mercredi 30 mai 2007

Adem: le syndic menacé par des extrêmistes de droite


L’affaire Adem Salihi dérape. Depuis une semaine, le syndic Didier Lohri est menacé par courrier et téléphone pour ses prises de position et son engagement concernant l’employé communal de Bassins qui doit quitter le territoire suisse d’ici vendredi (24 heures du 25 mai). «Les menaces visent l’honneur et l’intégrité de mon client», précise Me Jacques Barillon, auquel l’élu a confié la défense de ses intérêts.

Les auteurs, restés anonymes, seraient issus d’un groupuscule d’extrême droite. Didier Lohri se réserve le droit de déposer plainte pénale. Souhaitant avant tout que la pression sur la commune diminue, il n’en dira pas plus par la voix de son conseiller juridique.

La victime des intimidations n’est pourtant pas un jusqu’au-boutiste dans cette affaire où l’aspect émotionnel est très grand. Une fois toutes les voies de droit épuisées, le syndic et sa Municipalité s’étaient en effet résignés à préparer le retour au Kosovo de leur employé. Ils réfléchissent même à l’aider financièrement pour qu’il puisse se réintégrer dans sa région natale. Une action à laquelle s’est opposée une frange de la population.

Le climat de ses derniers jours, avec la fin du délai de départ d’Adem Salihi, a en effet suscité des réactions vives, souvent de bonne volonté, mais qui s’éloignaient parfois de la légalité. A l’instar de la volonté de cacher l’employé communal pour lui éviter un retour forcé au Kosovo.

Sans la police

L’idée répandue que la police débarquera vendredi pour expulser manu militari Adem Salihi n’est d’ailleurs pas totalement étrangère à ces dérives. Et pourtant, il n’est pas question d’utiliser la force, pour l’instant du moins. «La contrainte est l’ultima ratio», précise Frédéric Rouyard, délégué à la communication du Département des institutions et des relations extérieures (DIRE). Vendredi, le «chouchou de Bassins» ne sera donc pas inquiété et aura droit à quelques jours pour régler les affaires courantes avant son départ.

Le Service de la population (SPOP) ne prendra des mesures que si Adem Salihi ne montre aucune volonté à quitter le territoire. Ce qui pourrait quand même arriver, puisque le sans-papiers refuse toujours de rentrer dans son pays d’origine, où il dit ne plus rien posséder.

Au début du mois de juin, il recevra une convocation au SPOP pour fixer les modalités de son retour et organiser un plan de vol. Au cas où il devait ne pas se présenter au rendez-vous, le plan de vol lui serait alors imposé. Ce n’est ensuite qu’en dernier lieu, si Adem Salihi n’a pas fait tamponner sa carte de sortie à la douane, que la police pourrait intervenir pour le conduire chez le juge de Paix. Après audition, ce dernier est compétent pour mettre en œuvre les mesures de contrainte (détention administrative, accompagnement policier à l’aéroport…). Une issue que personne ne souhaite.
Un geste d’humanité demandé aux députés

Des membres du comité de soutien à Adem Salihi attendaient hier matin les députés du Grand Conseil sur les marches du Palais de Rumine. Avec eux, un tract demandant aux élus «un geste d’humanité»: «Usez de votre influence et faites respecter la volonté populaire!»

A deux jours de la date de renvoi de l’employé communal de Bassins, les pressions se font toujours plus fortes. Mais au parlement, les élus s’avouent impuissants. Impossible de modifier l’ordre du jour, explique Josiane Aubert, présidente du Parti socialiste vaudois. Et d’ajouter qu’une pétition en faveur d’Adem Salihi a déjà été acceptée par le parlement en début d’année.

«Le Conseil d’Etat a tout en main pour prendre une décision», note Serge Melly. Le député de Crassier, qui soutient l’employé communal de Bassins, estime que le gouvernement vaudois «doit accepter l’exception».

Le comité de soutien a, quant à lui, remis plus de 150 lettres de soutien signées par des habitants de la région au chancelier de l’Etat de Vaud, Vincent Grandjean.

Adem: Un geste d'humanité

Lire l'article dans Le Matin Online - Actu > Suisse -
Le comité de défense d'Adem était hier à Lausanne, espérant susciter la clémence de Jean-Claude Mermoud.

«Un geste d'humanité, s.v.p.» Cet appel au coeur a été distribué hier matin aux députés vaudois devant le Palais de Rumine, à Lausanne. Adem Salihi est «fonctionnaire depuis plus de six ans à la commune de Bassins, a un comportement irréprochable, est financièrement indépendant et parfaitement intégré», souligne le tract.

Reste que tous les recours ont été épuisés. Le requérant kosovar en Suisse depuis douze ans doit quitter le pays... demain! Gilbert Auberson, l'un des quatre défenseurs d'Adem qui a fait le déplacement depuis le village de Bassins (VD), ne veut rien entendre: «On se battra jusqu'à ce qu'il ait des papiers.»

L'action a en tout cas suscité la sympathie de nombreux députés, dont Serge Melly, célèbre pour son soutien en faveur des 523 requérants. «Le renvoi d'Adem serait ridicule, note-t-il. M. Mermoud doit se montrer magnanime. D'autant qu'avec à une telle pression populaire, il ne perdrait pas la face.»

Les défenseurs d'Adem savent que seule une décision du conseiller d'Etat peut sauver leur protégé. Hier matin, ils ont ensuite pris la route du Château pour lui délivrer un carton. «Il contient une centaine de lettres, explique Odile Hausser. Chaque habitant a interpellé à sa manière M. Mermoud. Tous ces messages sont remplis d'émotion.»

Qu'en pense Jean-Claude Mermoud? Rien de nouveau: Adem doit partir. Mais la police ne débarquera pas demain à Bassins pour expulser Adem. Au Département des institutions et des relations extérieures, on rappelle les étapes à venir. «Il recevra une convocation au service de la population. Là seront discutées les conditions de départ et il recevra une date pour un vol de retour. C'est seulement s'il ne se présente pas à l'aéroport qu'il s'expose à des mesures de contraintes.» Or Adem dit et répète qu'il ne partira pas.

«Messieurs Broulis et Mermoud étaient la semaine dernière en Grèce pour la finale de la Ligue des champions, sourit Serge Melly. J'espère que le premier a conseillé au second de jeter l'éponge.»

Passage à l'espace migration

La Suisse compte 1'526'094 étrangers

Lire la dépêche de Bluewin Infos
a Suisse compte toujours plus d'habitants provenant des Etats membres de l'UE et de l'AELE. Leur nombre a augmenté de 2% en un an. En revanche, celui de ressortissants d'Etats tiers a baissé de 1,5% sur la même période.