jeudi 16 juillet 2009

L'USS monte au créneau pour défendre les migrants

Les migrants sont les premiers à faire les frais de la récession, tonne l'Union syndicale suisse. Dans le viseur: la limitation des travailleurs immigrés évoquée dernièrement par Serge Gaillard, le chef de la Direction du travail du Secrétariat à l'économie.

Les travailleurs étrangers courent jusqu'à trois fois plus de risques d'être frappés par le chômage ou la pauvreté que leurs collègues suisses, a relevé Guglielmo Bozzolini, président de la Commission des migrations de l'Union syndicale suisse.

Vice-présidente de l'Union syndicale suisse (USS), Vania Alleva ajoute qu'à l'heure actuelle le taux de chômage chez les migrants culmine à 6,6%, contre 3,6% pour l'ensemble de la population en juin.

Pas facile en outre de trouver une place d'apprentissage quand on s'appelle Besim ou Öslem, précise la secrétaire centrale de l'USS. En avril, 72% des jeunes Suisses s'étaient vu attribuer ou promettre une place contre 44% des jeunes immigrés, souligne-t-elle.

L'USS attaque frontalement les mesures de sauvegarde évoquée en mai par Serge Gaillard, chef de la Direction du travail au SECO, qui évoquait la possibilité pour le Conseil fédéral de limiter les travailleurs immigrés en période de chômage important. Selon Vania Alleva, la discussion sur les mesures de sauvegarde est inutile.

Face aux discriminations, l'USS propose de cibler quatre points principaux: sensibiliser l'opinion publique, éliminer les discriminations salariales, abolir la discrimination à l'embauche et améliorer la situation sur le plan légal.

Dans le paquet de mesures proposées par l'USS figure une amélioration de la protection juridique des salariés immigrés. L'USS propose notamment la mise en place de candidatures anonymisées concernant l'accès aux places d'apprentissage.

(ats)

Passeur à Agadez, un job pour migrants reconvertis

Carrefour stratégique sur la route entre l'Afrique noire et le Maghreb, Agadez, au Niger, regorge de passeurs, eux-mêmes Africains expulsés aux portes de l'Europe. Leur reconversion est si rentable que certains en oublient leurs rêves d'Occident. Ils ne font pas pour autant de cadeaux à leurs frères. Reportage de Souleymane Saddi Maazou.

Il fait 45°C. Un vent chaud et sec souffle. Le ciel est voilé par un épais nuage de sable. Située entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb, Agadez, à plus de 1 000 km au nord-est de Niamey, la capitale du Niger, est une ville charnière. Malgré la rébellion armée déclenchée en 2007 dans la région, cette cité d'environ 100 000 habitants n'a rien perdu de son animation habituelle. Petit à petit, la paix revient.

Devenir passeur pour oublier son refoulement

Candidats africains à l'immigration au Maroc en 2005. Photo Andrea Comas/ReutersBon nombre de Nigériens, Ghanéens, Béninois, Guinéens, Nigérians, Togolais et Sénégalais en quête d'Europe transitent par ici. Certains d'entre eux, refoulés de Libye ou d'Algérie, s'installent à Agadez et s'y reconvertissent en passeurs. T. H., un Nigérien de 35 ans, explique :

« Cette activité m'a fait oublier mon rêve de continuer sur l'Europe. Aujourd'hui, je mets en contact mes frères avec des transporteurs. Souvent, je leur fournis des contacts de passeurs pour l'Europe. »

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Une voiture la fauche, le canton l’expulse | 24 heures

Estropiée par une voiture folle, sur un trottoir de Lausanne, au pied de la tour Bel-Air, Mirta Palma, Equatorienne de 53 ans, doit quitter le pays. L’accident l’a démasquée: depuis sept ans, elle vit sans papiers. Un article de Laurent Antonoff dans 24 Heures.

© CHRIS BLASER | Mirta est restée quatorze jours au CHUV, du fait de multiples fractures ouvertes. C’est là qu’elle a reçu la visite de la police, qui n’a pas pu faire autrement que de la dénoncer. 

On dit qu’un malheur n’arrive jamais seul. Trois semaines après l’accident qui l’a estropiée sur un trottoir de Bel-Air à Lausanne (24 heures du 27 juin), Mirta Palma en est intimement persuadée. Clouée sur son lit à la maison, la jambe droite plâtrée, cette Equatorienne de 53 ans tient entre ses mains une lettre jaune reçue ce lundi, des mains même de la police. Elle émane du Service de la population (SPOP).

Le message est explicite: Mirta, sans-papiers arrivée en Suisse en 2002, a jusqu’au 15 septembre pour quitter le pays. «Quand on est clandestin à Lausanne, on vit avec la peur des contrôles. Un renvoi, on le redoute tous les jours. Mais là, quand j’ai reçu ma carte de sortie, je n’arrivais pas à y croire.» Mirta éclate en sanglots. De douleurs encore. De désespoir aussi.

La photo de Mirta, publiée au lendemain de son accident en une des journaux, la cheville tordue et ensanglantée, a touché plus d’un Vaudois. «Je me souviens de tout. De la voiture en panne au bord de la route, de la dépanneuse garée devant elle et du choc terrible que j’ai ressenti dans les jambes. Je me suis retrouvée sur le dos, couchée sous la voiture qui venait de me percuter. J’ai pensé que j’avais perdu mes jambes.» Mirta restera quatorze jours au CHUV à cause de multiples fractures ouvertes. C’est là, dans sa chambre d’hôpital, qu’elle a reçu la visite de la police. «Quand j’ai su que les agents allaient arriver, j’ai paniqué. J’ai téléphoné à des amis pour leur demander si je devais m’enfuir sur-le-champ.» Les policiers lui diront qu’ils ne font que leur travail, mais Mirta est démasquée: elle vit à Lausanne depuis sept ans sans papiers. Elle est dénoncée.

Célibataire, Mirta a laissé ses deux filles de 14 et de 30 ans en Equateur. Professeur en chimie et en biologie, elle vit à Lausanne de ménages et de repas qu’elle confectionne pour la communauté équatorienne, dont elle a présidé l’association de 2007 à 2008.

«Retourner au pays? Non, ce n’est pas mon destin!»
Et si son accident, aussi dramatique soit-il, et la carte de sortie du SPOP étaient un signe du destin pour l’inciter à retourner au pays? «Non. Ce n’est pas mon destin! A mon âge, je ne retrouverai jamais de travail en Equateur. Mes filles ne peuvent pas m’entretenir. C’est le contraire qui se passe. C’est pour cela que je suis venue en Suisse. Le destin? Non. C’est la faute au dépanneur si j’en suis là… Pour ce qui est de la conductrice qui était remorquée, et dont la voiture m’a roulé dessus, je n’ai pas de rancœur, mais ce sont malgré tout ces deux personnes qui m’ont mise dans cet état.»

Sur les conseils de son avocat, Jean-Michel Dolivo, Mirta Palma a déposé hier une plainte pénale pour lésions corporelles graves auprès du juge d’instruction chargé de l’affaire. Elle s’est également portée partie civile.

Et il faudra encore régler les problèmes d’assurances puisque Mirta, comme tous les sans-papiers, n’en bénéficie pas. Qui paiera les 14 jours d’hospitalisation au CHUV? Qui réglera les frais de réadaptation? «Je n’arrive pas à penser à l’avenir. Les policiers ont mon nom et mon adresse. Je ne me vois pas entrer dans la clandestinité dès le 15 septembre. Il y a non seulement cette menace d’expulsion qui pèse sur moi, mais également l’incertitude concernant ma santé. Je suis un être humain, pas un objet que l’on peut jeter hors du pays après un accident. Où est l’humanité dans tout cela?»

«La menace de renvoi de ma cliente est choquante»

JM DolivoC’est Jean-Michel Dolivo, par ailleurs membre du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers, qui est l’avocat de Mirta Palma. Son premier objectif: s’opposer au renvoi de sa cliente et lui décrocher un délai, au moins jusqu’à son complet rétablissement. «La menace de son renvoi est choquante. C’est faire preuve d’une grande inhumanité.» L’autre volet de son action sera de trouver une solution au paiement des frais occasionnés par l’accident. «En tant que sans-papiers, elle n’a bien entendu pas droit à l’assurance perte de gains. Elle n’a plus aucun revenu. Je parle aussi des frais de réadaptation. Une réadaptation qui pourrait être longue. Cela devrait être pris en charge par la responsabilité civile du dépanneur ou de la conductrice de la voiture folle», estime Jean-Michel Dolivo. Pour l’heure, Mirta vit grâce à la solidarité de la communauté équatorienne, notamment. Le centre LAVI (loi sur l’aide aux victimes d’infractions) la soutient également. «Parce qu’elle est avant tout une victime», insiste l’avocat.