale. Mais, si on interdit le voile intégral, je ne pourrai plus sortir de chez moi, si ce n’est en me faisant conduire d’une porte à une autre. J’espère qu’on n’en arrivera pas là.

– Que voulez-vous vraiment? Défendre vos acquis ou en avoir davantage?

– J’aimerais garder mes droits actuels. La Suisse est un état religieusement neutre dans lequel chacun peut s’habiller comme il veut. J’aime être en niqab et je veux qu’on me respecte ainsi. Personne ne doit être forcé à porter un voile, mais chacun devrait avoir le droit de le faire.

– Mais comprendriez-vous qu’on vous demande de l’enlever, au travail, par exemple?

– Oui, au travail, je comprends, même si j’estime qu’on devrait pouvoir travailler dans des bureaux isolés. J’enlève d’ailleurs aussi mon voile lorsque je suis confrontée à un contrôle d’identité et que je dois montrer mon visage.

– Un bureau isolé, des dispenses de piscine et de gym et des écoles musulmanes. En fait, vous souhaitez créer une société parallèle.

– Surtout pas! Nous devons vivre tous ensemble. Mais dans le respect des religions. Nous souhaitons une école musulmane comme il en existe pour les catholiques et les juifs. Il s’agirait de donner des cours selon les plans d’études, tout en transmettant les valeurs islamiques aux élèves musulmans.

Nora, le voile et la démocratie

Commentaire de Judith Mayencourt, responsable de la rubrique Suisse de 24 Heures.

On la dit blonde, elle se dit heureuse. Intégralement voilée et fière de l’être. Nora Illi est la femme providentielle, celle que tout le monde cherchait pour incarner le débat sur la burqa. Pour vivre heureuse, Nora Illi a donc choisi de vivre cachée. La foi comme une tanière, le voile comme un étendard. Et une vie comme un combat. Dans toute la force de sa jeunesse, Nora Illi est une militante et ne s’en cache pas.

Mais son bonheur voilé ne change pas les données du problème. Loin d’être une obligation religieuse, le voile intégral est une arme politique. Il n’offre pas un abri aux femmes, il les contraint à disparaître. Loin des yeux, loin du monde. Le voile intégral est un objet de répression, c’est la traduction physique d’une violence institutionnelle qui prive les femmes du droit à être, à dire, à choisir, à se montrer.

Convaincues qu’elles doivent se retirer du monde des vivants, certaines femmes voilées en sont heureuses. Soit. Mais est-ce autre chose que de l’endoctrinement?

L’Occident défend une autre vision de société, où hommes et femmes existent à égalité. Sans garantie d’être heureux, mais simplement libres. Il n’y a pas d’autre choix raisonnable que de lutter contre le voile intégral. Et de nous en expliquer sans détour. Le voile intégral est une mutilation sociale. Il n’est pas dangereux, il ne menace pas la sécurité et l’ordre public. Non, le voile intégral est contraire à notre ordre social et nous ne l’acceptons pas.

Il faut le dire – le dire haut et fort – et le dire partout. Ici, bien sûr, mais aussi et surtout là-bas. C’est un long combat, un combat difficile, au nom de vraies valeurs. Et dans ce combat-là, il n’est pas permis d’avancer masqué. C’est au nom de l’égalité et de la justice qu’il faut dire non au voile intégral. Non aux femmes qui le portent. Mais surtout, non aux militants qui le défendent. Et non aux sociétés qui l’imposent.

Le vote antiminarets sera examiné à Strasbourg

Première victoire pour les opposants à l’initiative antiminarets: la Cour européenne des droits de l’homme juge recevable l’un des recours déposés après le scrutin.

antiminarets strasbourg

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) juge formellement recevable l’un des recours déposé après la votation du 29 novembre 2009. Elle va demander au Conseil fédéral de lui soumettre ses observations d’ici au 15 septembre. «Ce premier feu vert est une étape cruciale», s’est réjoui hier soir Ridha Ajmi, l’avocat des associations musulmanes à l’origine de la requête à Strasbourg introduite le 16 décembre dernier. Les quatre groupements en question sont l’Association culturelle des musulmans de Neuchâtel, la Ligue des musulmans de Suisse, la Fondation de la communauté musulmane de Genève, ainsi que l’Association des musulmans de Genève.

C’est à la suite d’un examen préliminaire que la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée a pris sa décision. Le recours doit être annoncé au gouvernement suisse, qui devra «présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête», a précisé la CEDH.

L’émotion est retombée

Près de six mois après la votation sur l’initiative antiminarets, six recours au total ont été enregistrés auprès de la CEDH. L’émotion suscitée par le vote du peuple suisse semble se calmer. Depuis début avril, la Cour n’a reçu que deux courriers à ce propos. Interrogé à la fin janvier, un porte-parole avait affirmé qu’«une cinquantaine de lettres arrivaient chaque jour à Strasbourg».

La CEDH ne donne pas l’identité des auteurs des recours. Mais il ne semble pas que les Etats membres du Conseil de l’Europe aient décidé de s’engager dans la bataille juridique contre l’interdiction des minarets, comme ils en ont la possibilité. La Turquie s’était pourtant émue du résultat du scrutin du 29 novembre.

Il semble impossible de prévoir quand les diverses requêtes seront tranchées par la Cour. Cela pourrait prendre des années: les juges de Strasbourg croulent sous les dossiers en attente. La CEDH reçoit chaque mois 2000 requêtes de plus qu’elle n’en classe. A fin 2009, quelque 120 000 dossiers étaient pendants.

ATS dans 24 Heures