vendredi 11 décembre 2009

Un minaret miniature érigé à Bussigny en signe de paix envers les musulmansaret dans le ciel

MINARETS: PAS DE SALUT EN DEHORS DU DIALOGUE


10 décembre 2009 - CHRISTIANE IMSAND - Il y a 11 commentaires

POLITIQUELa députation valaisanne a été ébranlée par le résultat de la votation sur l'interdiction des minarets. Tous nos élus prônent le renforcement du dialogue. Ils divergent sur les limites à apporter aux droits populaires.

Tous nos politiciens valaisans à Berne sont d'accord: il ne faut pas revoter sur l'initiative visant à interdire les minarets. Keystone

Nos quatre questions sur le sujet:

1. La démocratie directe a-t-elle atteint ses limites?

2 . Que faire sur le plan intérieur pour répondre aux craintes suscitées par l’islam radical?

3. L’image de la Suisse à l’étranger est-elle dangereusement écornée?

4. Faut-il revoter?

Les conseillers nationaux

Viola Amherd, PDC

1. Non. Par contre, il y a longtemps que le dialogue sur l’influence des cultures étrangères est devenu une nécessité. Le choc que nous avons subi avec cette votation a valeur de soupape de sécurité comparé aux batailles de rue de la jeunesse algérienne, aux affrontements avec la police dans les banlieues parisiennes, aux problèmes des citoyens turcs en Allemagne ou à la chasse aux Roms en Italie. Ce oui à l’initiative antiminaret est un avertissement.

2. L’extrémisme doit être combattu sous toutes ses formes, avec rigueur.

3. Il faut montrer que nous sommes à même de gérer la situation de façon responsable. Les membres de la communauté musulmane ont le devoir de prouver par leurs actes que la burqa, l’excision, la soumission des femmes ou les dispenses des cours de natation ne font pas partie d’un islam ouvert compatible avec les valeurs suisses. Ils doivent faire connaître leur religion. De leur côté, les Suisses doivent reconnaître ces efforts. Si l’on parvient à ce résultat, l’image de la Suisse redeviendra positive.

4. Non.

Maurice Chevrier, PDC

1.Oui, sans doute. Dès l'instant où le peuple ne répond pas à la question qui lui est posée mais laisse parler ses émotions, ses craintes, ses frustrations, peut-être ses fantasmes, la démocratie directe atteint ses limites.

2.Susciter, redonner confiance aux Suisses. D'abord confiance en euxmêmes, ensuite confiance en l'avenir, aux institutions, aux autorités, à l'autre… Collaborer avec les pays occidentaux pour combattre les mouvements islamiques intégristes; La Suisse seule paraît bien démunie. Enfin éviter les amalgames; en tout musulman ne sommeille pas un terroriste.

3.Ecornée, oui, car ce vote ne correspond pas à la vision qu'a le monde de notre pays. Déployons tous nos efforts pour minimiser les impacts négatifs, apaisons plutôt que d'amplifier les antagonismes en tombant dans la surenchère (burka…).

4.Surtout pas. C'est le meilleur service que l'on rendrait aux initiants et le pire camouflet qu'on infligerait à la Suisse.

Christophe Darbellay, PDC

1.Aucun système politique n'est parfait. Je ne suis pas heureux de ce résultat, mais il faut l'accepter. Désormais notre devoir c'est d'interpréter correctement ce malaise et de résoudre les problèmes auxquels la population est confrontée.

2.Nous devons renforcer notre politique d'intégration, établir des règles claires pour tous et les appliquer. Par exemple il n'est pas admissible de dispenser une élève d'un cours de natation pour des raisons religieuses. Il n'y a pas de «charia» au-dessus des lois suisses, celles-ci sont valables pour tous. Il faut exiger des imams une formation. Un imam qui n'est pas intégré, ne parle pas une langue nationale ou qui prêche la haine contre l'Occident doit être renvoyé.

3.Le résultat de dimanche n'est pas facile à gérer à l'étranger, où les réactions sont fortes et souvent très partagées. J'espère qu'il n'y aura pas trop de conséquences négatives sur les plans économique et de l'image. Le Conseil fédéral doit y veiller.

4.Non. Nous devons faire nos devoirs pour garantir: une bonne intégration, la paix, le dialogue interreligieux et la sécurité de la Suisse.

Oskar Freysinger, UDC

1. Non, au contraire. Elle est vivante et en bonne santé.

2. Quelles peurs? Le peuple a fait preuve de bon sens et a simplement émis un message clair à l'islam politique: La religion en tant que pratique et conviction personnelle, oui, la religion en tant que vecteur d'une emprise politico-juridique, non. Si les musulmans ont compris ce message, tout se passera bien.

3. Au contraire. La détermination du peuple suisse force le respect de beaucoup de monde. Ça remet les choses en place après «l'aplavantrisme » de Merz à Tripoli.

4. Ce serait le pire mépris que l'on puisse exprimer à l'égard du souverain et ce serait la fin de la démocratie suisse. Le peuple s'est prononcé et le peuple a toujours raison. On accepte et on assume. Point.

Jean-René Germanier, PLR

1.Le Parlement a largement refusé cette initiative discriminatoire et contraire à notre Constitution. Par contre, le peuple n’avait pas d’autre occasion de voter pour exprimer sa préoccupation face à l’extrémisme. Je pense que ce succès est aussi dû aux votants qui voulaient soutenir le principe d’un Etat laïc.

2.La nouvelle loi sur les étrangers et la libre circulation des personnes que nous avons soutenue favorisent une immigration de source européenne, plus proche de notre culture. Mon parti a déposé une initiative «Non aux abus de l’hospitalité» qui propose des mesures concrètes pour surveiller et expulser les extrémistes et prédicateurs de haine. Mais l’immense majorité des musulmans de Suisse ne cause aucun problème et est bien intégrée à notre vie active.

3.Oui clairement, cette initiative nuit à notre image car elle est contraire au droit international. Ce n’est pas bon pour l’économie d’exportation et l’emploi.

4.Non. Il faut respecter la décision du peuple. De plus l’interdiction de construction de minarets n’a pas d’incidence puisqu’il n’y a qu’une seule demande à ce jour. Revoter, c’est rallumer l’incendie.

Stéphane Rossini, PS

1.La complexification des sujets concerne tous les élus. Normal donc que la population soit confrontée à la difficulté de les maîtriser tous. Ce résultat interpelle, car la démocratie directe a des limites. Le peuple est souverain, mais n’a pas toujours raison. Pourquoi aurait-il davantage raison que les élu-e-s? A l’Etat d’investir dans la formation du citoyen. Au citoyen de dépasser la défense de «ses» intérêts. La démocratie suppose une quête d’intelligence, une capacité de distinguer la réalité des mensonges. Quand on décide, on doit le faire en connaissance de cause et au nom de l’intérêt général. Cela vaut aussi pour le peuple.

2.Former, cultiver les échanges et la compréhension mutuelle. Les autorités doivent initier des processus de formation à la multiculturalité pour tous les enseignants et organiser des cours ad hoc dans tout le pays et pour tous les degrés et types de formation.

3.Ce risque existe et ne doit pas être sous-estimé.

4.Non. Même s’il s’est trompé, le peuple est souverain.

Roberto Schmidt, PDC

1.Bien au contraire. Nous devrions être fiers que le peuple puisse exprimer dans l’urne sa méfiance, son sentiment d’insécurité et ses angoisses. C’est quelque chose qui peut renforcer la démocratie directe.

2. Il faut ouvrir le dialogue avec toutes les religions et toutes les cultures étrangères. Celles-ci doivent cependant s’adapter à nos valeurs, et non pas l’inverse.

3. Il est certain que la votation a écorné l’image «officielle» de la Suisse. Mais nos politiciens doivent cesser de s’excuser pour une décision populaire démocratique. A l’étranger, des scrutins similaires déboucheraient probablement sur le même résultat.

4.Non, il n’y a aucune raison de revoter. Il faut respecter la décision prise par le peuple, que cela nous plaise ou non. Gardons notre sang-froid et attendons de connaître la position de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Les Conseillers aux Etats

Jean-René Fournier, PDC

1. Non, sa maturité. La démocratie directe a manifesté sa raison d’être en interpellant les élus. La vraie question n’est pas celle de la légitimité du peuple, mais de l’incapacité des élus à saisir ses vraies préoccupations.

2.Ce n’est pas le droit pour les musulmans de prier qui a été mis en cause par ce vote (ce qui aurait été inadmissible et contraire au droit international) mais le symbole qui affirme la suprématie de l’islam sur toutes les autres religions, ce qui n’est pas acceptable. Ce vote permet aussi d’interpeller les musulmans modérés ou pragmatiques afin qu’ils se prononcent clairement contre la mise à feu des églises en Irak, avec des femmes et des enfants à l’intérieur, contre la lapidation des femmes adultères en Iran, contre la main tranchée d’un voleur en Arabie saoudite, contre le scandale de la prise d’otage des Suisses en Libye. Actuellement, le peuple se demande si le silence des modérés ne donne pas raison à la force des extrémistes.

3.Au contraire, la Suisse a libéré la parole des citoyens européens. C’est une magnifique contribution à la démocratie européenne.

4.Bien sûr que non! Par contre, si la pratique de la foi musulmane avait été remise en cause, oui, demain.

René Imoberdorf, PDC

1.A mon avis, la votation sur les minarets était problématique car la constitutionnalité du texte n’a jamais été complètement démontrée. A l’avenir, il faudra mieux examiner ce type de question avant la votation. J’estime néanmoins que la démocratie directe n’a pas atteint ses limites car le peuple a souvent montré qu’il était capable de faire la part des choses.

2.On ne peut lutter efficacement contre l’islam radical qu’avec des mesures de sécurité prises sur le plan national. Il faut cependant savoir que les craintes suscitées par les extrémistes se sont révélées jusqu’ici infondées.

3.L’image de la Suisse a été profondément ébranlée dans divers pays, et pas seulement dans les pays arabes. Avant la votation, la Suisse était perçue comme un pays ouvert et tolérant.

4.Je suis opposé à une nouvelle votation sur cette thématique. Le peuple a pris une décision claire. Il ne comprendrait pas que l’on procède à un deuxième scrutin.

Imams mal surveillés

Alors que la presse alémanique révèle la situation dans les mosquées, Isabelle Moret demande que les services secrets aient plus de moyens pour surveiller les prêches des imams. Un article de Fabian Muhieddine dans le Matin.

Isabelle Moret - La conseillère nationale (PLR/VD) accuse l’UDC et la gauche de bloquer un article de loi donnant plus de moyens aux services secrets helvétiques. Image © Laurent Crottet

«Nous n’avons pas les moyens de surveiller les imams en Suisse.» A quelque deux semaines du vote antiminarets, c’est le cruel constat que dresse Isabelle Moret, vice-présidente du PLR suisse. Hier, elle a convaincu son groupe parlementaire de déposer une interpellation qui demande au Conseil fédéral de pallier la situation le plus rapidement possible.
Et ce n’est pas un hasard si la conseillère nationale vaudoise s’est saisie du dossier. En tant que membre de la délégation des commissions de gestion qui surveille les services secrets suisses, elle a eu accès avant tout le monde aux conclusions du rapport commandé par le Conseil fédéral sur les prêches des imams.

Lire la suite dans le Matin

Un minaret pour protester

BUSSIGNY La commune de l’Ouest lausannois n’a pas de mosquée mais elle a son minaret. Dans la zone industrielle de l’Arc-en-ciel, à la hauteur de l’échangeur autoroutier d’Ecublens, Guillaume Morand en a construit un sur le toit du bâtiment qu’il possède, en réaction aux dernières votations. «L’idée est d’apporter un message de paix et de tolérance aux musulmans de Suisse et du monde entier, explique le patron du magasin Pomp it up. Il faut démontrer que les Suisses ne sont pas tous racistes.» En carton, bois et PVC, le minaret devrait être démonté prochainement.

Mais l’initiative a fait tache d’huile sur la Toile, le minaret sauvage de Bussigny est évoqué jusque sur le site Rue89. De son côté, l’UDC-Vaud a fait savoir, via un communiqué de presse, qu’elle «n’entend pas réagir à cette action, qui s’inscrit dans une pensée plus globale de rejet du vote pourtant très clair de la population de notre pays».

Une brève de 24 Heures

Lire également l’article du Matin sur le même sujet

Le Conseil des Etats change de stratégie

Les sénateurs tirent la leçon du vote sur les minarets. Ils envisagent d'opposer un contre-projet direct à l'initiative UDC sur le renvoi, ou de l'invalider. Un article de Christiane Imsand dans le Nouvelliste.

Robert Cramer (Verts, GE), à gauche, et Hansheiri Inderkum (PDC/UR),  président de la commission des institutions politiques, veulent que l'on se repenche sur la recevabilité de l'initiative UDC et étudie la possibilité de lui opposer un contre-projet direct. KEYSTONE

Les démocrates du centre ont eu beau tempêter, ils se sont retrouvés totalement isolés. Le Conseil des Etats a décidé hier par 30 voix contre 6 de reporter le débat sur l'initiative de l'UDC pour le renvoi des étrangers criminels. Le but est de donner le temps à la commission des institutions politiques de se repencher sur la recevabilité de cette initiative et d'étudier la possibilité de lui opposer un contre-projet direct (de niveau constitutionnel) au lieu du contre-projet indirect (de niveau législatif) proposé par le Conseil fédéral.

Mieux vaut prévenir...

Le vote sur les minarets est à l'origine de ce renvoi en commission. Depuis la surprise du 29 novembre, les sénateurs se sont rendu compte qu'il valait mieux s'inquiéter des conséquences d'une initiative avant la votation, plutôt qu'après. «C'est une manoeuvre dilatoire, s'indigne l'UDC argovien Maximilian Reimann. Vous avez peur de cette initiative et vous voulez faire en sorte que la votation populaire ait lieu après les élections fédérales de 2011.»

Réponse du président de la commission Hansheiri Inderkum (PDC/UR): «L'initiative sur les minarets a suscité des réactions vives et émotionnelles qui posent des questions nouvelles. Ce réexamen ne prendra pas des années. Le débat en plénum aura lieu lors de la session de mars.»

Contre-projet direct

La situation a ceci de particulier que la commission avait terminé ses travaux. Elle avait abouti à la conclusion que l'initiative était recevable mais qu'elle était excessive et qu'il fallait la rejeter au profit du contre-projet indirect du Conseil fédéral. Cette stratégie est désormais jugée insuffisante. Plusieurs libéraux radicaux ont défendu hier l'idée d'un contre-projet direct qui présente l'avantage de pouvoir offrir une alternative claire au moment de la votation populaire. «Après les initiatives sur les minarets, sur l'internement à vie des criminels dangereux et sur l'imprescriptibilité des crimes pédophiles, nous avons eu notre content d'initiatives qui posent des problèmes de mise en oeuvre, souligne l'Argovienne Christine Egerszegi. On trompe le peuple en ne le confrontant pas d'emblée avec ces difficultés.»

Invalider l'initiative

Il sera néanmoins difficile de trouver un consensus sur le texte d'un contre-projet. Le PDC et le PLR pourraient éventuellement se mettre d'accord, mais on voit mal la gauche avaliser un texte qui durcirait la pratique actuelle du renvoi des délinquants étrangers. C'est bien pourquoi la gauche rose-verte, ainsi qu'une partie du PDC, est plutôt favorable à une invalidation de l'initiative. Ils ont été nombreux à souligner que celle-ci ne respecte pas le principe de non-refoulement qui interdit le renvoi d'une personne dans un pays où sa vie serait menacée. «Nous avons reçu une lettre de mise en garde du Haut commissariat aux réfugiés», indique le Vert genevois Robert Cramer.

Pour la démocrate-chrétienne jurassienne Anne Seydoux, «la démocratie implique le respect des droits de l'homme. Le Parlement doit avoir le courage de modifier la pratique libérale qui prévalait jusqu'ici.» A ce jour, l'initiative des Démocrates suisses «pour une politique d'asile raisonnable» est la seule à avoir été invalidée pour manque de conformité avec le droit international. Cette décision remonte à 1996.

L'UDC a publié hier soir un communiqué indigné. Elle dénonce un mépris du processus de décision démocratique qui témoigne «d'une inquiétante indigence intellectuelle et morale».

France: non à l’accord de réadmission avec le Kosovo - Collectif

Le 2 décembre dernier, le ministre français de l’Immigration, Eric Besson, et le ministre de l’Intérieur du Kosovo, Zenun Pajaziti, ont annoncé la signature d’un « accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier » entre les deux pays. Avec la signature de cet accord, la France allonge la liste des pays qui profitent du besoin de soutien des autorités kosovares pour dissuader les personnes originaires du Kosovo de demander l’asile.

Cette perspective est particulièrement inquiétante. En effet, le Kosovo est loin d’avoir fait ses preuves concernant le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme, comme en témoignent de nombreux observateurs. C’est ce qu’on peut retenir du dernier rapport de la Commission européenne, qui juge que les conditions de vie des communautés les plus vulnérables ne se sont pas améliorées, notamment celle des Roms et groupes apparentés qui restent fortement marginalisés.

Lire la suite de cet article sur BELLACIAO

Arrêt sur minaret !

Quelle histoire que ces minarets interdits ! Quilles lancées à toute volée par le peuple suisse, ils cassent nos vitres et tombent, chez nous, au beau milieu du sermon de l'identité nationale. Mais nos caciques se mettent le minaret dans l'oeil quand ils vitupèrent les vilains Suisses alors que des ouailles bien françaises, si d'aventure on les consultait, rueraient de même dans les brancards... D'une ruade démocratique. Et, comme le « non » à l'Europe, du coup de gueule d'une majorité... silencieuse. Un avertissement sans frais pour nos guides et nos doctes ! Un article de Claude Imbert, dans la rubrique Débats du Point.

En Suisse, un référendum d'initiative populaire aura suffi pour exhumer le pot aux roses : cette peur rampante et instinctive d'un islam conquérant. Que cette peur soit mauvaise conseillère, sans doute ! Que la Suisse, en ses tréfonds, ne soit point menacée par une population musulmane très minoritaire et paisible, c'est sûr ! Que le prétexte bancal d'improbables minarets ne mérite pas un tel défouloir, soit ! On n'en perçoit que mieux la force d'un courant populaire et souterrain mais vivace sur Internet, dans les cafés du commerce et, dans nos foyers, entre poire et fromage. Il érige peu à peu l'islam en idéologie totalitaire menaçant les fondements démocratiques de l'Occident. De quoi mettre le feu au lac...

A lire dans Le Point