vendredi 9 septembre 2005

Manifestation de samedi à Lausanne



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Dix heures avec menottes et sans manger



Voici le témoignage de l'abbé Jean-Pierre Barbey (recuilli par Grégoire Nappey de 24heures) sur les conditions dans lequels la société Securitans opère les transferts de requérants déboutés...

Ces derniers jours, les milieux de défense des requérants déboutés ont communiqué plusieurs récits de situations vécues durant l’été. Le moyen pour eux de demander une fois de plus aux autorités de renoncer à leur politique de mesures de contrainte sur le groupe dit des «523» et de régulariser tout le monde. Médiateur Eglise-réfugiés, l’abbé Jean-Pierre Barbey est allé au centre de détention administrative de Frambois (GE) pour entendre de la bouche des intéressés leur version d’un transfert Genève-Bâle et retour: «Le jeudi 18 août, alors que Frambois affiche complet, deux déboutés sont conduits à Bâle. Leur récit est troublant et dégradant. Le voyage a duré de 8 h à 17 h 30, dans un fourgon. Il y a eu plusieurs arrêts. Ils étaient enfermés dans une cabine, menottés, sans nourriture; ils ont dû insister pour avoir à boire et pouvoir aller aux toilettes. Au départ et à l’arrivée, ils ont subi, nus, une fouille corporelle. Le retour de Bâle a duré deux heures de plus, dans les mêmes conditions.» Depuis lundi, l’une de ces personnes et une autre également détenue à Frambois mais n’ayant pas vécu le transfert font la grève de la faim. Par ailleurs, dans un communiqué, le groupe «Non aux expulsions» raconte: «En début de semaine, une tentative d’expulsion a tourné à la bavure. La personne est revenue à Frambois tuméfiée de toutes parts. Elle a témoigné qu’après avoir signifié son refus de monter dans l’avion en posant ses valises, elle a été battue par pas moins de cinq agents de sécurité.» La Coordination Asile a publié encore d’autres récits.

Traitements dégradants lors des expulsions ?



Y a-t-il eu traitement «dégradant» de personnes déboutées soumises aux mesures de contrainte lors d’un voyage sécurisé? Difficile d’obtenir des informations. Pour le canton aussi, visiblement, qui demande un rapport à la société privée chargée de ces déplacements.
Comment sont organisés les transferts de requérants d’asile en détention avant leur renvoi forcé? L’un de ces déplacements s’est-il déroulé dans des conditions «dégradantes», comme l’affirment les défenseurs des déboutés? Dans le méandre des compétences cantonales, privées et fédérales, difficile d’obtenir des informations. Le ministre de la Sécurité, Charles-Louis Rochat, demande un rapport.

Lire l'article de GRÉGOIRE NAPPEY dans 24heures

C’est une polémique supplémentaire dans une crise qui ne les compte plus. Deux requérants d’asile déboutés en détention avant leur renvoi forcé ont-ils subi des conditions de voyage «dégradantes» lors d’un transfert? C’est en tout cas ce qu’affirment les milieux de défense des réfugiés (lire encadré). Dans le climat tendu et passionnel régnant actuellement sur l’asile, quel crédit apporter à ces informations? Car chaque camp ne se prive pas de rendre public, voire d’exploiter, tout élément se présentant à lui et pouvant servir sa cause.
Tenter de comprendre comment se déroulent ces transferts, et en particulier celui incriminé, relève du parcours du combattant. A la police cantonale, le porte-parole Jean-Christophe Sauterel livre une piste: «Nous mandatons la société privée Securitrans pour tous les transferts intercantonaux de détenus, dont les requérants. A ce jour, tout s’est toujours déroulé dans des conditions normales, dans le respect des règles.» En d’autres termes, la police cantonale n’était pas impliquée dans le cas qui nous intéresse et ne peut donc pas réagir sur ce qui s’est passé ce jour-là.
Du côté de Securitas, dont dépend l’entreprise citée, pas le droit d’informer là-dessus, et renvoi au secrétariat bernois de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, qui a mis sur pied cette pratique: «Nous n’avons pas à réagir dans la mesure où aucune plainte n’a été déposée.»
Malaise cantonal face aux propos des pro-asile
C’est le canton qui est chargé de l’exécution des renvois. Le Département des institutions et relations extérieures de Jean-Claude Mermoud pour l’administratif, celui de la sécurité et de l’environnement de Charles-Louis Rochat pour l’aspect policier. Chez le premier, pas d’information. Le second, en revanche, s’est inquiété de l’affaire durant la journée d’hier: «Si l’information transmise est réelle, nous ne pourrons bien entendu pas laisser faire. J’ai donc demandé un rapport à la société en question. Nous comparerons ensuite les deux versions. Et s’il y a un problème, nous prendrons les mesures nécessaires.»
Charles-Louis Rochat a ainsi pris le dossier en main. Une manière aussi d’avouer le malaise cantonal face à ce que les proasile racontent. Car dans les textes régissant les mesures de contrainte, de nombreuses précautions sont prévues en faveur des détenus. Par exemple, pour menotter quelqu’un, il faut de la résistance, de la violence ou une tentative de fuite. Les fouilles sont prévues, mais doivent être «sommaires» et sur un «corps habillé».

Après l’arrestation d’un jeune Géorgien ce week-end à Lausanne, quatre déboutés du groupe des «523» sont actuellement enfermés au centre de détention administrative de Frambois (GE).

Les requérants à la pelle


A Bex le projet de proposer aux requérants de participer à des travaux d'intérêt public se met en place, au même moment l'UDC locale recueille des signatures pour fermer et vendre le centre...

Lire l'article d'Estelle Bressoud dans 24heures


Il est 9 heures passées en ce mardi matin, heure du cassecroûte. Assis dans le pick-up rangé en bordure d’une forêt des Plans-sur-Bex, le Congolais Sylvain Yomakoy et son compagnon de travail de Guinée-Bissau attendent, silencieux, la suite des opérations.
Picorant à l’extérieur en attendant de poursuivre sa mission de déblayage des talus, le petit comité d’employés communaux n’est guère plus bavard. «Ils n’utilisent pas les machines, pour des raisons de sécurité. Ils nettoient derrière», lâche-t-on en parlant des nouvelles recrues de l’équipe.
«Mieux nous intégrer»
Fin de la pause, juste le temps d’interpeller Sylvain Yomakoy. Il grelotte, l’air est frais: «Il y a quelques jours, j’ai travaillé en plaine», dit-il en guise d’explication. A Bex depuis une année, ce jeune homme souriant de 28 ans sait combien «les journées sont longues» dans les couloirs d’un centre où les tensions empêchent, selon lui, la naissance de liens d’amitié. «On a du mal à trouver du travail, on s’ennuie. Au centre, personne ne veut rien faire.» Et d’ajouter: «Cela nous permettra peut-être de nous intégrer. On est un peu mis à l’écart ici.» Au début, il fut «difficile» pour lui de s’adapter au rythme de travail. En nous dévoilant, rigolard, une plaie à la main, il s’avoue encore gauche dans la manipulation des outils.
Bien sûr, cet électricien de formation souhaiterait exercer sa passion et amasser un petit pécule pour réaliser son rêve, «apprendre à conduire». Mais l’argent ne compte pas parmi ses motivations. Pourvu qu’il puisse rompre l’ennui. Et prendre un bol d’air frais, «au calme»: «Une forêt ici ressemble à une forêt d’Afrique: ça ne parle pas...»
Des matins difficiles
Se remettre en selle après une période, parfois longue, d’inactivité ne va pas sans poser problème, selon le pilote du projet, Pascal Rochat. «Des journées qui débutent à 7 heures, c’est un gros choc pour des personnes qui se levaient avant entre 10 heures et midi. Une partie des participants se gèrent très bien — ils doivent se rendre au dépôt communal par leurs propres moyens. Pour d’autres, c’est plus difficile.» Au point que le concept actuel sera réétudié.
En cette matinée, le programme occupe des requérants d’asile à divers endroits de la commune. Dont la serre communale, où s’active un ressortissant africain, une tondeuse à gazon entre les mains. «J’ai eu quelques problèmes, en tant que fille, à donner des instructions», raconte la jeune responsable des lieux, Martine Schneeberger. Elle passera alors par un intermédiaire masculin. Elle sourit: «C’était comique.» Se voir prêter main-forte dans de «petits travaux simples» est appréciable: «On avance un peu plus vite lorsqu’ils sont là. Et on a de la chance. Ils sont tous très gentils et parlent bien le français.»

Interview de Pascal Rochat le responsable cantonal
«Il reste quelques adaptations à faire, mais dans l’ensemble cela se passe bien», se félicite Pascal Rochat, chargé de mettre en œuvre ce concept inédit dans le canton de Vaud. Lancé le 2 août à Bex, il doit durer trois mois. Imaginé par la Fondation vaudoise d’accueil des requérants d’asile (Fareas), il a pour but d’occuper à des travaux d’utilité publique les pensionnaires qui le souhaitent, en échange d’une petite rétribution: 100 francs le premier mois, à raison de vingt heures par semaine, 200 le deuxième, 300 le dernier. Et, accessoirement, contribuer à améliorer les relations avec les autochtones. Jardinage, fauchage: les tâches qu’ils se voient confier sous l’autorité du personnel communal — formé pour l’occasion — relèvent surtout de la manutention.
Image difficile à changer
Sur la quinzaine de participants, tous d’origine africaine, il en reste douze. «Deux sont sortis du programme pour des raisons de motivation», poursuit Pascal Rochat. Le profil de ces volontaires? Motivés, à l’aise avec la langue de Molière et manuels: «Il n’y a pas d’intellectuels. Bex héberge par exemple un juriste, pour qui cette activité ne convenait pas.» Quant à savoir si leurs efforts peuvent émouvoir une population en partie lassée par les péripéties à charge du centre, notre interlocuteur reste lucide: «Il ne faut pas rêver. Il est impossible de changer une image en si peu de temps.» Mais l’espoir demeure: «Dans les équipes de travail, certains ont modifié leur regard sur le requérant d’asile.» Fort de ces bonnes notes, le programme pourrait faire école. «De grosses communes du canton se disent intéressées.» Reste à s’entendre sur le nerf de la guerre. En clair: l’avenir de ce «test grandeur nature», financé aujourd’hui par la fondation et le canton, dépend des opportunités futures de partenariat. «A Bex toutefois, nous ne sommes pas au stade de réfléchir si on le poursuit ou non.»

Amnesty au secours des 175


Ce matin, plusieurs dizaines de courriers partiront à l’attention des gouvernements cantonaux du pays. Amnesty International les appelle à faire pression sur l’Office fédéral des migrations pour régler les conditions de séjour des requérants éthiopiens et érythréens. Sur Vaud, 175 personnes sont concernées.

Voici l'article de Martine Clerc paru dans 24heures

Amnesty International (AI) redonne de la voix dans la crise de l’asile. L’ONG — qui avait participé au groupe de travail mixte ayant abouti à des régularisations — vole au secours des requérants éthiopiens et érythréens déboutés, brandissant son rapport dénonçant de vastes violations des droits humains. Ce matin, AI envoie sa prise de position à tous les gouvernements cantonaux ainsi qu’à leurs offices en charge du dossier. Le courrier a déjà été expédié à l’Office fédéral des migrations (ODM) et à la Commission de recours en matière d’asile.
Arrestations arbitraires, tortures, incarcérations sans procédure judiciaire, le rapport d’AI compte parmi les victimes opposants politiques, journalistes, membres d’ONG ou certains groupes ethniques. «Nous demandons à l’ODM de tenir compte de la situation qui s’est encore aggravée en Ethiopie depuis les élections de juin», explique Denise Graf, coordinatrice à AI pour les réfugiés. Les efforts d’intégration de ces personnes, souvent en Suisse depuis plus de six ans, devraient également être pris en considération. L’ONG dénonce aussi les inégalités de traitement: la situation de ces requérants n’a jamais été considérée sous l’angle de la circulaire Metzler (durée de séjour, intégration, autonomie financière, casier judiciaire vierge), les autorités ayant estimé que ces personnes ne coopéraient pas à leur retour. «Certains ont réellement essayé, en vain, d’obtenir des documents de voyage», dément Denise Graf. Leurs gouvernements — en situation précaire d’après-guerre et désireux de recevoir des devises étrangères — n’émettaient en effet que des laissez-passer au compte-gouttes, rendant les renvois forcés impossibles, en l’absence d’accord de réadmission signé avec la Suisse. AI invite ainsi les offices cantonaux à demander une admission provisoire pour les requérants n’ayant pas pu se procurer un titre de voyage au bout d’un an.
Vers des renvois forcés?
La prise de position d’AI intervient alors que les interdictions de travailler font monter la pression. Depuis le début de l’été, un autre élément fait souffler un vent de panique parmi les Ethiopiens et Erythréens: les renvois forcés ne seraient plus impossibles. Une quinzaine d’Ethiopiens, opposés à leur retour, auraient été reconnus par leur gouvernement, rendant possible leur retour. «Cela peut inciter les personnes à faire les démarches pour bénéficier des programmes d’aide au retour, se réjouit Christophe Boillat, porteparole de l’ODM. Mais nous ne sommes pas à l’aube de renvois massifs.»