mardi 3 mars 2009

Le Conseil national ne veut pas supprimer la norme pénale antiraciste


Le conseil national ne veut pas abolir la norme pénale antiraciste. Il a rejeté par 125 voix contre 52 et 15 abstentions une initiative parlementaire de l'ancien conseiller national Bernhard Hess (DS/BE) visant à supprimer l'article 261 bis du code pénal.

le 03 mars 2009, 13h23
LeMatin.ch & les agences


Seul orateur à soutenir l'initiative, Oskar Freysinger (UDC/VS) n'a pas ménagé ses efforts pour tenter de convaincre ses collègues que la norme pénale antiraciste équivalait à une limitation inadmissible de la liberté d'expression. Au nom de la commission, Christian Lüscher (PLR/GE) lui a répondu que cette disposition ne visait pas les discussions dans le cadre privé, ni les opinions elles-mêmes.

Seules les incitations à la haine raciale sont punis, a précisé M. Lüscher. Roger Nordmann (PS/VD) a ajouté que le peuple lui-même avait approuvé cette disposition du code pénal et que de nombreuses interventions parlementaires pour la supprimer avaient déjà été rejetées.

Quant à l'initiative populaire des Démocrates suisses visant à abroger ce même article 261 bis du code pénal, elle a échoué au stade de la récolte de signatures, a aussi rappelé M. Nordmann.


Sharif Hassenzade, champion de boxe, sans papiers, bientôt régularisé

Sharif Hassenzade, champion de boxe, sans papiers, bientôt régularisé

LEMONDE.FR | 02.03.09 | 21h13 • Mis à jour le 02.03.09 | 21h13
http://www.lemonde.fr/sports/article/2009/03/02/sharif-hassenzade-champion-de-boxe-sans-papiers-bientot-regularise_1162417_3242.html

Sharif Hassenzade a rempli son contrat. A seulement 17 ans, le jeune
Afghan, sans papiers, licencié au Punch boxe française savate
tourquennois, est devenu samedi 28 février le nouveau champion espoir de
boxe française, dans la catégorie des super-légers (moins de 65 kg). A
son arrivée à Lille, il y a trois ans, Sharif Hassenzade "ne connaissait
pas l'écriture, ne savait pas du tout parler français et avait de toutes
petites bases en anglais", se rappelle son entraîneur et éducateur,
Bruno Cardoso.

Alerté par le tapage médiatique autour de son histoire, le ministre de
l'immigration et de l'identité nationale, Eric Besson, a annoncé lundi 2
mars la régularisation prochaine du jeune homme. "Sharif Hassanzade peut
s'adresser dès maintenant à la préfecture du Nord pour obtenir un titre
de séjour et engager, s'il le souhaite, les démarches en vue de sa
naturalisation", a précisé le cabinet.

" Tourcoing est fière d'avoir un garçon comme lui sur son territoire.
Son parcours est une vraie leçon de vie", a renchéri Michel-François
Delannoy, maire de Tourcoing dans Nord Eclair
(<http://www.nordeclair.fr/Locales/2009/03/02/un-titre-de-champion-avant-les-papiers.shtml>).
En tant que mineur, le jeune homme ne pouvait pas être expulsé avant ses
18 ans, le 31 décembre prochain. Après trois ans de placement en foyer
en France, il avait l'intention de déposer une demande pour obtenir la
nationalité française. "Il y a des lois en France par rapport à
l'intégration par le sport", insistait son éducateur.

Sharif souhaite devenir animateur social

Aujourd'hui, Sharif souhaite devenir animateur social. "Dans une semaine
il commence une remise à niveau pour faire un BEP carrières sociales. Il
doit aussi passer son BAFA et entamer les démarches pour passer son
permis de conduire", explique Bruno Cardoso.

En attendant, le jeune Afghan savoure sa victoire dans les Vosges. Il
devrait prochainement participer au championnat de Belgique ouvert aux
étrangers. L'année prochaine, il briguera le titre de champion de France
juniors, avec l'espoir, pourquoi pas, de devenir un jour champion d'Europe.

Le héros de la Forteresse fait de la résistance

Le petit matin glauque d'un retour forcé

Reportage de Martine Clerc (texte) et Patrick Martin (photos), avec Fernand Melgar, un cinéaste qui se bat contre le renvoi d'un requérant. Un article de 24 Heures.

En tant que citoyen. En tant qu’ami. Parce qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Il est 3 h 40 du matin, et Fernand Melgar tente d’expliquer pourquoi il se retrouve au volant de sa voiture au milieu de la nuit, fonçant vers l’aéroport de Zurich, au secours de Fahad Khammas, requérant d’asile irakien et héros de son film, La forteresse. Celui-ci doit être expulsé vers la Suède avec le vol Swiss de 6 h 50. De la Suède, qui a également refusé sa demande d’asile, le jeune homme sera vraisemblablement renvoyé vers Bagdad.

Des expulsions par avion, la Confédération en effectue des milliers chaque année. L’an passé, un peu plus de 3500 personnes (en effraction à la loi sur l’asile ou celle sur les étrangers) ont été renvoyées chez elles, la plupart par vol de ligne, et un peu plus de 200 via des «vols spéciaux» dont ils sont les uniques passagers. Ces retours forcés se font généralement dans une extrême discrétion. Ce lundi 2 mars, grâce à la médiatisation du cinéaste Melgar et de ses «acteurs», 24 heures a pu assister heure par heure à la tentative d’expulsion de l’un de ces requérants malheureux. Et aux efforts de ses défenseurs pour empêcher son exécution.

«En danger de mort»

«S’il rentre à Bagdad, Fahad est un homme mort», dénonce Fernand Melgar. Considéré comme un traître pour avoir collaboré en tant qu’interprète pour les forces américaines, le jeune homme risque sa vie en cas de retour. Il avait fui son pays en été 2007, sous les menaces de milices islamistes. Depuis, d’un bout à l’autre de l’Europe, il rebondit contre les frontières en vertu de l’application de l’Accord de Dublin (lire ci-dessous et 24 heures du 11 février).

Il est 5 h 55. A l’aéroport de Zurich, avant même le lever du jour, Fernand Melgar et Elise Shubs, conseillère juridique du requérant, distribuent des messages de sensibilisation avec la photo de Fahad aux passagers pour le vol de Stockholm. Un porte-parole d’Amnesty International est là, en signe de soutien. Pressés, les voyageurs filent à l’embarquement, n’accordant qu’une oreille polie aux Lausannois. Fahad Khammas, transféré vendredi de Vallorbe à Zurich, sera-t-il à bord? Comment le savoir? Les défenseurs du requérant ont passé leur week-end à tenter de le localiser, «et lorsqu’on a su, grâce à une indiscrétion, qu’il était enfermé à Zurich, on a dû insister pour lui parler au téléphone, explique Elise Shubs. Ces lieux de détention sont des zones de non-droit.»

L’heure tourne. Les requêtes auprès du personnel de la compagnie Swiss ne donnent rien. Une chose est sûre, l’accompagnement de l’expulsé par les forces de l’ordre zurichoises se fait par des accès réservés. Suspicieux, deux policiers observent de loin l’aréopage d’activistes pacifistes. 6 h 50, c’est l’heure du vol et l’on ignore si Fahad est du voyage.

Il se débat dans l’avion

Déjà, les téléphones des deux défenseurs de l’Irakien crépitent. Amnesty International tente de rameuter ses militants en Suède. Puis, tout s’accélère. La conseillère de l’Irakien apprend par un contact informel que son client est sur sol helvétique, dans un bâtiment de l’aéroport, qu’elle pourra le rencontrer. Après 20 minutes d’entretien en présence d’un policier, elle raconte, affectée: «Les agents l’ont réveillé à 4 heures du matin et l’ont menotté. Dans le couloir le menant à l’avion, il a dit calmement aux policiers qu’il ne voulait pas prendre ce vol. Ces derniers l’ont alors porté dans l’avion. Là, il a commencé à crier et à se débattre, et le capitaine de l’avion a exigé qu’il descende de l’appareil.» Les policiers auraient essayé de lui fermer la bouche à l’aide d’un tissu, et Fahad Khammas aurait subi des pressions dans la région des reins. «Il a très mal au dos, il est pâle. Je lui ai dit de garder espoir, qu’on était là», poursuit sa mandataire.

Le duo est sonné. Il attend dans l’espoir de voir le jeune homme avant son transfert pour la prison de l’aéroport. A 10 h 43, contre toute attente, un ascenseur s'ouvre, éjectant Fahad Khammas, poings liés, et son gardien. Face à face avec Melgar, quelques mots d’encouragement en anglais, des larmes, et rapidement le jeune homme, hagard, est poussé dans une fourgonnette blindée, direction la prison de l’aéroport.

La police rejette les accusations de violence

Dans l’après-midi, la police cantonale zurichoise rejettera en bloc les accusations de violence contre le requérant. Denise Graf, coordinatrice réfugiés de la section suisse d’Amnesty International (AI), explique: «Nous demandons qu’une enquête soit faite pour déterminer si la police a agi de manière disproportionnée.» Amnesty demande aujourd’hui à la Confédération de réexaminer la demande d’asile de Fahad Khammas, et d’exiger des garanties de la Suède en cas de renvoi.

Alors que l’Irakien passe encore une nuit en prison, ses défenseurs ont déjà obtenu plus qu’un sursis: le Tribunal administratif fédéral a décidé, hier après midi, de mesures superprovisonnelles qui suspendent l’exécution du renvoi. Le temps d’examiner le recours reposant entre les mains des juges.

6 h 01, Zurich Airport Unique: Fernand Melgar sensibilisait hier matin les passagers en route pour la Suède au sort réservé au requérant.

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6 h 42, bureau de la police de l’aéroport: à cette heure-ci, le cinéaste croit que plus rien ne peut empêcher le renvoi de son ami.

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Centre de détention de l’aéroport de Zurich, 11 h 08: Fernand Melgar et la Lausannoise Elise Shubs, mandataire juridique de Khammas.

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TENSION 10 h 43, contre toute attente, un ascenseur s'ouvre, éjectant Fahad Khammas, poings liés, et son gardien. Face à face avec Melgar, quelques mots d’encouragement, des larmes, et déjà l’Irakien est emmené par la police.

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Réactions à l'échec de ce renvoi forcé

ANNE PAPILLOUD, DÉPUTÉE AU GRAND CONSEIL, MEMBRE D’«À GAUCHE TOUTE!»

image «Notre priorité est de faire sortir Fahad Khammas de prison et, ensuite, de nous opposer à son renvoi. Problème, la Suède procède à des renvois dans des zones d’Irak que la Suisse juge trop dangereuses», estime la députée. Une interpellation devant le Grand Conseil est prévue aujourd’hui, «s’il est établi que Fahad Khammas est du ressort du canton de Vaud». Le cas échéant, Anne Papilloud est d’avis que «le canton peut refuser d’exécuter le renvoi, même si la décision vient de Berne. Le canton n’a peut-être pas le pouvoir légal de s’y opposer, mais il en a le pouvoir politique, comme il l’a démontré par le passé en refusant de renvoyer des rescapés de Srebrenica.»

PHILIPPE LEUBA, CONSEILLER D’ÉTAT, CHEF DU DÉPARTEMENT DE L’INTÉRIEUR

image«Le canton de Vaud n’a aucun pouvoir dans cette  affaire. Fahad Khammas est du ressort de Zurich, même s’il était au centre d’enregistrement de Vallorbe. Car ce centre est fédéral et n’a rien à voir avec les autorités vaudoises. Tout ce que je peux faire, c’est de communiquer à mon homologue zurichois l’émotion que cette affaire suscite», affirme Philippe Leuba. Il précise que «même si Fahad Khammas était du ressort du canton de Vaud, il devrait remplir des conditions pour que l’on puisse envisager une régularisation à but humanitaire. Comme je n’ai pas accès au dossier, il m’est impossible de dire si ces conditions sont remplies ou non dans ce cas.»

CLAUDE RUEY, CONSEILLER NATIONAL

image «J’ai appris dimanche la date du renvoi, et j’ai immédiatement envoyé un courrier à la compagnie Swiss pour leur demander de suspendre le retour de Monsieur Khammas», explique le conseiller national libéral. Il s’apprêtait à intervenir auprès du parlement pour demander la réouverture de la procédure. «Même si l’accord de Dublin sur l’asile donne priorité à la Suède, certaines conditions devraient permettre à la Suisse de gérer ce dossier. Notamment si la Suède ne donne pas de garanties de procédures.» Claude Ruey espère un entretien entre un groupe de députés et Eveline Widmer-Schlumpf, qui pourrait, selon lui, contribuer à faire avancer la situation.

S.B. dans 24 Heures.

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Bienvenue dans l'espace Dublin

Fahad Khammas fait la difficile expérience de la pratique en vigueur depuis le 12 décembre dernier en matière d’asile. Désormais, la Suisse applique la procédure Dublin. Cet accord, qui lie une trentaine de pays européens, vise à empêcher les migrants de déposer une demande d’asile dans plusieurs pays différents. Il veut aussi éviter que les Etats ne se renvoient mutuellement les requérants sans jamais examiner sur le fond leur dossier.

espace schengen Conséquence de la nouvelle procédure Dublin: les candidats au statut de réfugié ne peuvent plus tenter leur chance que dans un seul pays. Concrètement, les employés de l’Office fédéral des migrations (ODM) comparent les empreintes digitales des requérants d’asile arrivés en Suisse avec la banque de données Eurodac. Celle-ci répertorie toutes les personnes ayant déposé une demande dans l’Espace Dublin. Si la personne s’y trouve déjà enregistrée, la Suisse se retourne alors vers le premier pays où elle a tenté sa chance afin qu’il la reprenne. A charge pour cet Etat de mener à son terme la procédure – et donc d’accorder l’asile ou de renvoyer le requérant dans son pays d’origine.

Après une semaine d’expérience, l’ODM avait constaté avec surprise qu’un demandeur d’asile sur deux arrivant en Suisse était déjà connu d’Eurodac. La tendance s’est-elle confirmée depuis? L’ODM livrera sa réponse en avril.

S. G. dans 24 Heures

Vers Schengen/Dublin sur le site du DFAE

Choquée par les conditions d'accueil

Choquée par les conditions d'accueil

Paru le Lundi 02 Mars 2009 
   PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE MALKA*    

ContrechampREGARD - Au terme d'un mandat d'un an à Genève, Birgit Einzenberger, juriste au HCR, a pu se forger une vision de la protection des réfugiés à la mode helvétique. 
Birgit Einzenberger a quitté fin janvier le bureau de liaison pour la Suisse et le Liechtenstein du Haut Commissariat pour les réfugiés, l'agence onusienne qui veille à la protection internationale des réfugiés. La conseillère juridique retrouvera le bureau du HCR pour l'Autriche où elle a travaillé sept ans. En une année, qu'a-t-elle pu voir du système helvétique de l'asile? Entretien. 


Quelles relations entretient le HCR avec les autorités et les milieux de défense du droit d'asile?

Essentielles. Pour agir, nous sommes tributaires de la volonté de coopération des Etats membres. Quant aux organisations non-gouvernementales, elles sont nos yeux et nos oreilles. Sur le terrain, elles détectent souvent les premières les problèmes et nous collaborons à trouver une solution. 


Vous avez visité, à votre arrivée en Suisse, les Centres d'enregistrement et de procédure (CEP). Ceux-ci sont souvent critiqués par les milieux de défense du droit d'asile. Avez-vous, malgré tout, relevé des points positifs?

Oui. Les projets qui donnent aux demandeurs d'asile la possibilité de s'engager pour la communauté locale. Quoique modestes – à Vallorbe, ils ne sont que cinq par semaine à pouvoir s'occuper – ces projets sont appréciés par tous. Un point positif, également, la présence de bureaux de soutien juridique à proximité des CEP, même si l'offre ne remplit pas la demande. Je regrette que les autorités ne les financent pas. Le rôle des mandataires est essentiel et devrait intervenir en amont de la procédure, comme aux Pays-Bas, plutôt qu'en phase de recours. En revanche, la présence de représentants d'oeuvre d'entraide aux auditions n'est pas suffisante. Ils n'ont pas de grands moyens et ne rencontrent pas les demandeurs d'asile avant l'audition, dans un cadre confidentiel, comme en Autriche. En arrivant à l'audition, les demandeurs d'asile ne savent ni qui ils sont, ni quel est leur rôle. 

Et les aspects les plus choquants?

Les conditions d'accueil m'ont vraiment choquée. Le centre de Kreuzlingen construit spécialement pour cet usage est architecturalement conçu comme une prison. Les fouilles sont systématiques, à chaque entrée des CEP. J'en ai été choquée même si je n'ai reçu aucune plainte des demandeurs. En Autriche, le fait de procéder à une seule fouille au moment du dépôt de la demande avait provoqué un tollé, les ONG relevant que seuls les criminels méritent un tel traitement! 
Autre élément de surprise: la séparation systématique des familles par sexe dans les CEP, logées en dortoirs. En Autriche, lorsque des chambres familiales ne sont pas disponibles, plusieurs familles se partagent des dortoirs. Enfin, des mineurs non-accompagnés se trouvent régulièrement aux CEP sans soutien particulier. Selon la Convention des droits de l'enfant, tous les enfants en dessous de 18 ans ont droit à une protection spéciale. Le HCR a critiqué les pays d'Europe de l'Est pour un tel manquement. 

La Suisse fait partie de l'espace Dublin depuis le 12 décembre. Quelles avancées pour le respect des principes garantis dans la Convention des réfugiés?

Les accords de Dublin visent, d'une part, à ne laisser aucun réfugié sur orbite, autrement dit, à garantir qu'un Etat soit responsable de l'examen de sa demande; et d'autre part, à lutter contre le shopping de l'asile. Mais l'application de Dublin prévue par la Suisse me préoccupe beaucoup. Son objectif avoué est de renvoyer le plus de monde possible: dès qu'un demandeur d'asile a transité par un autre Etat membre de Dublin, une décision de non-entrée en matière tombe. Le renvoi sera exécuté même en cas de recours, car celui-ci n'a pas d'effet suspensif. Cette absence d'effet suspensif en Suisse est très problématique, car dans certains Etats membres de Dublin, des lacunes dans la protection juridique existent. Le HCR est surtout préoccupé par la situation actuelle en Grèce, qui peut aboutir à une violation du principe fondamental du non-refoulement. Certains Etats ont suspendu les renvois vers ce pays. Pour nous, tout pays, y compris la Suisse, doit examiner, dans le cadre de la procédure Dublin, le risque de refoulement en chaîne encouru en cas de renvoi vers un autre pays membre. Il en va de sa responsabilité. L'effet suspensif vient garantir aux demandeurs d'asile un recours effectif. La Commission européenne a proposé de modifier Dublin II de manière à aménager cet effet suspensif. J'espère que l'application par la Suisse ira dans ce sens. 

Quels sont les projets que vous auriez souhaité boucler avant de partir?

J'aurais voulu convaincre tous les acteurs, y compris les autorités fédérales et cantonales, de la nécessité d'augmenter l'aide juridique pour les requérants. J'aurais également souhaité que le HCR, partenaire privilégié de par son mandat juridique, soit consulté avant que le nouveau projet de loi sur l'asile devienne public. I 
Note : * Rédactrice responsable de Vivre ensemble.

ASILE: RECULEZ D'UNE CASE...


Paru le Lundi 02 Mars 2009 

ContrechampSUISSE - Via la notion de «pays tiers sûrs», la nouvelle révision du droit d'asile permet de renvoyer des requérants vers des pays de transit. Le Service d'aide juridique aux exilé-e-s (SAJE) de Vallorbe constate que ce moyen d'expulsion a été largement utilisé en un an. 
Depuis l'entrée en vigueur en janvier 2008 des nouvelles lois sur l'asile et, en particulier, de la possibilité de prononcer des décisions de non-entrée en matière (NEM) et de renvois vers des pays tiers considérés comme «sûrs», le Service d'aide juridique aux exilé-e-s (SAJE) de Vallorbe a observé une utilisation importante de ce nouvel outil d'expulsion dans le canton de Vaud1. Cette pratique préfigure sans doute la manière dont la Suisse compte appliquer les accords de Dublin, en vigueur depuis le 12 décembre 2008, et qui procèdent du même esprit. L'Office fédéral des migrations (ODM) peut refuser d'entrer en matière sur la requête d'un demandeur d'asile ayant transité par un pays répertorié comme «sûr» par les autorités helvétiques et si ce pays accepte de reprendre le requérant. Des accords bilatéraux de réadmission ont ainsi été conclus avec la plupart des pays européens (mais pas uniquement). Le simple fait d'avoir enregistré le nom du requérant – lors d'un contrôle à la frontière, dans un train etc. – oblige l'Etat signataire de ces accords à réadmettre le migrant sur son territoire. Chaque cas fait toutefois l'objet d'une procédure de reprise individuelle. 
Le SAJE a interjeté une vingtaine de recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre de telles décisions dites «NEM pays tiers sûrs». Le TAF s'est systématiquement rangé sur l'analyse de l'ODM, et a rejeté ces recours. 
Au-delà des statistiques très décourageantes sur les chances de succès de ces recours, ce qui inquiète les défenseurs des réfugiés, ce sont les conséquences découlant de ces non-entrées en matière: traitement expéditif et superficiel des demandes d'asile et stigmatisation accrue des candidat-e-s à l'asile. 
Le système des décisions NEM a en effet pour but de régler rapidement et sommairement les demandes considérées comme «infondées ou manifestement abusives». Les autorités affirment en particulier ne pas vouloir donner de faux espoirs aux personnes concernées. Par exemple, les personnes provenant d'un pays considéré comme exempt de persécutions ou déposant une deuxième demande d'asile pour des motifs ayant déjà fait l'objet d'un examen ne voient pas leurs motifs de fuite examinés. Leur demande et la question de leur renvoi dans le pays d'origine sont traitées au plus vite: les décisions de non-entrée en matière sont rendues dans des délais très courts, avec cinq jours de délai de recours. 
Ce qui est particulièrement choquant dans le cas des décisions NEM «pays tiers sûr», c'est qu'il soit considéré comme «manifestement abusif» d'avoir attendu d'être en Suisse pour déposer une demande d'asile. Dans la perte de repères et le vide abyssal que représente l'exil forcé, n'est-il pas compréhensible qu'une personne choisisse un pays dont elle connaît la langue, où un réseau social est susceptible de l'épauler à son arrivée ? 
Ce choix-là, légitime selon nous mais pas aux yeux des législations suisses et européennes, est sans rapport avec l'authenticité ou non de ses persécutions. Or, par la terminologie employée «abusif» – et du fait que les NEM «pays tiers sûrs» sont comptabilisées dans les statistiques de l'asile comme des décisions négatives, les autorités contribuent à alimenter le discours sur les abus en matière d'asile et à stigmatiser les requérants d'asile. 
De plus, la Suisse se décharge légalement sur les pays qui l'entourent d'une obligation internationale – celle de protéger les réfugiés – et profite de sa position géographique au centre de l'Europe. La trajectoire de Iwa (prénom d'emprunt), ressortissant de Guinée, illustre parfaitement les problèmes que pose ce concept de «pays tiers sûrs». Persécuté dans son pays d'origine, Iwa décide de se réfugier, non pas en Europe de manière générale, mais en Suisse. 
Après un long voyage, il arrive en Espagne, en France, puis en territoire helvétique. Arrivé à la gare de Genève, les douaniers l'«accueillent» à la descente du train et le gardent en observation pendant trois heures. Durant la nuit et de manière totalement illégale, car procédure formelle de reprise avec la France, une voiture de police conduit Iwa de l'autre côté de la frontière et le laisse au bord d'une route française. Au petit matin, frigorifié, Iwa trouve un autobus et réussit à repasser la frontière et à déposer cette fois une demande d'asile au Centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe. Il reçoit alors une décision NEM «pays tiers sûrs». Il est renvoyé en France, car Iwa a traversé ce pays avant d'arriver en Suisse. Les frontières de la Confédération helvétique sont donc plus que jamais protégées par des garde-fous législatifs imperméables aux personnes dans le besoin. Les accords de Schengen-Dublin vont encore renforcer cette pratique. Suisse humanitaire, où es-tu? I 
Note : * Juristes au Service d'aide juridique aux exilé-e-s (SAJE) de Vallorbe. 
Informations complémentaires: mdeveaud@saje-vaud.ch 
Les deux articles de cette page ont paru dans Vivre ensemble, le bulletin du centre de documentation romand sur le droit d'asile (n° 121, février 2009 – 5 numéros par an), www.asile.ch/vivre-ensemble 
1 Voir en page 9 de cette édition le cas du requérant irakien Fahad Khammas, sur le point d'être expulsé de Suisse. Prévu hier matin, son renvoi vers la Suède, le dernier pays où il a été enregistré, n'a pu avoir lieu. En vertu des accords de Dublin, Stockholm s'apprête à renvoyer M. Khammas en Irak, où ce dernier est en danger de mort. (Réd.)