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mardi 25 septembre 2012

Les habitants du Val-de-Ruz ouverts à l'accueil de nouveaux requérants

L'ouverture d'un centre fédéral pour requérants d'asile aux Pradières, au Val-de-Ruz, ne semble pas inquiéter la population. La séance d'informations organisée par l'Office fédéral des migrations, le Canton et les communes concernées mardi soir à Malvilliers s'est déroulée de façon constructive. Une quarantaine de personnes ont participé à la discussion à La Croisée.

val de ruz requérants

Certains habitants de la région se sont demandés comment allait être assuré l'accès au cantonnement militaire des Pradières durant l'hiver, d'autres souhaitaient s'assurer que les requérants n'allaient pas causer de troubles dans les habitations des environs. Plusieurs personnes ont même proposé des activités pour les requérants d'asile, afin qu'ils ne soient pas livrés à eux-mêmes.

L'Office fédéral des migrations a rappelé que l'accueil des requérants est prévu dès la mi-novembre pour une durée de six mois, et que le centre hébergera au maximum 110 personnes. Il a annoncé la création d'un groupe d'accompagnement composé de représentants de la Confédération, du Canton, des communes et de la population.

RTN

samedi 21 mai 2011

Neuchâtel: l'Office de l’asile fait face à des burnouts en série

Le chef du service de l’asile, contesté par ses troupes, est en congé maladie. Le conseiller d’Etat Thierry Grosjean cherche une solution pour ramener le calme.

L’Office social de l’asile (OSAS) du canton de Neuchâtel navigue sans capitaine: deux employés sont absents pour burnout et le chef de l’office lui-même est en congé maladie depuis trois semaines. Ce dernier serait victime de la résistance de «quelques cadres intermédiaires», explique le conseiller d’Etat Thierry Grosjean: «Certains de ses cadres voulaient vraiment le voir partir et ont tout fait pour. Si on avait mis une pression semblable sur un collaborateur, on parlerait de mobbing.»

Le malaise ne doit rien aux récentes tensions générées par le refus de certains réfugiés des centres du Val-de-Travers et du Val-de-Ruz d’intégrer l’abri PCi de La Chaux-de-Fonds. Il serait endémique depuis la nomination du chef d’office en juin 2008. Selon le récit d’employés qui souhaitent garder l’anonymat, le chef de l’office ne serait pas fait pour diriger une équipe (48 personnes travaillent à l’OSAS) et peinerait dans la maîtrise des finances.

En clair: une erreur de casting. Parachuté de l’Office des migrations, à Berne, on lui reconnaît des compétences théoriques, analytiques, statistiques, mais guère d’efficacité sur le terrain. Thierry Clément, du SSP Neuchâtel, a enquêté sur ce litige: «Lorsque vous avez un problème avec des requérants dans un centre, vous attendez plus de votre chef qu’une statistique. Il y a eu des exemples où, face à des bagarres, le chef appelé sur les lieux, est reparti car c’était l’heure de dîner, tandis que les deux responsables se débrouillaient avec la situation.»

Pas question de se séparer de lui, nous a confirmé Thierry Grosjean. Mais il reconnaît «chercher une solution qui permette à ce chef d’office de retomber sur ses pattes». Un replacement dans le Service des migrations (dont fait partie l’OSAS), mais à d’autres fonctions? Peut-être. Une chose est sûre, dit Thierry Clément: «Il ne peut pas rester 720 jours en congé maladie même si le règlement l’y autorise.»

Dans le même département, alors dirigé par Frédéric Hainard, le Service de surveillance du travail (SSRT) avait connu de graves turbulences, notamment en raison de la présence de la maîtresse de M. Hainard en son sein. La surcharge de travail et le régime minceur imposé par l’Etat à l’administration fragilisent les personnes, admet un employé: «Il y a davantage de missions, davantage de pression, et la dotation en personnel est moindre. L’usure est là. Qu’un dysfonctionnement survienne et les dégâts sont immédiats.»

Yvan Radja dans le Matin

lundi 16 mai 2011

Dysfonctionnements au sein du Service des migrations

Surmenage, épuisement et dépression. Les employés de l’Office social de l’asile, intégrés au Service neuchâtelois des migrations, sont au bout du rouleau. Plusieurs sont en congé maladie, parfois depuis de nombreux mois. Le chef d’office lui-même s’est fait porter pâle.

Une partie du personnel de l’office a rencontré mi-avril le conseiller d’Etat en charge de l’économie, Thierry Grosjean, pour lui demander de trouver une solution rapide pour améliorer la situation.

Remise en question du chef d’office

Les employés remettent en cause les capacités du responsable de l’Office social de l’asile. D’après le Syndicat des services publics (SSP), le chef délègue une bonne partie de ses responsabilités et n’a pas toutes les compétences requises pour diriger un office. Le personnel se sent abandonné et doit assumer seul une partie importante de la politique d’asile du canton, à savoir l’accueil et l’hébergement des requérants.

Ces tensions entre le chef d’office et ses employés durent depuis plusieurs années. Une étude externe a été faite en 2010 pour tenter de mettre le doigt sur les problèmes et de trouver des solutions. Mais, selon le SSP, cette étude a conclu à des difficultés de communication de part et d’autre et n’a pas permis d’atténuer les tensions.

Déplacement de certains collaborateurs?

Le conseiller d’Etat Thierry Grosjean estime que les problèmes rencontrés à l’Office social de l’asile sont surtout relationnels. Il souhaite trouver une solution rapidement, mais le nombre élevé de personnes en congé maladie freine les négociations.

L’engagement de nouveaux collaborateurs n’est pas à l’ordre du jour. Le déplacement de certains employés dans d’autres secteurs de l’administration cantonale est à l’étude.

Mission difficile à remplir

Les employés de l’Office social de l’asile s’occupent de l’accueil et de l’hébergement des requérants d’asile, un domaine qui a posé plusieurs problèmes ces dernières semaines. Bagarres dans les centres d’accueil, révoltes des requérants contre leur transfert dans un abri de protection civile à La Chaux-de-Fonds… Pour le SSP, il est évident que le personnel de l’office ne peut pas remplir correctement sa mission dans les conditions actuelles.

Thierry Grosjean ne veut rien savoir. Il estime que la surcharge de travail est supportable et invite les personnes en congé maladie à revenir rapidement soutenir leurs camarades.

Le chef de l’Office social de l’asile et le responsable du Service des migrations n’ont pas souhaité s’exprimer sur cette affaire.

RTN

samedi 25 septembre 2010

La migration, ça sent bon

Vingt-quatre femmes migrantes de l'association Recif racontent leur vécu et livrent leurs meilleures recettes de cuisine dans un livre-témoignage.

Elles s'appellent Adina, Analine, Béatrice, Dora, Eunice, Eva, Eman, Hadda, Entisar, Isabelle, Ji-Hye, Khush, Luz Stella, Maria Eugenia, Marianela, Nour, Récea, Saadia, Sandra, Selvi, Thao, Tsovik, Venia et Zyrafete. Ces vingt-quatre femmes viennent des quatre coins du monde, et ont uni leurs cultures et leurs histoires dans un livre sur le thème de la migration. Et comme ce thème doit sentir bon en finalité, elles ont apporté les saveurs gustatives de leur pays d'origine, par le biais de recettes de cuisine.
«Femmes de coeur et d'épices», le livre verni jeudi soir dans un Club 44 de La Chaux-de-Fonds plein à craquer, est né d'une rencontre multiculturelle de l'association Recif, qui s'occupe des femmes migrantes dans le canton de Neuchâtel. Une discussion autour d'une table qui a débouché sur l'idée de mettre en commun des recettes de cuisine. «D'accord», leur a répondu Capucine Maillard, qui a présidé à la conception de l'ouvrage, «mais je souhaite que ce soit l'occasion de raconter vos histoires personnelles et votre vécu de la migration». Après de longues heures de rires, de larmes, de poses pour la photo et de remue-méninges, l'aventure de ces vingt-quatre migrantes trouve son résultat. Un livre illustré qui invite au voyage, dans l'assiette et dans les coeurs.
Tous les témoignages recueillis parlent donc de la douleur ressentie lors des premiers temps passés dans un pays d'accueil totalement inconnu. Ils évoquent l'isolement, avec «les pleurs devant la télé». Très vite, les migrantes expriment à leur manière leur façon «d'aller vers l'autre». A savoir le Suisse et sa réalité, en surmontant les chocs culturels, comme – pour Dora – l'apprivoisement de la fondue! Capucine Maillard se livre pour cela à un travail de «confiseuse d'histoires». Elle le fait par l'écoute de son propre vécu de migrante, de France en Suisse via la Roumanie.
Thomas Facchinetti, chef du service cantonal neuchâtelois de la cohésion multiculturelle, salue la démarche. «Dans les années 1960», rappelle-t-il, «le regard des Suisses sur les migrants était conditionné par des habitudes alimentaires différenciées. Le simple fait de cuisiner à l'huile d'olive était alors signe d'exclusion.» Ce n'est plus le cas aujourd'hui, même si les provenances très diverses et le plus grand brassage culturel rendent l'intégration plus complexe. Les vingt-quatre femmes racontent leur vécu en Suisse à leur manière. Les témoignages évoquent la quête du bonheur dans un nouvel environnement.
Capucine Maillard n'a pas voulu arrêter l'exercice à la sortie d'un livre. Ce «Femmes de coeur et d'épices» a déjà fait un petit, avec le projet d'un nouvel ouvrage invitant à prendre la route. Un «livre à la mer», conçu comme une bouteille lancée sur les vagues du monde, qui invite les globe-trotters à entrer dans la démarche de ces vingt-quatre migrantes. L'embarquement est immédiat...

Philippe Chopard dans le Courrier


Note : Femmes de coeur et d'épices », recettes et histoires de 24 femmes migrantes en Suisse, éditions G d'Encre, www.editions-gdencre.ch.

mercredi 22 septembre 2010

Ex-policier chinois: retour à Neuchâtel

Nijiati Abudureyimu pourrait bientôt être mis sur un vol spécial.

Retour à Neuchâtel. L’ex-policier chinois, Nijiati Abudureyimu, qui dénonce un trafic d’organes prélevés sur des condamnés à mort dans son pays, a été reconduit vers un centre de requérants d’asile par la police neuchâteloise jeudi en milieu de journée. Plus tôt dans la matinée, il avait refusé de monter à bord d’un avion de ligne à destination de l’Italie. Ne faisant pas l’objet d’un mandat d’arrêt, il était en droit de ne pas obtempérer aux injonctions policières, explique son avocat Philippe Currat. «J’ai dit que je refusais de monter car j’avais trop peur. L’Italie pourrait me renvoyer en Chine où je serais en grand danger», explique l’ex-policier.

Ce retour ne devrait être que temporaire, la police neuchâteloise ayant communiqué au requérant d’asile débouté par Berne qu’il fera l’objet d’un renvoi forcé par un avion spécialement affrété. Cela pourrait intervenir dans une dizaine de jours, estime son avocat qui va continuer à s’y opposer. Un recours contre son expulsion de Suisse a été déposé auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour défaut de «procès équitable» en Suisse.

A Neuchâtel de décider

«L’Italie n’offre aucune garantie qu’il soit écouté ou qu’une procédure d’asile soit ouverte, explique Philippe Currat. Elle n’a répondu à aucune sollicitation de la Suisse. Il y a aussi un risque que Nijiati Abudureyimu soit renvoyé vers Dubaï (son pays de transit entre la Chine et l’Europe, ndlr) d’où il pourrait être transféré vers son pays d’origine. Il y a eu des précédents en Italie avec requérants renvoyés vers l’Afghanistan.»

Le siège d’Amnesty International à Londres suit de près l’évolution du dossier. Denise Graf, de la section Suisse de l’organisation, ne conteste toutefois pas la possibilité d’un renvoi vers l’Italie en respect des Accords de Dublin. «L’essentiel est qu’il ait droit à une procédure correcte dans un pays européen», précise-t-elle. Théoriquement, Nijiati Abudureyimu pourrait encore rester trois mois en Suisse au maximum. Berne explique que c’est à Neuchâtel de décider de la prochaine date de renvoi et de sa forme.

Frédéric Koller dans le Temps

mardi 21 septembre 2010

L’ex-policier chinois refuse de quitter la Suisse

Un ex-fonctionnaire de police témoin de trafic d'organes, Nijiati Abudureyimu, a refusé pour la deuxième fois de quitter la Suisse pour l'Italie. Les autorités neuchâteloises devront donc affréter un vol spécial, comme le prévoit les accords de Dublin.

Un sujet du Journal de 12:45 de la TSR

Philippe Gnaegi justifie l’expulsion de l’ex-policier

Nijiati Abudureyimu sera déporté vers l’Italie ce matin par avion depuis Genève.

L’ex-policier chinois qui dénonce un trafic d’organes prélevés sur des condamnés à mort dans son pays sera transféré ce matin par la police neuchâteloise vers l’aéroport de Genève d’où il sera déporté vers l’Italie dans la journée. La Cour européenne des droits de l’homme – dernière instance de recours – n’a pas communiqué de mesures provisionnelles qui auraient eu pour effet de suspendre la procédure helvétique. Une requête auprès de Strasbourg avait été transmise il y a dix jours par l’avocat de Nijiati Abudureyimu, le requérant d’asile débouté par Berne. Pour l’Office fédéral des migrations (ODM), il s’agit d’un «cas Dublin» qui doit être traité par l’Italie, son premier point d’entrée en Europe. Un point que conteste Me Philippe Currat, l’avocat du requérant.

Le conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du dossier, Philippe Gnaegi, conteste qu’il s’agisse d’une mesure précipitée et estime que dix jours suffisaient à Strasbourg pour intervenir. «Après avoir appris qu’il y avait un recours à Strasbourg, nous avons consulté jeudi dernier le directeur de l’ODM (Alard du Bois-Reymond, ndlr) qui nous a confirmé qu’il n’y avait pas d’autres possibilités. L’ODM décide, les cantons exécutent. Nous n’avions pas de marge de manœuvre», explique Philippe Gnaegi.

Deux jours avant cette réunion, mardi, le responsable du service des migrations du canton de Neuchâtel (où réside le requérant), Serge Gamma, expliquait pourtant au Temps qu’aucune date de renvoi n’avait été fixée et qu’il était d’avis que ce serait plutôt pour la fin de l’année. Vendredi, à la veille de la fête du Jeûne fédéral, le canton communiquait la date du renvoi à la surprise de l’avocat.

Des pressions?

Y a-t-il eu des pressions pour expulser ce requérant d’origine ouïgoure sans attendre une réponse de Strasbourg? Le porte-parole d’Eveline Widmer-Schlumpf, Guido Balmer, se refusait hier à tout commentaire, renvoyant les journalistes à l’ODM. Marie Avet, la porte-parole de l’ODM, explique que ce sont les cantons qui fixent les dates de départ et qui organisent les renvois.

Philippe Gnaegi dit qu’il s’agit d’une procédure «tout à fait habituelle» après que toutes les voies de recours ont été épuisées en Suisse. Une requête auprès de Strasbourg dans ce type de cas est toutefois exceptionnelle, dit-on à l’ODM.

Nijiati Abudureyimu explique qu’il n’opposera pas de résistance à la police bien qu’il refuse de se rendre en Italie, un pays où il se dit menacé par des agents des services secrets chinois. Philippe Gnaegi rappelle que l’Italie est une démocratie et que ses droits y seront respectés.

Frédéric Koller dans le Temps

samedi 18 septembre 2010

L’ex-policier chinois sera expulsé mardi

Les autorités neuchâteloises veulent aller de l’avant avec l’expulsion de l’ex-policier chinois Nijiati Abudureyimu (qui dénonce un trafic d’organes dans son pays), dont la demande d’asile a fait l’objet d’une non-entrée en matière de la part de l’Office fédéral des migrations. L’Office neuchâtelois du séjour et de l’établissement a communiqué vendredi à l’avocat Philippe Currat que son client serait «acheminé à destination de l’Italie» le mardi 21 septembre.

«C’est scandaleux», s’insurge l’avocat genevois, qui a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, arguant que la Suisse a manqué à ses obligations légales d’un «procès équitable». Il conteste également un renvoi vers l’Italie puisque Nijiati Abudureyimu avait déposé sa première demande d’asile en Norvège. «Il est exclu que je reparte en Italie, explique Nijiati Abudureyimu. Les services secrets chinois vont m’éliminer.» L’ex-policier avait, en juillet, une première fois refusé d’embarquer dans un avion à destination de Rome. Son avocat a alerté vendredi le conseiller d’Etat neuchâtelois Philippe Gnaegi. Seuls les juges européens peuvent désormais, sur le plan légal, stopper ce renvoi.

Frédéric Koller dans le Temps

mercredi 15 septembre 2010

Débouté par Berne, l’ex-policier chinois fait recours à Strasbourg

L’avocat Philippe Currat a saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour empêcher le renvoi par la Suisse de Nijiati Abudureyimu, qui dénonce un trafic d’organes.

Confronté à une machine administrative qui refuse de l’entendre et maintient sa décision de renvoi du territoire suisse, un ex-policier chinois qui dénonce un trafic d’organes à grande échelle dans son pays a saisi la justice européenne pour un ultime recours. «Personne ne veut m’écouter ici, aucun politicien ne réagit. Si on ne force pas les autorités, il ne se passera jamais rien», explique Nijiati Abudureyimu. Son avocat, Me Philippe Currat, a déposé jeudi dernier une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour violation par la Suisse de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Face à la «mauvaise volonté» du Tribunal administratif fédéral (TAF), dernière instance de recours en Suisse, et au silence de l’Office fédéral des migrations (ODM), l’avocat genevois n’avait d’autre ressort que l’échelon européen pour s’opposer au renvoi de son client vers l’Italie. «Je n’ai jamais vu cela», constate-t-il. Le TAF a rejeté le 23 août une demande de restitution de délais pour procéder à un recours en bonne et due forme contre une décision de non-entrée en matière de l’ODM sur la demande d’asile du Chinois. L’ODM estime que son cas doit être traité par l’Italie, son premier point d’entrée en Europe, comme cela est prévu par les Accords de Dublin qui réglementent au niveau européen les flux de réfugiés. Or c’est en Norvège que se situe en l’espèce ce point d’entrée et l’Italie comme la Norvège ont montré leur absence totale de volonté de le recevoir, estime pour sa part l’avocat.

Philippe Currat constate plusieurs manquements de la part de la Suisse à ses obligations légales. «Nijiati Abudureyimu a été privé de son droit à l’assistance d’un avocat de même que de son droit à disposer d’un interprète. Il n’a donc pas eu un procès équitable, ni même un accès effectif à un tribunal», explique-t-il. Il dénonce enfin les méthodes expéditives du TAF qui a exigé des frais «inhabituellement élevés» (600 francs au lieu de 200 francs) et un délai «inhabituellement court» (12 jours au lieu de 30) pour les payer sous peine d’irrecevabilité de son recours alors que l’ex-policier se trouve dans l’indigence la plus totale, ce que savait le tribunal (il n’avait que 5 euros en arrivant en Suisse). «On lui a fermé les portes du tribunal, une façon de ne pas se prononcer sur le fond alors que l’on devrait au moins trancher la question du lieu où le renvoyer éventuellement et les conditions dans lesquelles un tel renvoi pourrait être effectué», estime encore l’avocat. Il demande en conséquence que la Suisse suspende toute procédure de renvoi et l’octroi d’une assistance judiciaire à son client.

L’ODM répond qu’il n’est pas directement concerné par ce recours qui conteste un arrêt du TAF. Philippe Gnaegi, le ministre de tutelle de l’immigration du canton de Neuchâtel – où réside Nijiati Abudureyimu – chargé de mettre en œuvre la décision de renvoi des autorités fédérales n’était pas joignable hier.

Nijiati Abudureyimu avait une première fois refusé d’être embarqué dans un avion à destination de Rome le 29 juillet dernier. Il s’estimait menacé par les services secrets chinois s’il devait retourner en Italie où il avait déjà séjourné sans obtenir la moindre attention des autorités locales. Le conseiller d’Etat neuchâtelois Frédéric Hainard (qui a entre-temps démissionné) l’avait alors rapatrié vers son canton en expliquant qu’à titre personnel il serait «favorable à l’asile pour ce cas».

Arrivé en Suisse le 9 novembre 2009, l’ex-policier avait déposé une demande d’asile en témoignant du calvaire qu’il avait vécu dans son Xinjiang natal (région autonome ouïgoure du nord-ouest de la Chine) où il était chargé de mener les condamnés à mort au peloton d’exécution. Il a ensuite témoigné publiquement sur le prélèvement d’organes provenant de prisonniers. En tant qu’ancien agent de l’Etat, il peut être considéré comme un témoin clé de ce trafic. Il dénonce également les tortures infligées dans les geôles chinoises.

Nijiati Abudureyimu est très inquiet pour les membres de sa famille restés au Xinjiang. Ce lundi, il apprenait que sa sœur aînée a disparu depuis le 25 juillet. Il craint qu’elle n’ait été enlevée – voire éliminée – par des agents de la sécurité chinoise afin de l’intimider. Il y a plus d’un an, son père était décédé dans des circonstances étranges, selon ses dires, deux mois après qu’il eut reçu des menaces alors qu’il se trouvait en Norvège. A présent il a peur pour la vie de sa mère, de sa femme et de sa fille. Il lance cet appel: «J’espère que les autorités suisses feront quelque chose, sur le plan humanitaire, auprès du Parti communiste pour protéger ma famille.»

Frédéric Koller dans le Temps

samedi 14 août 2010

Un avocat défend Nijiati Abudureyimu

L’ex-policier chinois fait recours contre son renvoi de Suisse. Nijiati Abudureyimu bénéficie depuis le début du mois des services de l’avocat genevois Philippe Currat, spécialiste des droits de l’homme et de droit international public.

L’homme de loi, qui se refuse à tout commentaire, a contacté l’Office fédéral des migrations (ODM) et contesté la décision du Tribunal administratif fédéral, qui avait rejeté en juin dernier le recours de son client contre la décision de non-entrée en matière de l’ODM concernant sa demande d’asile.

L’ex-policier chinois qui dénonce un trafic d’organes à grande échelle prélevés sur les condamnés à mort dans sa province d’origine, le Xinjiang (nord-ouest du pays, lire LT du 28 juillet), avait évité in extremis un renvoi de Suisse suite à son refus de se rendre en Italie. L’ODM compte solliciter Rome pour discuter d’un nouveau délai de transfert selon les accords de Dublin qui régissent la gestion des réfugiés dans l’espace Shengen.

«Déportation en chaîne»

Berne estime que Nijiati Abudureyimu doit retourner en Italie, son premier port d’entrée en Europe. L’homme, qui se dit menacé par des espions chinois, a pourtant déposé sa première demande d’asile en Norvège. Il risque ainsi d’être expédié d’un pays à l’autre dans une logique de «déportation en chaîne», selon les termes du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui dénonce ce travers du système Dublin. Le sort du requérant dépendra en définitive de la volonté politique -ou non- de le protéger.

«Je sais que je dois déranger, que les relations avec la Chine sont importantes, explique Nijiati Abudureyimu de retour dans un centre d’accueil de réfugiés du canton de Neuchâtel. Mais si on me fait taire, il y aura encore plus de morts demain à cause de ce trafic. Le jour où le parti communiste disparaîtra, il ne faudrait pas que l’on découvre que la Suisse à aider la Chine.» L’ancien policier d’Urumqi -qui menait les condamnés à mort aux champs d’exécution- estime que le secrétaire du parti communiste du Xinjiang durant ces seize dernières années, Wang Lequan (qui vient d’être muté à Pékin), devrait être jugé pour crimes contre l’humanité.

Frédéric Koller dans le Temps

En marge de cet article, lire également Appel à clarifier les prélèvements d’organes sur des prisonniers en Chine, article et édito de Frédéric Koller toujours dans le Temps

lundi 2 août 2010

Il s’oppose à son renvoi en Italie où il se sent menacé et livré à lui-même

Un ex-policier ouïgour a refusé de monter dans un avion pour Rome. Ses motifs sont-ils solides? Enquête.

Nijiati Abudureyimuse bat pour ne pas être expulsé vers l’Italie. Ayant refusé mercredi dernier de monter dans un avion pour Rome, il est retourné dans un centre de requérants d’asile neuchâtelois. L’homme, qui dit avoir été le témoin de scènes d’exécution, de torture et de trafic d’organes en Chine, espère maintenant obtenir l’asile en Suisse.

Le problème, c’est que les accords de Dublin stipulent que les demandes d’asile ne peuvent être adressées qu’au pays d’arrivée du requérant. Or, avant d’aboutir en Suisse, Nijiati Abudureyimu est passé par l’Italie. C’est pourquoi l’Office fédéral des migrations (ODM) n’est pas entré en matière sur sa demande.

Manque de structures

Pour justifier son combat, Nijiati Abudureyimu invoque d’abord l’absence de structures d’accueil en Italie. A raison, explique Richard Greiner, juriste à l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR): «Les pays de première entrée comme l’Espagne, la Grèce et l’Italie sont les pays qui reçoivent le plus d’immigrés. Ils ne possèdent pas les structures adéquates pour accueillir ce flot de requérants. L’examen des demandes y est très sommaire, et elles ont peu de chance d’être acceptées. C’est logique que les immigrés essaient de fuir vers d’autres pays. »

Pour Nijiati Abudureyimu, par ailleurs, retourner en Italie signerait son arrêt de mort. Il est persuadé que l’importante communauté chinoise d’Italie (200 000 personnes) abrite des infiltrés du gouvernement chinois. Paranoïa? «Même en Suisse, il y a des personnes infiltrées par leur gouvernement au sein des communautés étrangères», affirme Manon Schick, porte-parole d’Amnesty International.

«Notre tradition humanitaire vacille»

«Nijiati Abudureyimu est libre de solliciter la protection des autorités italiennes s’il se sent menacé, réplique Michael Glauser, porte-parole de l’ODM. Nous ne doutons pas que l’Italie dispose d’un système judiciaire compétent. » Pour Richard Greiner, de l’OSAR, «l’accord de Dublin est une véritable affaire pour l’ODM. Les statistiques montrent que la Suisse se décharge sur d’autres pays de nombreux dossiers grâce à Dublin. De quoi faire vaciller la tradition humanitaire de notre pays. »

Un article de la Tribune de Genève

samedi 31 juillet 2010

Nijiati Abudureyimu: «Le trafic d'organes est un vrai business en Chine»

Ex-policier ouïgour réfugié en Suisse, Nijiati Abudureyimu raconte ses neuf années passées à travailler dans une prison chinoise qui réalisait des exécutions à la chaîne et prélevait les organes des condamnés pour les revendre. Il aimerait dénoncer les atrocités qu'il a observées devant l'ONU.

Nijiati Abudureyimu est actuellement logé au Centre pour réfugiés de Fontainemelon (NE). Il attend de pouvoir déposer une demande d'asile. Image © Sandro Campardo

Il a refusé jeudi de monter dans l'avion qui devait le renvoyer à Rome, en vertu des Accords de Dublin. De retour au Centre pour réfugiés de Fontainemelon (NE), l'ex-policier ouïgour Nijiati Abudureyimu, 41 ans, raconte son histoire, sa fuite, et son espoir d'obtenir des papiers pour témoigner des atrocités auxquelles il a assisté durant des années à Urumqi, capitale du Xinjiang, province musulmane du nord-ouest de la Chine.

Depuis quand êtes-vous en fuite?
J'ai quitté Urumqi il y a trois ans et demi pour Dubaï, où vit mon frère, où je suis resté deux mois. Mais l'insistance d'une Chinoise, qui en fait était de la police, à se renseigner sur moi, m'a effrayé, et je suis parti pour l'Europe, l'Italie, puis la Norvège, qui m'a renvoyé en Italie, d'où je suis venu en Suisse pour témoigner à l'ONU. J'attends depuis novembre 2009 de pouvoir déposer une demande d'asile ici.

Pourquoi avez-vous dû quitter votre pays?
Parce que j'ai parlé en public des exécutions de prisonniers, des prélèvements d'organes qui étaient faits sur eux, alors qu'ils n'étaient pas encore morts, le trafic qui en était fait. C'est un vrai business en Chine, où tout le monde touche sa part, le docteur qui opère, les policiers qui laissent faire, tout le monde.

Durant combien de temps et dans quelles circonstances en avez-vous été le témoin?
J'ai été membre de la police spéciale de 1989 à 1998. En 1993, mon chef m'a dit que j'étais affecté à la prison de Liu Dao Wan, un nom qui fait trembler, car énormément de monde y est condamné à mort.

Des Ouïgours?
Oui, mais aussi des Mongols, des Tibétains, des Chinois.

Avez-vous exécuté des prisonniers?
Non, Dieu merci, ce n'était pas mon rôle!

Quelle était votre tâche?
J'enregistrais leurs noms, les informais du règlement, les menais à leurs cellules. Il y a deux longs couloirs jalonnés de petites pièces où ils sont entassés à vingt. Le soir, on me communiquait les noms de ceux que je devais aller chercher le lendemain à 6 heures pour leur exécution. Ils avaient peur, certains pleuraient, d'autres urinaient dans leur pantalon, des gardes les traînaient...

Impossible de changer de poste?
Au bout d'un certain temps, j'ai dit à mon supérieur que je voulais retourner dans la police, mais il a refusé car j'avais vu trop de choses. J'y suis resté cinq ans, jusqu'en 1998. J'ai assisté à de nombreuses scènes de torture, dans la section des hommes et celle de femmes. Un appareil électrique sur les parties génitales, enfoncé dans le sexe, les décharges, les cris...

Avaient-ils un avocat?
Non! On leur lisait l'acte d'accusation, la sentence de mort, puis ils avaient 15 minutes pour téléphoner à leurs proches ou faire leurs adieux au parloir. C'est moi qui les escortais. C'est court, 15 minutes. C'était insoutenable.

Les exécutions avaient lieu dans la cour?
Non, toutes les mises à mort se font à Xi Shan, qui veut dire la «Montagne de l'Ouest», où nous les conduisions dans des bus aux vitres teintées. Ils avaient les poignets liés aux chevilles, et une corde passée au cou suffisait, d'une traction, à les empêcher de crier. Ils étaient alignés à genoux et on leur tirait une balle dans le dos, en visant le coeur. Au besoin, ils étaient achevés de trois balles.

Il y a beaucoup d'exécutions?
Tout le temps. Seul, par groupe de trois ou de douze, d'après ce que j'ai vu personnellement. Je me souviens d'un garde qui, à chaque fois, regardait le soleil qui nous suivait, qui tapait fort sur Xi Shan, en disant: «C'est Dieu! Il est fâché à cause de ce que nous faisons.»

Quand avaient lieu les prélèvements d'organes?
Certains recevaient une balle non mortelle, puis n'étaient pas achevés sur place mais ramenés à la prison, où l'opération avait lieu et où on les laissait mourir. J'ai remarqué aussi qu'un peu avant l'exécution on faisait une prise de sang pour analyses à ceux qui avaient été choisis.

Pourquoi avoir attendu neuf ans pour fuir et témoigner?
J'ai démissionné en 1998 et vécu de commerce. Mon entourage ne comprenait pas que je quitte la police, qui est un bon job en Chine. Je ne parlais pas, car le Parti communiste chinois est partout. Fin 2006, un jour où j'avais un peu trop bu de vodka, j'ai rectifié en public les propos d'un médecin sur le prix d'un rein, environ 300 000 yuans (47 00 fr.), bref, j'ai trop parlé. Peu après, un ami de la police m'a dit que j'étais fini, qu'il me fallait quitter le pays tout de suite.

Vous avez de la famille?
Ma femme était enceinte, je suis allé la voir à 1800 km de là, à Hutan où elle vit. J'ai assisté à la naissance de ma fille, les ai embrassées et je me suis enfui début janvier 2007. Je ne les ai jamais revues et ne les reverrai sans doute jamais.

Sont-elles en danger?
Bien sûr. Six mois après ma fuite, mon père est mort dans des circonstances peu claires. Je connais leurs méthodes, j'ai été dans la police durant dix ans... Quand je joins ma femme par téléphone, nous parlons peu. Je suis sûr qu'elle est sur écoute. Mais je ne lui dis pas que je transite de camp en camp, elle croit que je mène une vie normale.

Arrivez-vous encore à dormir?
Très mal. Nous sommes huit par chambre à Fontainemelon. En comparaison, Genève, c'est l'hôtel avec deux personnes et la TV (Centre de Frambois près de l'aéroport, ndlr). Mais je fais surtout des cauchemars, je vois la police chinoise m'arrêter. Ma vie est finie. Parfois, j'ai envie de mourir. J'y pense.

Propos recueillis par Yvan Radja dans le Matin

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Un témoin précieux, selon Amnesty International

Après l'échec du renvoi à Rome de Nijiati Abudureyimu, «une nouvelle demande de réadmission va être faite à l'Italie», selon Michael Glauser, de l'Office fédéral des migrations (ODM). Si l'Italie ne devait pas répondre, une procédure d'asile pourrait être activée en Suisse. Une procédure qui ne serait pas exceptionnelle pour un Chinois ou un Ouïgour, contrairement à ce qu'a déclaré le conseiller d'Etat neuchâtelois Frédéric Hainard, affirme Le Temps dans son édition de samedi: «Selon les chiffres de l'ODM, 995 Chinois sont en processus d'asile en Suisse, et 713 d'entre eux ont obtenu une admission provisoire.»

Porte-parole d'Amnesty International pour la Suisse, Manon Schick craint que «si l'ODM le renvoie en Chine, il soit emprisonné, ou pire encore, car le sujet est tabou. On estime à 90% les organes utilisés pour des transplantations en Chine qui sont prélevés sur des prisonniers exécutés. Les preuves sont rares, et cet ex-policier est un témoin précieux.»

S'il désire témoigner devant l'ONU à Genève, Nijiati Abudureyimu devra suivre une procédure précise, explique Xabier Celaya, de la Commission des droits de l'homme: «En général il faut qu'il y ait plainte déposée contre un Etat par une victime. Ensuite, il faut être appuyé par un pays ou par une ONG.»

Etudes cliniques de Roche en Chine
Cette problématique touche la Suisse car «Roche et Novartis testent en Chine des médicaments antirejet sans garantie que l'organe provient bien d'un donneur consentant», explique Manon Schick.

Contacté par nos soins, Roche affirme que «les deux études cliniques menées en Chine pour le médicament CellCept respectent les mêmes standards scientifiques, médicaux et éthiques que dans les autres pays, selon la porte-parole Claudia Schmitt. De plus, ce sont les cliniques qui sont responsables de l'obtention des organes. Roche n'est pas autorisé, en Chine ni dans aucun autre pays, à connaître l'identité des donneurs.» Novartis, pour sa part, «soutient des actions comme le Programme chinois de coopération pour le don et la transplantation d'organes (CODTCP), déclare la porte-parole Isabel Guerra. Ce programme favorise l'alignement de la Chine sur les standards internationaux en termes de législation et d'obtention d'organes.»

vendredi 30 juillet 2010

«Je suis favorable à ce qu’il obtienne l’asile à Neuchâtel»

Frédéric Hainard est pessimiste sur les chances de l’ex-policier chinois de rester en Suisse.

Trop heureux de pouvoir détourner l’attention des accusations d’abus de pouvoir portées contre lui (qui font l’objet d’une commission d’enquête parlementaire), le conseiller d’Etat neuchâtelois suit avec intérêt l’affaire Abudureyimu alors qu’il est en vacances.

Le Temps: pourquoi avez-vous décidé de reprendre Nijiati Abudureyimu?

Frédéric Hainard: Il n’a pas voulu embarquer dans l’avion. Le commandant de bord a donc refusé de le prendre. Il n’était plus possible d’attendre un autre vol avec un accompagnement de deux policiers. Le délai de renvoi étant dépassé, il fallait éviter qu’il reste dans un centre de détention. Je suis fâché contre l’ODM qui nous a averti trop tard sur la date butoir pour le renvoyer.

– Que va-t-il se passer?

– Le traitement du dossier relève entièrement de la compétence de l’ODM. Notre canton n’a aucun moyen d’intervenir. C’est un immense problème car il s’agit d’un cas de non-entrée en matière (NEM). Soit Berne décide de l’expulser vers la Chine. Soit, et ce serait exceptionnel, l’ex-policier bénéficie d’une décision d’admission provisoire ou du droit d’asile.

– Pourquoi exceptionnel?

– Car en général les Chinois ou les Ouïgours n’obtiennent pas l’asile en Suisse. Je suis curieux de savoir quelle sera la décision de l’ODM car il devra en assumer la responsabilité. J’attends cela avec impatience. Soit c’est le renvoi, soit c’est l’autorisation de séjour: c’est manichéen.

– Etes-vous pessimiste sur les chances du requérant?

– Sur la base des expériences passées je suis pessimiste. Mais peut-être l’ODM changera pour une fois de position. En cas de refus, Neuchâtel va se prendre dans les gencives un renvoi vers la Chine.

– Que feriez-vous si vous deviez choisir?

– A titre personnel, je suis favorable à ce qu’il obtienne l’asile à Neuchâtel. Il n’a jamais troublé l’ordre public et il semble que c’est un témoin important.

mercredi 28 juillet 2010

Au coeur d’un trafic d’organes, un ex-policier témoigne

Il menait les condamnés à mort au peloton d’exécution avant qu’on leur prélève des organes. Il veut témoigner. Personne n’en veut en Europe. La Suisse le renvoie en Italie.

Nijiati

Mardi matin, 8 h 06. Nijiati Abudureyimu lance un dernier appel de son téléphone portable: «La police est là avec un véhicule. Ils vont m’emmener en prison. Cela recommence comme en ­Norvège. Je n’irai pas en Italie!» Quelques minutes plus tard, son téléphone est sur répondeur automatique. Le sort de ce Chinois qui affirme que sa vie est menacée par les services secrets de son pays est une nouvelle fois scellé.

Au début du mois, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la non-entrée en matière (NEM) notifiée plus tôt par l’Office des migrations (ODM) envers ce requérant d’asile en vertu de l’Accord de Dublin selon lequel les réfugiés doivent s’adresser aux autorités du premier pays par lequel ils ont transité pour gagner l’Europe. Pour Nijiati Abudureyimu, c’était Rome, il y a près de deux ans. La police neuchâteloise venue l’arrêter au centre d’accueil de Fontainemelon, où il résidait depuis plusieurs mois, le remettra ce mercredi à ses collègues genevois qui l’embarqueront dans les vingt-quatre heures dans un avion en direction de la capitale italienne. Un endroit où il se dit en danger de mort.

Xinjiang Lundi, sur une terrasse neuchâteloise, Nijiati Abudureyimu, ex-membre de l’équipe numéro 1 du détachement numéro 1 du régiment numéro 1 de la police spéciale d’Urumqi, expliquait au Temps son étonnant parcours. Celui d’un sbire qui a durant quatre ans (de 1993 à 1997) accompagné des condamnés à mort du chef-lieu de la Région autonome du Xinjiang (région musulmane du nord-ouest de la Chine) au peloton d’exécution. Celui surtout d’un homme qui affirme détenir des ­informations ultra-confidentielles sur la façon dont certains de ces mêmes condamnés subissaient des prélèvements d’organes destinés à un vaste marché très lucratif pour les autorités locales (lire sa déposition à l’ODM, ci-dessous).

Si ce trafic n’est pas inconnu des spécialistes de la Chine, il est très mal documenté. Officiellement, Pékin affirme respecter les normes internationales en matière de don d’organe et nie tout commerce de ce genre. En août 2009, toutefois, le très officiel China Daily citait des experts affirmant que deux tiers des dons d’organes en Chine provenaient en réalité de condamnés à mort.

Rongé par ce passé, révolté contre le Parti communiste chinois qui organise ce système, Nijiati Abudureyimu veut témoigner. Il voulait se rendre à Genève pour raconter son histoire devant l’ONU, pas pour être refoulé de Suisse. «Ce n’est pas l’asile que je cherche. Je ne suis pas un nationaliste ouïgour. Je suis un musulman qui croit en Dieu. Et quand je le rejoindrai, je veux pouvoir lui dire: j’ai tout tenté pour faire savoir au monde ce qui se passe dans les prisons chinoises.»

Ethan Gutmann, chercheur à la Fondation américaine pour la défense des démocraties qui a longuement enquêté sur la question des prélèvements d’organes sur des prisonniers du mouvement sectaire Falungong, interdit en Chine, estime qu’il s’agit d’un témoin central. «Tout témoin provenant de l’appareil sécuritaire est extrêmement rare et précieux, particulièrement s’il provient d’une région sensible comme le Xinjiang et s’il a des informations sur un sujet aussi sensible que les prélèvements d’organes.»

Le chercheur américain affirme détenir le récit d’un docteur ouïgour, également de la région d’Urumqi, qui corrobore les dires de Nijiati Abudureyimu. Un spécialiste européen du Xinjiang, qui préfère ne pas être cité dans le cadre de cet article, estime également que ce récit est plausible. Il arrive souvent que les familles de l’un des condamnés à mort ne puissent pas récupérer son cadavre. Elles évoquent alors deux possibilités: les autorités veulent cacher les actes de tortures ou il s’agit de trafic d’organes. Mais les preuves formelles sont inexistantes.

Alerté par Le Temps sur le contenu particulier du témoignage de Nijiati Abudureyimu et des risques qu’il encoure, l’ODM se retranche derrière la procédure administrative courante. «Puisque l’Italie est l’Etat compétent devant mener la procédure d’asile dans le cas présent, tous les moyens de preuve et documents déposés vont être remis à disposition des autorités italiennes», explique son porte-parole Michael Glauser.

Pour Nijiati Abudureyimu, l’Italie est pourtant synonyme d’«enfer». Pour le comprendre, il faut reprendre le fil de l’histoire depuis son commencement. Après avoir travaillé dix ans pour la brigade spéciale de la police d’Urumqi, l’agent de l’Etat chinois donne sa démission. Il vit par la suite de commerce jusqu’au jour où, sous le coup de l’alcool dans un restaurant, il rétorque qu’un rein coûte 300 000 yuans (47 000 francs) et non pas 30 000 yuans comme l’affirme un médecin.

D’anciens contacts à la police lui conseillent alors de fuir le pays et lui fournissent un passeport. Il s’installe dans un premier temps chez un cousin à Dubaï en 2007. Menacé par des espions chinois, dit-il, il décide d’émigrer en Europe. L’Italie lui délivre un visa Schengen et il achète un billet d’avion pour la Norvège. Le 12 septembre 2008, il transite par Rome où il passe une nuit avant de gagner Oslo.

En Norvège, il est placé dans différents centres de réfugiés sans obtenir d’assistance légale malgré le dépôt d’une première demande d’asile. Au contraire, il se retrouve menacé par d’autres Ouïgours placés dans le même camp qu’il décrit comme des agents de Pékin. La preuve? Deux mois après ces menaces, son père meurt dans des circonstances étranges. Les autorités norvégiennes, toujours selon le principe de Dublin, renvoient Nijiati Abudureyimu vers l’Italie en juin 2009. Là, il croupit durant cinq mois d’un camp d’accueil à l’autre, sans aucune aide, tout en déposant une deuxième demande d’asile. Un jour, en Sicile, il observe un Chinois qui le prend en photo avec son téléphone portable. Persuadé d’être à nouveau traqué par les services chinois, il décide de s’enfuir vers la Suisse où il arrive le 9 novembre 2009 et dépose sa troisième demande d’asile.

Pourquoi l’Italie serait-elle plus dangereuse? «Rien qu’à Rome il y a 300 000 Chinois et je suis le seul Ouïgour. Comment n’y aurait-il pas d’espions, bien sûr qu’il y en a!» Paranoïaque, Nijiati Abudureyimu? Certainement. L’homme, extrêmement nerveux, vit sous ­anxiolytiques et reconnaît avoir «plongé dans l’alcool pour surmonter toute cette pression». Mais après avoir travaillé dix ans pour les services de sécurité de la République populaire, il a sans doute de bonnes raisons de l’être. Ethan Gutmann, qui a pu le rencontrer l’an dernier en Italie, ne doute pas que «sa sécurité physique est en question».

A ce jour, l’Italie n’a toujours pas répondu à la requête de l’ODM «aux fins d’admission du requérant en vertu de l’article 16.1c du règlement Dublin». Ce n’est pas une exception. L’Italie ne répond jamais, mais cela est considéré par Berne comme un accord «implicite». Le tribunal administratif fédéral reconnaît pour sa part que le «système italien d’assistance aux requérants d’asile se trouve critiqué au sujet des conditions de séjour», mais refuse toute dérogation. Débordés de demandes d’aide, Caritas et le Centre social protestant de Neuchâtel n’ont pas pu apporter d’aide juridique à Nijiati Abudureyimu. Thierry Müller, le chef de l’Office social de l’asile du canton de Neuchâtel, explique que seul Frédéric Hainard pourrait encore agir en faveur de l’ex-policier. En vacances, le conseiller d’Etat neuchâtelois n’était pas joignable hier.

Nijiati Abudureyimu accuse ces pays européens qui se font les complices de Pékin en se renvoyant la balle. «S’ils viennent me chercher, les policiers pourront envoyer mon cadavre en Italie. C’est très simple pour moi, j’ai été formé à cela», nous expliquait-il lundi en faisant le geste de se trancher la gorge.

Frédéric Koller dans le Temps