samedi 29 mai 2010

La Suisse pâtit toujours du vote sur les minarets

minarets langenthalLes tensions internationales à propos de l’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse semblent s’être apaisées. Mais les experts estiment que, six mois après la votation populaire, l’image de la Suisse à l’étranger s’est détériorée.

Le 29 novembre 2009, les Suisses avaient voté pour une interdiction de construire de nouveaux minarets sur le sol national. Cette décision a soulevé des protestations dans le monde entier, notamment dans les pays musulmans, aux Nations Unies et au Conseil de l’Europe. En revanche, elle avait été saluée par les partis les plus conservateurs de l’échiquier politique européen.
Une fois passée la première vague de protestations au lendemain du vote, cette décision a continué de provoquer des critiques officielles, quoique de manière plus sporadique. Ainsi, en mars dernier, le rapport annuel du Secrétariat d’Etat américain sur les droits de l’homme a cité ce vote comme exemple de discrimination envers les musulmans en Europe.
En mars toujours, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, basé à Genève, a adopté une résolution proposée par l’Organisation de la conférence islamique et qui qualifie cette interdiction de «manifestation d’islamophobie».
Mais il existe également des signes montrant que les tensions ont diminué. Revenu récemment de Syrie et du Liban où il avait participé à des dialogues interreligieux, le secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques suisses, Erwin Tanner, a eu l’impression que ce dossier «appartenait au passé».
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, qui planche actuellement sur six recours contre l’interdiction des minarets, a indiqué n’avoir reçu que deux plaintes en avril, contre 50 par jour à la fin janvier.

Pas de sanctions

Au départ, la Suisse craignait des réactions violentes ou un boycott économique de la part des pays musulmans, comme ce fut le cas en 2006 après l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark. Mais six mois après le vote, force est de constater qu’il n’en est rien.
«Les réactions des organisations et des pays musulmans ont été très virulentes sur la forme, mais, à quelques exceptions près, la plupart du temps modérées sur le fond; il n’y a pas eu d’appel au boycott de la part de gouvernements ou de politiciens», déclare Adrian Sollberger, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères. Selon lui, l’image de la Suisse reste globalement «bonne et stable».
A ce propos, le porte-parole signale un récent sondage réalisé par l’université de St-Gall («Swissness Wordwide 2010»), concluant que l’interdiction des minarets a eu peu d’impact sur les produits et les services suisses. Ce qui est également confirmé par le Secrétariat d’Etat à l’économie. «Nous n’avons pas connaissance de problèmes impliquant des entreprises suisses dans des pays musulmans à cause de ce vote», déclare sa porte-parole Rita Baldegger.

Campagne d’information

Adrian Sollberger est d’avis que les réactions très modérées des pays musulmans s’expliquent par la campagne d’information «active» que la diplomatie suisse a menée avant le vote auprès des responsables politiques, religieux et de la société civile dans les pays musulmans. Le gouvernement suisse a du reste entretenu des contacts intensifs avec les ministres des Affaires étrangères européens et les Etats membres de l’Organisation du conseil islamique.
L’ancien ambassadeur François Nordmann estime que cet exercice semble avoir permis de réduire les tensions. A son avis, la nomination de l’ancien ministre suisse de l’Economie Joseph Deiss à la présidence de la 65e Assemblée générale de l’ONU ainsi que la réélection de la Suisse au Conseil des droits de l’homme démontrent qu’il n’y a pas d’hostilité envers la Suisse.
«Mais il est évident que l’image internationale de la Suisse, qui se présente elle-même comme un modèle en matière de droits humains, a été écornée, tempère François Nordmann. Cela nous a forcés à nous montrer plus modestes.»
Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen, estime également que les tensions ont diminué. Mais cela serait davantage dû au temps qui passe qu’aux efforts diplomatiques.
Mais il y a plus inquiétant, selon Hasni Abidi: le citoyen lambda du monde arabe n’a toujours pas compris les enjeux du vote. «Je reviens d’une tournée dans les Etats du Golfe. Chaque fois que nous parlions de la Suisse, les gens affirmaient ne pas comprendre pourquoi les Suisses avaient voté de cette manière. L’image de la Suisse a pris un sacré coup», affirme le chercheur.

Pionnier

Yves Lador, conseiller en droits de l’homme à Genève, estime que l’impact international de ce vote «pernicieux» a été mesuré durant ces six derniers mois, mais qu’il aurait certainement des répercussions négatives à long terme.
«C’est comme une infection. Elle est présente, elle nous fait mal mais ne nous empêche pas de fonctionner. Cependant, elle pourrait brusquement se développer et nous diminuer fortement.»
Tandis que la Suisse continue à bénéficier du soutien européen, certains pays n’hésiteront pas à brandir l’«atout»» des minarets lors de futures discussions bilatérales, affirme Yves Lador.
Tant Hasni Abidi qu’Yves Lador s’inquiètent de la perception du vote suisse à l’étranger et de la manière dont il influence le débat sur l’islam dans d’autres pays européens.
«Quand vous lisez dans les journaux arabes des articles au sujet des campagnes anti-burqa en Belgique ou en France, tous parlent de la Suisse comme d’un pays pionnier qui a osé quelque chose avant les autres», affirme Hasni Abidi.
Dans toute l’Europe, les débats sur l’islam se multiplient. La France va devenir le deuxième Etat à imposer une interdiction du voile intégral après la Belgique, si le projet de loi est accepté par le Parlement en juillet.
Dans le land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, deux groupes d’extrême droite, largement inspirés de la campagne et des affiches de l’Union démocrate du centre (UDC / droite conservatrice), ont appelé cette semaine à une interdiction des minarets.
Au début du mois, le Parlement du canton d’Argovie a adopté une motion pour l’interdiction de la burqa dans l’espace public. Mardi dernier, la section genevoise de l’UDC a lancé une nouvelle proposition pour interdire la burqa sur le plan cantonal. Un comité constitutionnel va examiner la question l’année prochaine. Elle pourrait ensuite être soumise à votation populaire en automne 2012.
«Nous sommes en train de nous contaminer les uns les autres, affirme Yves Lador. Une interdiction de la burqa à Genève détruirait le tourisme en provenance du Moyen-Orient. Si cela devait arriver, l’impact serait pire que l’interdiction des minarets.»

Simon Bradley, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg et Olivier Pauchard)

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En relation avec le sujet

Martigny: des délinquants comme les autres ou des criminels étrangers ?

L'origine des auteurs de la fusillade de dimanche dernier monopolise l'attention. La police et les médias doivent-ils systématiquement dévoiler la nationalité des auteurs de délits? Un article de Simon Petite dans le Courrier.
Un mort, deux blessés, pour sept coups de feu tirés. Voilà le bilan tragique de la fusillade entre deux groupes – des «ressortissants serbes» d'un côté et des «Portugais du Cap-Vert» de l'autre – le dimanche de Pentecôte en plein centre de Martigny. Pas sûr que l'histoire ferait couler autant d'encre si les acteurs impliqués étaient Suisses. Car le débat sur la criminalité étrangère est brûlant. La semaine prochaine, le parlement se prononcera sur l'initiative de l'Union démocratique du centre (UDC) dite des moutons noirs visant à généraliser l'expulsion des criminels étrangers. L'UDC valaisanne a d'ailleurs aussitôt réclamé la révocation du titre de séjour des personnes impliquées dans la fusillade, tout comme Christophe Darbellay, le président du PDC-Suisse, partisan, lui, d'un contre-projet un peu plus modéré.
«Par transparence»
C'est la police valaisanne qui a immédiatement communiqué les nationalités des protagonistes par «transparence», selon le chef de l'information et de la prévention Jean-Marie Bornet. Les choses ne se seraient pas passées différemment dans un autre canton. Même le chef de la sûreté neuchâteloise Olivier Guéniat, qui conteste vigoureusement tout lien entre la nationalité et la criminalité1, s'est rangé à cette pratique. «Si un communiqué ne mentionne pas la nationalité des auteurs d'un délit, on est assailli de téléphones de journalistes. Si on cachait cette information, les médias finiraient par la découvrir. Autant dire les choses tout de suite», explique-t-il, un brin fataliste.
Sexe, âge et couleur du passeport. «La police, dans le feu de l'action, est condamnée à communiquer sur des éléments factuels», estime M. Guéniat. Même si, selon lui, ce sont l'environnement dans lequel vit un individu, son contexte familial ou ses perspectives d'intégration qui déterminent le passage à l'acte. «C'est la justice qui établira un profil plus complet. Je ne crois pas qu'on puisse mener une réflexion sur la complexité de la criminalité en traitant à chaud d'un fait divers.»
Le fait que la police donne systématiquement la nationalité des auteurs de délits n'oblige pas les médias à en faire autant. Mais depuis dix ans, les mentalités ont beaucoup évolué. Auparavant, la mention de la couleur du passeport constituait l'exception. C'est maintenant devenu la règle.
Médiateur pour les publications d'Edipresse, Daniel Cornu en témoigne: «J'étais personnellement très réticent. Aujourd'hui, je crois qu'il faut évaluer l'intérêt en termes d'information au cas par cas et donner la nationalité de toutes les personnes, et pas seulement celle des étrangers. En revanche, je reste opposé à la mention de l'origine. Un Suisse naturalisé est un Suisse à part entière. Le ramener à ses origines, c'est nier sa naturalisation. Personne ne remet en cause la nationalité des joueurs de l'équipe suisse de football.»
Mentionner la nationalité, mais pas de façon discriminatoire, c'est aussi la doctrine du Conseil suisse de la presse, l'organe chargé du respect des règles déontologiques de la profession. Son président Dominique von Burg estime que «pour les événements de Martigny, il y avait un intérêt public à révéler la nationalité des uns et des autres. Car, qu'on le veuille ou non, la question des criminels étrangers est très présente dans le débat politique. Il vaut mieux dire les choses et les expliquer. Les non-dits sont beaucoup plus insidieux.»
Lecture biaisée
Les avis sont plus critiques du côté des instances de lutte contre le racisme. «Dans la plupart des cas rapportés dans les médias, la mention de la nationalité ne se justifie pas. Elle n'apporte rien en termes d'explication du contexte et ne fait que renforcer les préjugés», analyse Sabine Simkhovitch-Dreyfus. La vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme craint que la mention des origines des auteurs de délits prenne une place de plus en plus importante.
Karl Grünberg, de l'association Acor SOS Racisme, est totalement opposé à la publication de la nationalité. «Elle ne constitue pas une information en soi. Je constate seulement qu'en Suisse la généralisation de cette pratique a renforcé la croyance dans une délinquance à caractère ethnique ou racial.» Le cas de Martigny serait révélateur. «La focalisation sur l'origine des protagonistes fait croire à un conflit entre communautés», affirme le militant. Or aucun élément ne confirme cette version. Et la police valaisanne n'était jamais intervenue pour une bagarre entre «Serbes» et «Portugais du Cap Vert».

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Le chemin de l’information

Le drame de Martigny a été confirmé par un communiqué de la police valaisanne dès le lendemain des événements. Il est d'emblée fait mention de l'origine des acteurs impliqués: d'un côté, «des Portugais du Cap-Vert» et de l'autre «des ressortissants de l'ex-Yougoslavie». Quelques heures plus tard, un second communiqué précise qu'il s'agit de «Serbes» et de «Capverdiens».
Ces éléments ont été repris plus ou moins fidèlement dans tous les médias, y compris dans ces colonnes. Ressortissants des Balkans à lire les uns, Serbes, voire Kosovars, pour les autres. Quant à l'auteur présumé du coup de feu fatal, sa nationalité portugaise a rapidement disparu des comptes rendus et a été remplacée par sa seule origine capverdienne.
Le chef de l'information et de la prévention de la police valaisanne, Jean-Marie Bornet, explique avoir communiqué l'origine capverdienne des ressortissants portugais «parce qu'elle était explicitement mentionnée sur leurs papiers». Pour l'autre groupe, la police s'est contentée de la couleur de leur passeport. Interrogé sur son lit d'hôpital par Le Matin, l'un des deux blessés de nationalité serbe a affirmé faire partie de la minorité albanophone de ce pays. Il dit être arrivé en Suisse à l'âge de six mois.

SPE dans le Courrier

La Cimade dénonce des contrôles à proximité de ses locaux

Le Cimade et l'association Casas ont manifesté hier devant leurs locaux, à Strasbourg, pour dénoncer une "chasse aux sans papiers facile et sans dangers". Les deux associations, qui épaulent les demandeurs d'asile, se plaignent de contrôles d'identité "quasi-quotidiens" menés par la police aux frontières "au niveau de l'arrêt de tram Porte de l'hôpital", donc à deux pas de leur porte.

"Les gens nous sollicitent soit par téléphone, soit par Internet, parce qu'ils ont peur d'être contrôlés", raconte Françoise Poujoulet, déléguée de la Cimade pour les régions Alsace et Lorraine : "Dans ces conditions, on ne peut pas leur apporter le même type d'aide, parce que cela complique les choses pour la transmission des pièces et parce que cela empêche la relation interpersonnelle de confiance de se créer".
Les associations ont écrit en septembre 2009 au préfet du Bas-Rhin pour dénoncer ces "entraves à (leur) travail" et lui demander de donner "les instructions nécessaires pour que ces pratiques cessent". Depuis, elles n'ont pas reçu de réponse.
Ce samedi, à 14h, un autre rassemblement aura lieu place Broglie à l'initiative du Réseau éducation sans frontières, pour protester contre la fin de l'hébergement d'urgence de familles étrangères demandeuses d'asile en attente de réadmission vers la Pologne, leur pays d'entrée dans l'UE. RESF affirme qu'une "centaine de personnes seront mises à la rue à partir du 31 mai".

T.C. sur LibéStrasbourg

Mobilisation autour de la loi anti-clandestins en Arizona

Des milliers de personnes venues de tout les Etats-Unis par bus ont défilé samedi devant le capitole de l'Arizona à Phoenix, pour protester contre une nouvelle loi de lutte contre l'immigration clandestine qui doit entrer en vigueur le 29 juillet dans cet Etat frontalier du Mexique.

Les marcheurs portant des pancartes, des bannières et des drapeaux américains et mexicains ont emplis les huit kilomètres de l'artère centrale de Phoenix. Des dizaines de policiers les encadraient, et des hélicoptères tournaient au-dessus de la foule. Les protestataires ont entonné "si se puede", un équivalent espagnol de "Yes we can", la formule de Barack Obama.

La police n'a pas donné d'estimation du nombre des manifestants, mais il semble que 10 à 20.000 personnes aient bravé la chaleur cuisante. Les organisateurs en attendaient 50.000. Certains se faisaient de l'ombre avec leur pancarte ou des parapluies, et des bénévoles distribuaient de l'eau en bouteille aux marcheurs. Une vingtaine de personnes ont été traitées pour des insolations.

Quelques 300 personnes opposées au texte se sont retrouvées autour du Capitole d'Austin au Texas, et autant devant l'ambassade des Etats-Unis au Mexique, pour réclamer la régularisation des clandestins mexicains travaillant aux Etats-Unis.

Des Américains favorables au projet se sont en revanche prononcés pour des achats de produits en provenance de l'Arizona, suggérant d'aller passer des vacances sur place pour soutenir l'Etat qui résiste aux injonctions du pouvoir central. Ils étaient réunis dans un stade de football à Tempe, et certains comme Gina Loudon de St. Louis se comparaient aux défenseurs de Fort Alamo contre les Mexicains.

Les détracteurs du projet de loi affirment qu'il vise injustement les Hispaniques et pourrait mener à des interpellations motivées par la couleur de peau. Ses partisans affirment que l'Arizona doit agir parce que le gouvernement fédéral ne le fait pas, alors que cela relève de ses prérogatives.

AP dans le Nouvel Obs