dimanche 27 février 2011

Berne peut gérer 1'200 demandes d'asile par mois

La Confédération peut gérer actuellement 1200 demandes de requérants d'asile par mois, pour lesquels elle dispose de places. Ces demandes peuvent être traitées rapidement. Ensuite, les requérants sont répartis sur les cantons, rappelle la vice-directrice de l'Office des migrations (ODM).

Cette infrastructure peut être étendue à 1800 places au maximum, précise Eveline Gugger Bruckdorfer dans une interview au journal dominical "Sonntag". Il sera difficile d'aller au-delà en cas d'afflux plus important de réfugiés en provenance des pays arabes en révolte.

"Nous nécessiterions alors des bâtiments dont nous ne disposons pas actuellement. Mais nous cherchons des solutions. Au final, il appartient aux cantons de développer leurs structures".

En cas d'arrivée très importante de réfugiés, la Suisse serait dans une situation d'urgence absolue: il faudrait alors recourir temporairement à des installations de la protection civile, explique la vice-directrice de l'ODM, qui rappelle que personne ne veut "vendre" publiquement ses réserves trop tôt.

De plus, les installations de la protection civile ne permettent pas d'héberger des familles pendant des mois. Selon Mme Gugger Bruckdorfer, l'expérience montre qu'il faut quatre à cinq semaines avant que les réfugiés n'arrivent en Suisse. "Les autorités impliquées savent que quelque chose les attend. Et elles entendent prendre leurs responsabilités", souligne-t-elle.

Aux frontières

Dans "Le Matin Dimanche", le chef du Corps des gardes-frontière Jürg Noth explique qu'en cas d'afflux massif, il peut s'imaginer une aide de l'armée pour la surveillance aérienne ou une aide logistique. Il est toutefois hors de question de placer des soldats de milice aux frontières.

Un soutien est également possible à travers les organisations partenaires des pays voisins, sur la base des accords policiers et douaniers bilatéraux. Ceci pourrait se faire avec l'Allemagne et la France afin de dégager des moyens pour les régions où il y a un manque de personnel, comme au Tessin, explique Jürg Noth.

ATS

"Le Conseil fédéral a caché les problèmes de Dublin"

L'Union démocratique du centre (UDC) est fâchée contre le Conseil fédéral, accusé d'avoir caché les problèmes d'application des accords de Dublin, signés avec l'UE.

A la suite des déclarations des directeurs cantonaux de justice et police, elle considère que le gouvernement a caché à la population les problèmes d'application des accords de Dublin survenus avec l'Union européenne (UE). Depuis quelques semaines, aucun demandeur d'asile ne peut plus être renvoyé en Grèce et on ne pourra apparemment plus renvoyer de réfugié en Italie, alors que c'est là-bas que leur demande devrait être traitée, a déploré dimanche dans une prise de position Martin Baltisser, le secrétaire général de l'UDC.

Alors que depuis quelques semaines des rumeurs circulaient à Berne, les responsables des cantons ont maintenant confirmé pour la première fois de graves problèmes dans l'application des règles de Dublin, a relevé Martin Baltisser. Or, cela ne fait plaisir à personne que la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et ses fonctionnaires cherchent des lieux d'hébergement en Suisse pour un possible afflux de personnes d'Afrique du Nord et ne parlent plus du respect des accords de Dublin et du renvoi dans d'autres pays.

Le secrétaire général de l'UDC cite les déclarations de la présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, selon laquelle la procédure Dublin avec l'Italie ne fonctionne plus correctement. L'Italie n'accepte de reprendre qu'un petit nombre de personnes et les vols spéciaux sont refusés. L'UDC estime que les accords de Dublin sont donc factuellement inappliqués sur le deuxième axe central d'afflux de demandeurs d'asile en Suisse.

Des problèmes avec l'Italie, selon Mme Keller-Sutter

Le renvoi de requérants d'asile vers l'Italie est problématique, a reconnu Karin Keller-Sutter dans les pages du journal alémanique «SonntagsZeitung». Il ne fonctionne plus correctement déjà aujourd'hui, a ajouté la présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police.

L'Italie n'accepte plus qu'un seul vol régulier par jour, avec un nombre réduit de «cas de Dublin»: cinq personnes si le vol vient de Zurich, quatre si le vol part de Genève, a indiqué Mme Keller- Sutter. Rome n'accepte plus aucun vol spécial, a précisé la conseillère d'Etat saint-galloise.

Si le nombre de réfugiés augmente effectivement, les limites du système de Dublin seront testées, a-t-elle aussi affirmé. Aujourd'hui déjà, il y a des temps d'attente excédant un mois. «Je pars du principe, que la Confédération cherche le dialogue avec l'Italie», a-t-elle conclu.

Dans le cadre du traité de Dublin, les requérants n'ont l'autorisation de déposer une demande d'asile que dans un des pays ayant signé l'accord. Si le requérant demande l'asile dans un autre pays, sa requête n'est pas traitée et le demandeur est renvoyé dans le pays où il a déposé son premier dossier.

ATS et AP relayées par 20minutes

La forteresse Europe face au drame libyen

Le drame libyen révèle la vision largement paradoxale qu'a l'Europe, union politique cimentée par les droits de l'homme, des migrants d'outre-Méditerranée.

Alors que les travailleurs immigrés subsahariens, nombreux dans la Grande Jamahiriya du colonel Kadhafi, figurent, comme tous les étrangers, parmi les cibles de premier plan de la répression sanglante en cours, l'Europe semble d'abord les considérer comme un fardeau, comme de possibles envahisseurs prêts à déferler en masse sur ses côtes.

Certes, il ne serait pas étonnant que les Africains, qui, par milliers, étaient attirés par l'eldorado libyen, cherchent à fuir un pays en proie à une extrême violence. Un pays où, déjà accueillis avec hostilité en temps ordinaire, ils risquent aujourd'hui d'être assimilés, en raison de la couleur de leur peau, aux mercenaires recrutés par le Guide libyen sur tout le continent et qui sont évidemment haïs par la population en rébellion.

Certes, l'Italie a des raisons de s'alarmer d'un possible afflux de migrants sur l'île de Lampedusa - qui fait face à la Libye et à la Tunisie. Rome a d'autant plus de motifs de s'inquiéter que la solidarité de l'Union européenne est loin de lui être acquise.

Faute d'une réelle politique commune en matière d'immigration et d'asile, la charge de l'accueil des migrants continue de revenir aux pays géographiquement exposés. Les pays du nord et de l'est de l'UE n'ont ainsi nulle envie de modifier la convention de Dublin, qui fait du pays de premier contact le seul compétent pour examiner les demandes d'asile.

Mais les menaces d'"invasion" brandies par l'Italie masquent mal un injustifiable message xénophobe adressé par le gouvernement Berlusconi à ses électeurs. Elles traduisent aussi le désarroi de dirigeants italiens face à la possible chute d'un régime - celui de Mouammar Kadhafi - dont ils avaient fait leur premier allié dans la lutte contre l'immigration. Le Guide n'avait-il pas proposé de protéger l'Europe contre des "invasions barbares" moyennant le versement de 5 milliards d'euros par an ?

Il ne faudrait pas que l'Europe, que son histoire fait la gardienne du droit d'asile, oublie cet héritage, alors que brûle un pays situé à ses portes. Il serait tout aussi paradoxal que les craintes de l'Europe lui fassent regretter la chute de régimes totalitaires comme ceux de Ben Ali ou de Kadhafi, sous prétexte que les gouvernements susceptibles de leur succéder pourraient se montrer moins coopératifs pour refouler les migrants.

Le dernier paradoxe de la situation n'est pas le moindre : alors que la démocratie et le développement dans les pays du Sud sont, à juste titre, souvent présentés comme les meilleurs moyens de prévenir l'émigration, l'expérience montre que cet effet n'est obtenu qu'à long terme.

Dans un premier temps, l'irruption de libertés donne des ailes à des hommes et des femmes longtemps entravés. Pour les peuples en quête de souveraineté, l'émigration est le corolaire de la liberté.

Editorial du Monde

Crainte d'afflux de réfugiés en Suisse

Entretien avec Philippe Leuba, chef du département de l'intérieur vaudois, sur la TSR.

TSR

Libye: près de 100'000 personnes ont fui le pays en une semaine

Près de 100.000 personnes ont fui en une semaine la Libye, pays en proie à de violentes émeutes depuis le 15 février, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

Outre des citoyens libyens, de nombreux Tunisiens, Egyptiens, Chinois et autres ressortissants asiatiques comptent parmi les réfugiés qui affluent ces derniers jours aux frontières égyptiennes et tunisiennes fuyant la violence en Libye, apprend-t-on du site Web de l'organisation.

L'UNHCR a en outre rendu hommage aux gouvernements tunisien et égyptien pour "l'esprit humanitaire" qu'ils démontrent et a exhorté la communauté internationale à dépêcher une aide afin d'éviter une catastrophe humanitaire dans la région.

La Libye est le théâtre de violentes manifestations contre le régime de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans. Le leader contesté ne contrôle plus la partie est du pays et les villes tombent une à une aux mains des insurgés. Selon les Nations unies, la répression des soulèvements a fait plus d'un millier de morts et une multitude de blessés. De nombreux pays évacuent par air et par mer leurs citoyens pris au piège des violences. Kadhafi a déclaré mardi à la télévision nationale qu'il n'allait pas quitter son poste et son pays.

RIANovosti

Les cantons craignent un afflux de réfugiés

Alors des milliers de personnes fuient les violences dues aux révoltes qui secouent actuellement l’Afrique du Nord, les cantons helvétiques craignent une vague de réfugiés en provenance de cette région et demandent à la Confédération d'appliquer une politique restrictive.

Les demandes d'asile peuvent déjà être traitées sur l'île italienne de Lampedusa, a déclaré à la SonntagsZeitung la conseillère d'Etat saint-galloise Karin Keller-Sutter, présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police. Celle-ci estime également que les réfugiés "économiques" doivent être logés dans les centres de la Confédération et non attribués aux cantons.

A la Confédération d’agir

On aurait ainsi plus de capacités pour accueillir les "authentiques" réfugiés s'ils devaient venir de Libye en Suisse, a-t-elle expliqué. Pour elle, la Confédération doit donc veiller à ce que l'Italie reprenne les réfugiés venus en Suisse mais déjà enregistrés dans la Péninsule, comme le prévoient les accords de Dublin. Très peu de candidats à l'asile ont été récemment renvoyés en Italie.

Aux Grisons, la conseillère  d'Etat Barbara Janom Steiner a lancé un appel à la Confédération afin qu'elle trouve une solution avec l'UE. Selon elle, les réfugiés d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient doivent voir leurs demandes d'asile traitées déjà aux frontières de l'UE et la Suisse peut apporter son aide.

Moyens supplémentaires attendus

En outre, si des réfugiés pour raisons économiques venaient à être attribués aux cantons, il serait alors très difficile de les renvoyer dans leurs pays, a-t-elle expliqué à la Südostschweiz am Sonntag.

Le Croissant-Rouge et le Haut commissariat aux réfugiés s'alarment de la situation humanitaire aux frontières libyennes.  [Keystone] Le Croissant-Rouge et le Haut commissariat aux réfugiés s'alarment de la situation humanitaire aux frontières libyennes. [Keystone]

Pour sa part, le directeur de Frontex Ilkka Laitinen attend des moyens supplémentaires mis à disposition par la Suisse. Le chef de l'organisation de protection des frontières de l'Union européenne (UE) a expliqué au journal dominical qu'ils seraient engagés dans des opérations aux frontières entre la Grèce et la Turquie, entre la Pologne et l'Ukraine, ainsi qu'entre la Slovaquiie et l'Ukraine.

Ilkka Laitinen estime que moins de 10% des réfugiés arrivés sur l'île de Lampedusa entrent en considération pour une demande d'asile.

Aide suisse aux frontières libyennes

La Suisse a envoyé deux équipes d'intervention humanitaire aux frontières de la Libye, côtés égyptien et tunisien. Avec l'aval des pays concernés, ces experts doivent notamment clarifier les besoins sur le terrain et engager les premières mesures d'urgence, a annoncé le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Une somme d'un demi-million de francs a également été versée au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l'aide médicale d'urgence. "De nombreuses personnes qui ont fui les troubles et les violences en Libye arrivent épuisées en Egypte et en Tunisie et ont besoin de soutien", a expliqué le DFAE. La Suisse va donc apporter sa contribution pour soulager les souffrances de ces personnes.

Les deux équipes d'intervention rapide (EIR) devaient arriver ce week-end sur le terrain. Elles sont composées respectivement de quatre et de deux membres du Corps suisse d'aide humanitaire (CSA). Sur le terrain, les experts vont déterminer les besoins et engager les premières mesures d'urgence en collaboration avec les autorités locales et les organisations partenaires.

Il s'agira également d'examiner les canaux de transport et les structures de distribution pour l'aide humanitaire. "La situation humanitaire en Libye et dans les régions frontalières est précaire, il est toutefois difficile à l'heure actuelle d'en évaluer l'ampleur", a reconnu le DFAE. La Suisse a également dépêché un spécialiste du CSA à Tunis et un autre au Caire afin de renforcer le personnel de ses ambassades.

AP et ATS et TSR

"Un Libyen dans votre salon"

A propos d'un éventuel afflux de réfugiés en provenance de Libye, Ariane Dayer signe l'éditorial du Matin Dimanche.

Déjà, on ergote. On envisage de trier rationnellement, de séparer le requérant politique du réfugié économique. Afin, bien sûr, de refouler le second. C’est la rhétorique défendue cette semaine par le chef de l’Office des migrations, Alard du Bois-Reymond. Il voit remonter le printemps arabe, ça lui donne des envies de nettoyage.

Curieux tout de même comme argumentation. Si les révolutions arabes n’ont pas de conséquences politiques, comment se fait-il que les pays du Nord s’affolent pour rapatrier leurs propres ressortissants? Si le problème est purement économique, pourquoi ne pas avoir injecté de l’argent plus tôt, pour éviter que l’éclatement du marché des matières premières ne sème une telle zizanie?

On voit d’ici les pauvres fonctionnaires qui devront argumenter: «Monsieur le Tunisien, retournez donc reconstruire votre pays qui vient si joliment de se libérer dans les effluves de jasmin. Le dictateur est parti, vous ne risquez plus rien.» Indécent.

Evidemment, l’angélisme n’est pas de mise. Il est refroidi par la réalité individuelle et concrète: pas sûr que nous soyons tous prêts à héberger trois Libyens dans le salon, ni des centaines dans l’abri du village. L’Europe ne pourra pas accueillir tout le monde, elle va devoir se donner des critères et ce sera complexe.
Mais il va falloir faire notre part. Dépasser l’hypocrisie d’avoir pleuré de joie devant le courage de ces révolutions pour s’en laver les mains après. En Suisse, l’UDC réclame déjà l’armée aux frontières, la Lega veut un mur en béton de 4 mètres de haut. En année électorale, le délire inflationnel menace. L’appel au sang-froid est vital.
Il n’y a pas, chez ces hommes qui fuient leur pays, de cas plus ou moins économiques, de définition manichéenne. Quand l’histoire fait un bond aussi énorme que ces dernières semaines, les étiquettes volent en éclats. Ne laissant qu’une certitude: un réfugié est toujours politique.

Les cantons ne veulent pas payer pour les réfugiés

Ces prochaines semaines, la Suisse s’attend à un afflux massif de réfugiés, en particulier en provenance de Libye, où 2,5 millions de Noirs africains étaient jusque-là retenus dans des camps. Réunis jeudi pour élaborer des scénarios de crise, cantons et Confédération débattent déjà âprement de qui va devoir payer quoi.

libye afflux réfugiés

Les quelques milliers de Tunisiens qui sont arrivés en Italie ne sont qu’un début. Car, ces prochaines semaines et prochains mois, des centaines de milliers de réfugiés suivront. Des Noirs africains principalement, jusque-là maintenus dans seize camps par le régime libyen. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ils seraient 1,5 million; 3 millions, selon Muammar Kadhafi. Interrogée hier sur les ondes de la Radio alémanique, la ministre de Justice et Police, Simonetta Sommaruga, avançait pour sa part le chiffre de 2,5 millions de personnes. «Maintenant que les frontières avec la Tunisie et l’Egypte ont été ouvertes, expliquait-elle, beaucoup tenteront de fuir la guerre civile.» Selon Frontex, l’agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, entre 500 000 et 1 million de personnes pourraient finalement poser le pied sur sol européen.

Face à cette urgence humanitaire, les responsables des cantons ne perdent toutefois pas le nord. Réunis jeudi à Berne pour élaborer des scénarios de crise, ils ont tenté de s’assurer qu’ils ne paieraient pas un centime de plus que ce qu’ils devraient. Il faut savoir que c’est la Confédération qui est responsable financièrement des demandeurs d’asile, mais les cantons s’occupent de leur hébergement. Berne leur verse donc une indemnité de quelque 55 francs par personne et par jour.

Seulement voilà, maintenant qu’on demande aux cantons d’anticiper, en prévoyant des capacités d’accueil pour l’avenir, ceux-ci veulent aussi se faire dédommager. «Louer un hôtel vide, pour peut-être s’en servir dans deux ou trois mois, cela coûte cher», explique un représentant cantonal. Voilà pourquoi le comité d’experts chargé d’élaborer une planification concrète «tiendra également compte des aspects financiers», comme le laissait laconiquement entrevoir le communiqué de presse diffusé jeudi par l’Office fédéral des migrations. Outre ces considérations pécuniaires, les experts réunis jeudi ont dessiné trois scénarios.

Scénario 1: statu quo
Cela peut sembler incroyable, mais le premier scénario part sur la base d’un statu quo, c’est-à-dire environ 1300 demandes d’asile par mois. Car les autorités suisses, les cantons en premier, espèrent encore que les règles de Dublin s’appliqueront pleinement. En clair: que le premier pays européen sur lequel ces migrants auront posé le pied se chargera de la procédure d’asile. Mais l’Italie a déjà commencé à faire obstruction, à limiter le nombre de «cas Dublin» qu’elle accepte en retour. Voilà pourquoi, en Suisse, beaucoup espèrent que ces réfugiés n’arrivent même pas jusqu’ici. «Si possible, les arrivants doivent déjà être triés sur place, par exemple à Lampedusa», indique ainsi Karin Keller-Sutter, présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police.

Procédures accélérées
Les deux autres scénarios misent sur une augmentation, l’un à «1800 demandes par mois» et l’autre à «plus de 1800 demandes par mois», sans limite vers le haut. C’est bien ce dernier qui risque de se réaliser.

Afin de pouvoir y faire face, tout le monde semble s’accorder pour accélérer au maximum la procédure d’asile. «Personne ne sait combien il y aura de réfugiés, mais ce qui est certain, a indiqué la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, c’est que les procédures devront être les plus rapides possibles, afin de refouler tout de suite les réfugiés économiques.» Elle-même privilégie une aide sur place, d’abord en Egypte et en Tunisie, où la situation est plus stable: «Il faudra une aide financière de ces pays. Nous pouvons aussi aider dans le processus de démocratisation, dans l’organisation d’élections par exemple.»

La cheffe du Département de justice et police s’attend toutefois à devoir prendre des mesures exceptionnelles, surtout pour les réfugiés libyens ou actuellement réfugiés en Libye, mais venant d’Afrique subsaharienne. «En cas de situation exceptionnelle comme pendant la crise du Kosovo, a-t-elle déclaré, la Suisse a déjà su faire preuve de solidarité.» Le pays avait accueilli 47 000 réfugiés.

Titus Plattner et Pascal Tischhauser dans le Matin Dimanche


Berne craint l'arrivée d'islamistes radicaux

Parmi les milliers de demandeurs d’asile qui pourraient arriver ces prochains mois, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) craint l’arrivée d’islamistes radicaux. Jeudi à Berne, lors de la séance spéciale du comité d’experts «Procédure d’asile et hébergement», un cadre du SRC, spécialisé dans la lutte contre le terrorisme international, s’en est inquiété auprès de ses collègues, indiquent plusieurs personnes présentes à la réunion. L’agent C. D., vingt ans d’expérience avec les groupes islamistes, voulait s’assurer que ses services disposeraient suffisamment tôt des informations d’identité concernant les nouveaux arrivants en provenance d’Afrique du Nord. Le SRC a peur d’être débordé par un trop grand nombre de contrôles à effectuer. Contacté, le porte-parole du SRC n’a pas souhaité commenter nos informations. Sous couvert de l’anonymat, un haut responsable du SRC indique toutefois que «ces vérifications font partie de la procédure standard». Il faut savoir que, jusqu’au bout, les régimes de Moubarak, de Ben Ali ou de Kadhafi ont fermement réprimé les islamistes. Ces dernières semaines, nombre de leurs leaders radicaux sont sortis de prison à la faveur des mouvements de libération. «La question n’est pas de savoir si des islamistes viendront en Suisse, mais comment on fera pour les identifier», s’inquiète le conseiller national UDC et inspecteur de police Yvan Perrin. T. P.


Six questions à Jürg Noth, chef du Corps des gardes-frontière

L’UDC veut que l’armée vienne soutenir le Corps des gardes-frontière. Serait-ce utile?

Un recours à l’armée n’est pas prévu. Même si on réintroduisait des contrôles systématiques à la frontière – comme le permettraient en ultime recours les Accords de Schengen – il faut du personnel spécialement formé. Pour contrôler les migrants ou lutter contre la criminalité transfrontalière, les gardes-frontière sont nécessaires.

Mais, en cas d’afflux massif de réfugiés, il vous faudra de l’aide…
A ce stade, nous n’avons constaté aucun changement en raison des événements en Afrique du Nord. En cas de besoin, le Corps des gardes-frontière peut déjà transférer du personnel d’autres régions vers les zones concernées. Si une vague de migration importante a effectivement lieu, je peux tout au plus m’imaginer une aide de l’armée pour la surveillance aérienne (hélicoptères, drones) ou éventuellement une aide logistique.

Pourrait-il aussi s’agir de miliciens?
Il est hors de question de recourir à des soldats de milice pour la surveillance des frontières. Pour cette tâche, il faut des professionnels formés et expérimentés.

Mais vous êtes déjà aujourd’hui en manque de personnel…
Nos effectifs sont serrés. Sur les 35 postes que nous avons demandés au Conseil fédéral, onze ont été accordés…

Alors que ferez-vous en cas de situation de crise?
Je peux très bien m’imaginer un soutien à travers les organisations partenaires des pays voisins, sur la base des accords policiers et douaniers bilatéraux.

Vous voulez dire que des gardes-frontière étrangers viendraient surveiller les frontières suisses?
L’accord avec l’Allemagne le permettrait, mais ce n’est pas l’idée. Il s’agit d’abord d’intensifier encore la collaboration, en échangeant par exemple des analyses de la situation ou en faisant des patrouilles communes là où c’est possible (avec les Français et les Allemands, ndlr). Cela permettrait de dégager des moyens pour les régions où nous manquerions de personnel, par exemple au Tessin. T. P.

Le Matin Dimanche