mercredi 5 juillet 2006

La schizophrénie de la droite

Voici l'édito de Vincent Bourquin en première page de 24heures:
Officiellement, les radicaux et les démocrates chrétiens soutiennent très largement les révisions des lois sur l'asile et les étrangers. Toutefois, cette large adhésion ne cache pas le véritable malaise qui règne au sein des deux formations. Très vite, elles avaient ainsi voulu prendre leurs distances avec l'UDC. Oui, elles approuvaient ces deux textes, mais leurs visions de la migration n'étaient pas du tout comparables. Les démocrates du centre rêvaient d'un large comité bourgeois, mais les deux «cousins» préféraient faire cavalier seul. Une prise de distance de courte durée: les trois présidents ont en effet lancé ensemble la campagne de la droite pour le double oui. Certes, le patron de l'UDC, Ueli Maurer, s'est montré plus modéré que d'habitude. Tout comme Christoph Blocher la semaine dernière qui, très sérieusement, avait affirmé que ces nouvelles lois renforceraient la tradition humanitaire de la Suisse.

Le malaise est aussi perceptible parmi les politiciens romands de ces deux formations. Personne ne se presse au portillon pour mener campagne. Hormis les Valaisans. Chez les radicaux, Léonard Bender sera en effet co-président du comité ad hoc, alors que chez les démocrates chrétiens, ce rôle sera rempli par Jean-René Fournier et Simon Epiney.

Mais pourquoi assiste-t-on à de telles gesticulations? Radicaux et PDC sont conscients que ces textes vont plus loin que l'initiative de l'UDC qu'ils avaient combattue en 2002. D'un autre côté, ils ne veulent surtout pas laisser le champ libre aux démocrates du centre à une année des élections fédérales. Et si leurs contradictions se transformaient en boomerang?

M. Mermoud a peu fait pour Bex�

Lire l'article de Yan Pauchard dans le Matin
Après l'émeute de Bex, les socialistes reprochent au conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud de ne pas en faire assez pour lutter contre les délinquants


Le ton monte sur le front de l'asile. Les socialistes ont attaqué hier le conseiller d'Etat UDC Jean-Claude Mermoud sur l'affaire de l'émeute à Bex. Le 26 juin, une vingtaine d'Africains ont saccagé un bar pour venger un des leurs, un dealer guinéen notoire. «Jean-Claude Mermoud a peu fait pour Bex», lance Josiane Aubert, la présidente du Parti socialiste vaudois, qui a déposé une interpellation devant le Grand Conseil. Un texte qui vise également le libéral Charles-Louis Rochat, chef du Département de la sécurité.

«Depuis des années, les autorités de Bex réclament des mesures pour que les trafiquants ne se considèrent plus dans la commune comme dans une zone de non-droit, s'offusque Josiane Aubert. Les autorités cantonales ne prennent délibérément pas la mesure du problème.»

Les socialistes sont aussi en colère suite aux propos tenus par Jean-Claude Mermoud dans «Le Matin dimanche». Il y expliquait que les nouvelles lois sur l'asile et les étrangers, en votation le 24 septembre, offriraient des solutions face aux délinquants. «C'est tout simplement faux, tranche Josiane Aubert. Les outils existent déjà, mais ne sont pas utilisés.» Un «attentisme» qui ravive les tensions racistes autour des requérants d'asile.

La socialiste s'interroge: «Pourquoi le dealer en question (réd. celui de l'émeute de Bex) n'a pas été placé sous mesures de contraintes à sa sortie de prison? La loi permet une détention administrative de neuf mois.» Elle reproche aussi au Canton de n'avoir pas fait de démarches pour demander un laisser-passer pour le Sénégal et le Nigeria, deux pays qui acceptent occasionnellement d'autres ressortissants africains sans-papier.

Josiane Aubert conclut en opposant cette situation au sort de plusieurs requérants d'asile honnêtes, pères de famille avec un emploi, qui, eux, se sont retrouvés placés en détention administrative.

Asile, étrangers: l'unité de façade des partis bourgeois pour le double oui

Lire l'article de Valérie de Graffenried dans le Temps (article payant)
Les responsables du PDC, du PRD et de l'UDC ont donné mardi une conférence commune en faveur des deux lois, mais les partis mèneront campagne séparément.
Extrait:
Mais il y a une autre explication à la conférence commune: la droite va devoir compter sur une opposition structurée parmi les siens. Le camp des opposants ne se limite plus aux seuls PS, Verts et œuvres d'entraide: des personnalités de droite et des sections cantonales romandes du PRD et du PDC prônent aussi le non aux lois...
Mardi, une figure du camp bourgeois manquait: le président du Parti libéral. Et pour cause: Claude Ruey s'oppose aux deux lois et est en train de monter un comité bourgeois contre les révisions. Ceci alors que son parti a décidé samedi de prôner le double oui. Mais avec beaucoup d'hésitation.

Le PDC, le PRD et l'UDC recommandent le 'oui' lors d'une conférence de presse commune

LIre la dépêche de l'ATS
Lire le dossier de Swissinfo ou sur la TSR
Le PDC, le PRD et l'UDC estiment qu'aujourd'hui encore quelque 80% des demandes d'asile sont abusives. C'est pourquoi, lors d'une conférence de presse commune, ils ont recommandé d'accepter la loi révisée sur l'asile et la nouvelle loi sur les étrangers.
Interview de Fulvio Pelli dans l'émission Forum
Interview de Bruno Frick, président du PDC

Certains radicaux et démocrates-chrétiens se sentent trahis. Leurs dirigeants avaient en effet affirmé qu'ils ne feraient pas campagne commune avec les démocrates du centre sur l'asile et les étrangers. D'ailleurs, le PDC et le PRD ont même créé leur propre comité afin de défendre des arguments différents de ceux de l'UDC.

Ont-ils retourné leurs vestes? C'est en effet unis que les trois partis, par le biais de leurs présidents respectifs, ont lancé la campagne du double oui. Une conférence de presse qui s'est même tenue dans les locaux du Parti radical suisse. Malgré tout, Fulvio Pelli, le patron des radicaux, affirme que la stratégie n'a pas changé: «Il y aura trois comités car nos motivations sont différentes. Toutefois, comme nous défendons tous le oui, nous voulions faire une présentation commune.» Même discours chez Bruno Frick, président ad intérim du PDC: «Il y a des différences entre nous, mais ces lois sont le plus petit dénominateur commun et elles respectent les valeurs chrétiennes.» Quant à Ueli Maurer, de l'UDC, il est convaincu que si les trois partis font campagne avec leurs propres arguments, les chances de succès seront encore plus grandes.

Une alliance qui fâche

Et c'est vrai qu'hier le PDC, mais surtout le PRD ont tenté de prendre leurs distances avec les démocrates du centre. Fulvio Pelli a ainsi insisté sur le soutien de sa formation à la libre circulation et à l'engagement de la Suisse pour le maintien de la paix: «Nous voulons inscrire la politique migratoire dans un contexte global. Toute vision plus étriquée constituerait une erreur», a insisté le Tessinois. Assis à ses côtés, Ueli Maurer n'a pas tiqué. Quant à Bruno Frick, il a mis en évidence les améliorations prévues dans le domaine de l'intégration. Et d'ajouter: «la tradition humanitaire de la Suisse ne peut être préservée que si les abus sont rigoureusement combattus.» D'ailleurs dans un communiqué commun, les trois formations de droite ont affirmé qu'actuellement 80% des demandes d'asile étaient abusives. Quant à Ueli Maurer, il a déclaré qu'environ 50 millions de personnes quittent chaque année leur pays pour améliorer leurs conditions de vie. Selon lui, la Suisse, comme le font aussi les membres de l'Union européenne, doit réduire son pouvoir d'attraction: «La Suisse n'est pas un pays d'immigration qui peut accueillir des réfugiés économiques, mais la Suisse peut offrir un abri à tous ceux qui sont menacés pour des raisons politiques.»

Malgré le ton plutôt modéré de l'UDC dans ce début de campagne, certains radicaux et démocrates-chrétiens ne cachent pas leur malaise face à cette prise de position commune. Parmi eux le conseiller national radical Yves Guisan: «Je suis choqué. On vend notre âme. cela prouve la décadence du parti, c'est une faute stratégique très grave de se retrouver ainsi aux côtés de l'UDC.» Et le citoyen de Château d'Oex ne croit pas aux comités différenciés: «La campagne sera harmonisée et les moyens financiers seront mis en commun.»

Dans les rangs du PDC, ce rapprochement avec l'UDC ne laisse pas non plus indifférent: «Je suis fâché, je ne comprends pas pourquoi la direction du PDC a décidé de faire campagne avec l'UDC», déclare le démocrate-chrétien genevois Luc Barthassat. Lui aussi opposé à ces deux lois, il pense que ce rapprochement est dû à la peur des responsables démocrates-chrétiens de laisser à l'UDC seule le gain du succès: «Ils savent que ces deux textes vont être acceptés.
Sur le même sujet lire l'édito de Vincent Bourquin