samedi 23 octobre 2010

Un double non s’impose lors de la votation sur l’expulsion des étrangers criminels

mazyar yosefi Mazyar Yosefi, conseiller communal à Epalinges, est l’invité de la rubrique Réflexion de 24 Heures.

Le peuple suisse se prononcera le 28 novembre sur l’initiative de l’UDC et sur le contre-projet des Chambres fédérales qui, tous deux, visent l’expulsion des étrangers condamnés par un jugement, indépendamment de leur statut et de leur titre de séjour. L’initiative viole sciemment le droit international et les principes fondamentaux de la Constitution. Et le renvoi automatique qu’elle stipule viole également l’accord sur la libre circulation des personnes, selon l’UE.

L’UDC, une fois de plus, ressert son fonds de commerce électoral pour polariser le débat sur la question des étrangers. La campagne, émotionnelle, s’annonce nauséabonde, mensonges sur les chiffres de la criminalité et affiches détestables à l’appui.

my opinion

Les autres partis politiques, préoccupés par les élections fédérales de 2011, n’ont pas eu le courage d’invalider un texte inutile et contraire aux droits humains. Ils ont décidé de proposer un contre-projet, tout aussi xénophobe et inapplicable. L’amalgame entre les étrangers et la criminalité bat son plein dans cette campagne. L’UDC propose de lier la criminalité à la nationalité dans la Constitution. Celle-ci, qui devrait garantir les droits de chacun, sera bientôt transformée en Code pénal!

Je n’adhère pas à la politique du moindre mal et refuse de choisir entre la peste et le choléra, les deux textes soumis au vote étant presque identiques. Le contre-projet ne fait que confirmer le propos raciste de l’UDC. En plus de voter deux fois non, je ne répondrai donc pas à la question subsidiaire qui permet de donner la préférence à l’initiative ou au contre-projet. Je laisserai ainsi à ceux qui ont rédigé cette loi la responsabilité d’assumer les conséquences terribles qu’aurait son acceptation pour la population étrangère.

Aujourd’hui, après la réduction des prestations de la loi sur le chômage, après une période de crise économique engendrée par les financiers, après la hausse des primes d’assurance- maladie, le climat est propice pour faire des étrangers les boucs émissaires de la dégradation des conditions sociales de la population suisse. La peur de l’inconnu, de celui qui n’a pas la même couleur de peau, a toujours alimenté la propagande des partis populistes comme l’UDC. Leur politique tend à focaliser l’opinion sur des questions sécuritaires plutôt que sur de vrais débats de société.

J’espère que le peuple suisse ne sera pas aveuglé par la propagande raciste de l’UDC, et qu’il aura conscience que les arguments et les statistiques avancés sur la criminalité des étrangers ne sont qu’une manipulation populiste.

Il est temps de hausser le ton et de lutter contre toutes les formes d’injustice envers nos semblables. Il faut dire deux fois non le 28 novembre pour contrer le racisme et la xénophobie.

“De toute façon, on reviendra”

Un voyage de huit semaines,de la banlieue parisienne à celle de Bucarest, avec les Roms expulsés.

25 août 2010, gymnase de Choisy-le-Roi,Val-de-Marne

Un groupe d’hommes rassemblés à l’entrée de la salle de sport fument des gauloises. Des cris d’enfants résonnent. A l’intérieur du gymnase, des dizaines d’enfants jouent entre les matelas à même le sol et des sacs en plastique empilés les uns sur les autres. Près de chaque matelas de fortune, des traces de la vie d’avant. Des petits tas dérisoires précieusement rangés où s’entassent pulls, paquets de riz, lait en poudre pour nourrisson, jouets cassés. Et puis quelques photos de Roumanie. J’ai l’impression de me retrouver dans un pays en guerre. Ces enfants, ces femmes, ce gymnase, ces objets sauvés me font étrangement penser aux réfugiés croisés lors de voyages dans le Caucase ou ailleurs. Des vies interrompues, des destins en errance.

Dans ce gymnase du 7, rue Joliot-Curie, 35 enfants, 25 femmes, et 12 hommes. Des Roms venus pour la plupart de la ville de Timisoara. Ils vivaient depuis deux ans sous l’A86. Le 12 août à l’aube, des policiers français sont venus démanteler le camp. Les baraques en bois ont été détruites, les caravanes confisquées. Les hommes, les femmes, les enfants se sont retrouvés sans rien, sur un terrain vague en bordure de Choisy-le-Roi. La veille de l’expulsion, un petit garçon était né dans le camp.

27 août 2010, gymnase de Choisy-le-Roi, le soir

Les yeux noirs de Rodika fixent longtemps, très longtemps une fenêtre du gymnase. Elle secoue ses longs cheveux de jais noués dans son dos, et pousse un lent soupir. «Où va-t-on pouvoir vivre maintenant? Je suis épuisée d’être chassée de partout, toujours chassée…» Rodika a 36 ans, elle est déjà grand-mère. Elle vivait depuis deux ans sous l’A86, avec sa fille et ses deux petits-enfants de 3 et 4 ans. Elle est venue avec son mari en France voilà huit ans. Et puis son mari s’est tué dans un accident de voiture. Elle a survécu en vendant des fleurs dans le métro, 15 à 30 euros par jour. De quoi vivre. Depuis que le camp a été détruit, elle passe ses journées à tenter d’organiser la vie dans le gymnase.

Ces derniers jours, la tension est palpable. Soixante personnes entassées dans un seul espace, des vieillards, des enfants âgés de 10 jours à 14 ans. Plus de sommeil, plus d’intimité. La fatigue se lit sur tous les visages. Un homme allongé à quelques mètres de Rodika crie: «Je n’en peux plus, je n’ai pas dormi depuis presque deux semaines. Les enfants se réveillent toute la nuit, pleurent, crient. Nos vieux sont malades. Et puis, vous les journalistes, vous venez du monde entier nous voir, nous photographier comme si on était des animaux dans des cages au zoo. C’est ça, ce que nous sommes devenus, des bêtes de foire, une curiosité.» Rodika tente de le calmer. Elle s’excuse. «On est à bout. On est enfermés ici sans rien pouvoir faire. Ce que l’on sait, c’est qu’on ne veut pas retourner à Timisoara. Là-bas, on est rejetés par les Roumains, on n’a pas de travail. Moi, tout ce dont je rêve aujourd’hui, c’est que mes petits-enfants puissent aller à l’école ici en France. Je n’ai pas pu y aller quand j’étais petite, ma fille non plus. C’est mon espérance, qu’ils apprennent à lire, écrire…» Il y a une autre raison pour laquelle Rodika veut pouvoir rester en France. Une raison qu’elle préfère taire. Après un long silence, elle tourne vers moi son beau visage, ses yeux noirs brusquement animés par ce qu’elle nomme «l’espérance»: «J’espère que je vais arriver au bonheur, un jour. Tu sais, je ne peux pas quitter la France: c’est ici que l’homme que j’aime est enterré. Ici, c’est chez moi maintenant, j’ai un lien pour toujours avec cette terre de France.»

Lire la suite de ce reportage de Manon Loizeau dans le Temps

Respect des droits des citoyens

viviane reding citation

Un pas en arrière pour les apprentis sans-papiers

Une commission du Conseil national refuse d’entrer en matière sur la formation professionnelle des jeunes clandestins.

Les jeunes sans-papiers qui vivent en Suisse ne pourront peut-être pas suivre d’apprentissage, malgré le fait que le parlement ait récemment demandé au gouvernement de créer des bases légales en ce sens. La commission des institutions politiques du Conseil national a rejeté hier trois initiatives cantonales et une initiative parlementaire libérale-radicale. Ces textes demandent justement la création de bases légales pour permettre aux jeunes vivant en Suisse sans statut légal de suivre un apprentissage.

Pour la majorité de la commission, «permettre à un jeune sans- papiers de faire un apprentissage garantirait à l’ensemble de sa famille le droit de séjour en Suisse», notamment en raison du droit au regroupement familial. Si la loi sur les étrangers est assouplie, d’autres migrants sans statut légal risquent de «s’engouffrer dans la brèche».

Une minorité a fait valoir en vain qu’il était injuste que les jeunes sans-papiers puissent suivre des études supérieures mais pas un apprentissage. L’initiative de la conseillère nationale libérale-radicale neuchâteloise Sylvie Perrinjaquet a été refusée de justesse, par 13 voix contre 11. Ce texte demande que la famille du jeune sans-papiers ne soit pas automatiquement régularisée. Et pour régler le statut légal du jeune, elle souhaite que les autorités s’appuient sur des critères comme l’âge ou l’intégration. Il est donc plus précis que la motion de Luc Barthassat (PDC/GE) déjà adoptée par les deux Chambres sur le sujet. La Municipalité de Lausanne a lancé la polémique en annonçant en mars qu’elle formerait de jeunes sans-papiers.

ATS relayé par 24 Heures