mercredi 4 janvier 2006

Yverdon : Les NEM partent après six mois d’une cohabitation sans tache

Le séjour des personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) aux anciennes casernes d’Yverdon s’est déroulé sans incident. La Fareas et la ville se disent satisfaites. Grâce à l’activité du point d’appui, des liens ont même pu être tissés entre certains requérants et la population.
L'article de Carole Pantet dans 24heures

A la veille du départ des person­nes frappées de non-entrée en matière (NEM) qui étaient logées ces six derniers mois aux ancien­nes casernes d’Yverdon, les auto­rités locales et la Fondation vau­doise pour l’accueil des requé­rants d’asile (Fareas) tirent un bilan positif de cette expérience.


Son index glisse lentement d’une ligne à l’autre. Un J’aime lire à la main, il déchiffre syllabe par syl­labe une histoire simple. Cet élève n’est pas un enfant, mais une personne frappée de non-en­trée en matière. Ousman fait par­tie des quelque cinquante requé­rants qui ont été hébergés six mois durant dans les anciennes casernes d’Yverdon. Comme lui, ils sont quatre à avoir saisi l’op­portunité de suivre des cours de français pendant leur séjour. Une possibilité donnée grâce à la mise sur pied d’un point d’appui par les Eglises catholique et réformée du canton de Vaud dès l’arrivé des NEM à Yverdon.

«Je suis ces cours depuis no­vembre 2004, d’abord à Lau­sanne, puis ici depuis cet été», explique ce Malien de 28 ans. Avec un enthousiasme de pre­mier de classe, il s’est rendu cha­que mardi et jeudi sur les bancs d’une salle de la rue de la Maison­ Rouge. «Je viens pour apprendre le français, car au Mali je n’ai jamais été à l’école», explique-t-il. Outre une base écrite de la langue de Molière, le point d’ap­pui apporte aux NEM des contacts avec la population locale. Des liens ont été tissés entre les ensei­gnants bénévoles et les requérants. Patinoire ou fondue dans un cha­let d’alpage, élèves et professeurs ont ainsi partagé des moments riches. «Le but est surtout de les soutenir psychiquement et spiri­tuellement. Nous cherchons à bri­ser une solitude. Nous concevons les connaissances acquises comme utiles lors de leur retour au pays et non comme un moyen d’intégra­tion », insiste Marie-Guillemette Rossi, bénévole de la paroisse de la Maison-Rouge.

Dans le courant du mois de janvier, les NEM d’Yverdon se­ront déplacés à Lausanne. La Fareas tient ainsi une promesse formulée l’été dernier. La Muni­cipalité avait alors été très ferme sur les conditions de mise à dispo­sition des anciennes casernes pour accueillir cette population. Taux d’occupation maximum fixé à cinquante et sécurité renforcée dans et autour du centre: les me­sures mises en place se sont avé­rées très efficaces.

«Nous sommes entièrement sa­tisfaits des conditions qui ont été négociées et de leur application», lance le syndic Rémy Jaquier. Aucun incident grave n’a en effet été déploré durant les six mois de présence aux casernes. «Cela dé­montre que quand on connaît et étudie les problèmes suffisam­ment tôt, il y a des résultats», conclut le syndic.

La Fareas est aussi positive. «Le système de sécurité mis en place a fait ses preuves. Une cinquantaine de requérants ont occupé les locaux en moyenne. L’hiver n’a engendré aucune ex­plosion des demandes», constate la porte-parole Emmanuelle Ma­rendaz- Colle. Ce bilan réjouissant n’empêche pas le syndic de rester ferme: «La Municipalité a fait un effort important pour trouver une solution au moment où le Conseil d’Etat en cherchait une. La com­mune a joué sa part de solidarité, j’apprécierais maintenant que d’autres communes du canton fassent la leur.»

NEM : Une aide en nature

LARA : 1900 personnes concernées.

Article de Carole Pantet dans 24heures :

Les NEM vaudois quitteront, ces prochains jours, Yverdon pour Lausanne. Ils rejoindront l’avenue de Valmont où un centre leur sera spécialement affecté. Les familles et les requérants les plus vulnérables seront logées au centre du Simplon.
Jusqu’à l’introduction de la nouvelle loi sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers (LARA), ils continueront à recevoir 12 fr. 30 par jour. Mais dès l’entrée en vigueur de la loi, prévue au printemps 2006, l’aide d’urgence ne leur sera plus qu’accordée en nature.

«Ce régime concernera non seulement les NEM, mais aussi toutes les personnes déboutées du canton», insiste Emanuelle Marendaz-Colle, porte-parole de la Fareas. Or, dans le canton, il y a, à l’heure actuelle, 28% de déboutés parmi les personnes assistées par la Fareas. Le changement de loi modifiera donc le quotidien de quelque 1900 personnes déboutées.
Pour nourrir et loger ces requérants jusqu’à leur départ, le canton devra créer un certain nombre de places dans des centres.

Malgré cette nouvelle dégradation de ses conditions de vie, Ousman n’a pas l’intention de rentrer. «Le problème qui m’a fait quitter mon pays est le même que celui qui fait que je reste. Et ces conditions n’y changeront rien», affirme le jeune Malien. Cela fait déjà cinq ans qu’il est en Suisse et il affirme haut et fort vouloir prolonger son séjour au maximum.

Un Algérien reste incarcéré à Frambois

»Détenu depuis début octobre au Centre de Frambois (GE), un re­quérant débouté du groupe des «523», a vu hier son incarcération prolongée de trois mois par la justice de paix. Un plan de vol est prévu le 19 janvier. Un recours va être déposé.

Article de Martine Clerc dans 24heures
Ils étaient une quinzaine de la Coordination Asile à manifester hier après-midi devant la Justice de Paix de Lausanne, dans le quartier du Flon. En signe de solidarité pour Mohamed B. — requérant débouté du groupe des «523», détenu depuis trois mois à Frambois —, et contre la loi sur les mesures de contrainte. Le 5 octobre dernier, ce deman­deur d’asile algérien, en Suisse depuis huit ans, était arrêté et transféré au Centre de détention administrative en vue de son ren­voi (lire notre édition du 15 octo­bre).

Trois mois. C’est le temps maximum d’une détention admi­nistrative avant une nouvelle audience. Le Service de la popu­lation (SPOP) a donc demandé une prolongation auprès du juge de paix afin de réaliser le renvoi forcé de Mohamed B. Celui-ci s’est déjà soustrait à deux repri­ses à son expulsion durant sa détention, affirme la Coordina­tion Asile. La demande du SPOP a abouti. En fin d’après-midi, le juge a décidé une prolongation de trois mois — six mois étant le maximum. Florence Rouiller, avocate du requérant, réclame sa libération. «Le SPOP laisse en­tendre que Mohamed risque de se soustraire à son renvoi s’il est libéré. C’est ridicule. Ça fait trois mois qu’il est en prison et il n’a toujours pas été renvoyé. Les policiers peuvent aller le cher­cher chez lui pour l’emmener à l’aéroport.» Un recours sera dé­posé auprès du Tribunal canto­nal. L’état psychique et physique du requérant inquiète ses défen­seurs. Après un accident dont il a été victime en 2001, il est handi­capé à 50%.

Au terme de l’audience, les membres de la Coordination Asile ont dit leur colère: «Notre souci est son prochain plan de vol prévu le 19 janvier, dénonce Bruno Clément. Mohamed est un ancien policier de la sécurité militaire. On peut craindre le pire s’il est arrêté dans son pays.» Le militant s’en prend au con­seiller d’Etat en charge du SPOP: «Jean-Claude Mermoud fait de Mohamed un cas de principe, une exception, alors même qu’il a décrété une trêve des renvois forcés jusqu’au 10 janvier.»