mercredi 17 août 2011

«Vol spécial est obscène»

paulo branco Paulo Branco attaque à nouveau le film de Fernand Melgar.

Le producteur portugais et président du jury du 64e Festival de Locarno précise pourquoi, selon lui, Vol spécial est un documentaire fasciste. Interview. Pourquoi considérez-vous Vol spécial comme fasciste?

Ce film suscite en moi révolte et indignation. A partir d’un sujet autour d’une loi abominable, le metteur en scène tourne un documentaire qui donne le beau rôle au «bourreau humanitaire». Jamais il n’y a de contestation ou de révolte. Il y a même une complicité avec ces fonctionnaires, puisque Fernand Melgar assiste à des réunions où est décidée l’expulsion d’un certain nombre d’immigrés. Il s’est servi d’eux en arguant d’une fausse complicité. Ce genre de film déculpabilise les responsables en focalisant sur le système, prenant prétexte que ce sont les citoyens qui font les lois. Cela me rappelle les attitudes collaborationnistes du passé, où les bourreaux ne sont jamais mis en cause directement! Vers sa fin, ce documentaire témoigne de la mort d’un immigré durant un vol spécial sans que le réalisateur ne censure a posteriori les images tournées avant son décès (ndlr: en fait, ce requérant décédé lors de la procédure de renvoi à Kloten n’était pas détenu à Frambois et n’apparaît pas dans le documentaire) . C’est inadmissible et condamnable. C’est pour cela que je parle. Parce que cela ouvre la porte au fascisme ordinaire qui envahit peu à peu nos sociétés.

Vous qui avez fui la dictature de Salazar au Portugal, ne trouvez-vous pas qu’utiliser le terme «fasciste» est hors de propos?

Je ne parle pas de la dictature au Portugal! Il s’agit d’un regard condescendant. Ce n’est pas un hasard si Vol spécial est un projet appuyé par tous les guichets qui existent en Suisse. Avec, en fil conducteur, cette caution légaliste que les gens sont là pour appliquer la loi. Sans jamais se demander si des lois aussi abominables ne devraient pas être mises en cause par les personnes en charge.

Si vous aviez été producteur de ce film…

Jamais de la vie je n’aurais produit un film comme celui-là!

Qu’aurait dû faire Fernand Melgar?

Déjà transmettre les informations qu’il détenait concernant des gens qu’il filmait soi-disant avec autant d’amour. Pour essayer au moins de prendre une position là-dessus. Ce qu’il n’a pas fait. Il n’était intéressé que par le résultat. Et puis, j’aurais aimé savoir comment des bourreaux comme ceux-là rentrent à la maison après la mise à mort et mangent avec leur famille comme si de rien n’était. Comment ils s’accommodent du métier qu’ils font. Ne rentrer que dans l’intimité volée des victimes, c’est facile. C’est même une exploitation qui humanise l’inhumanisable.

Lors de sa projection à Locarno, les 3000 spectateurs ont pourtant ovationné le film.

Mais ils ont applaudi avant même que le film ne débute. Là aussi, l’attitude du metteur en scène est inadmissible. Il a fait ovationner le directeur de l’établissement de Frambois, qu’il avait invité, et qui est sorti de la salle comme un héros avant même la projection. Sans que ce directeur ne nous explique pourquoi il fait ça et pourquoi il continue à le faire!

Donc, vous avez vu ce film avec 3000 collaborationnistes?

J’ai vu 3000 personnes qui ont été trompées. De toute façon, le collaborationnisme a été malheureusement assez majoritaire dans beaucoup de pays. Comme tous les autres pays, la Suisse doit se questionner sur ses lois, pourquoi elles existent et pourquoi les gens les votent. C’est peut-être le portrait peu correct d’un pays qui oublie de se remettre en cause.

Pourquoi avoir attaqué alors que les jurys ne commentent d’habitude que les films récompensés?

La lâcheté est partout. J’aimerais savoir pourquoi ce film a été accepté en compétition à Locarno. J’ai aussi été effrayé que ce film reçoive deux récompenses hors jury officiel. D’abord le Prix œcuménique. Même si, finalement, il suffit de voir l’attitude d’un pape comme Pie XII dans le passé pour comprendre comment le catholicisme est parfois à côté de la plaque. Mais le Prix de la jeunesse m’a montré que ce film ne passait pas inaperçu. Il fallait donc prendre position. D’autres membres du jury pensaient comme moi. Comme je n’ai pas eu le temps de les consulter, j’ai profité de cette conférence de presse pour faire une déclaration à titre personnel. Mais cette position, je le répète, était majoritaire dans le jury.

Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, pense qu’un déficit d’explication sur le fonctionnement de nos institutions explique peut-être votre courroux.

J’analyse une œuvre. Pas des institutions. De cautionner ce film à travers ses institutions, c’est de la lâcheté. Je pense que Frédéric Maire n’a pas vu le film. Il y a une quinzaine d’années, j’ai produit La femme de Rose Hill, d’Alain Tanner, une fiction qui traite exactement du même sujet que Vol spécial . Sans complicité, sans condescendance, avec beaucoup de fermeté. Durant toutes mes présidences de festivals, je n’ai jamais vu un film aussi obscène que Vol spécial . Je n’ai pas d’autre mot pour ça.

Claude Ansermoz dans 24 Heures

waintrop opinion vol spécial

La question des réfugiés, un casse-tête en Afrique centrale

Une page supplémentaire vient de s'ouvrir au chapitre de la gestion des migrations pour le gouvernement de la République du Congo avec la cessation, le 31 juillet dernier, du statut des réfugiés congolais au Gabon. Il réalimente le dossier dans lequel les cas des réfugiés de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda actuellement présents au Congo préoccupent déjà les esprits à Brazzaville.

Au total, 9765 congolais réfugiés et demandeurs d'asile installés au Gabon à partir de l'année 1997 suite au conflit armé dans leur pays, sont appelés à rentrer au bercail, au terme des accords tripartites signés par les gouvernements du Gabon et du Congo et le Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR). Le pays d'accueil ne cesse de rappeler la clause de cessation.  

Mais, deux semaines après le début des opérations de rapatriement, seulement 412 personnes ont accepté de revenir dans leur pays. "Le rapatriement est volontaire. Ceux qui veulent rentrer au pays s'inscrivent sur les listes ouvertes par le HCR sur place au Gabon. Et le HCR organise des convois", a expliqué Daniela Livia Biciu du bureau du HCR à Brazzaville.  

Dans la phase de retour, les rapatriés sont assistés par cette agence onusienne et le gouvernement congolais. En dehors des kits de matériaux remis, les familles candidates au retour reçoivent une aide au rapatriement de 200 dollars américains par adulte et 100 dollars par enfant. Et un plan de contingence arrêté par les autorités congolaises et le HCR préconise des actions spécifiques pour favoriser la réintégration des candidats au retour. Mais, les réfugiés ne semblent pas se précipiter.    

"Nombreux veulent rentrer chez eux, mais ils restent inquiets sur les conditions d'accueil au pays. On n'a pas de maison, pas de travail, et bientôt c'est la rentrée des classes, on s'inquiète pour la scolarité des enfants", confie Philippe Mavoungou Vandou, chef d'une famille de rapatriés arrivés à Brazzaville le 12 août dernier.  

Un cadre sous-régional pour traiter du problème?  

En Afrique centrale où aucune instance ne semble se préoccuper du sujet, la question des migrations ne reste pas pourtant sans importance. Elle empoisonne même, de quelque manière, les relations entre Etats.  

La République du Congo, pour ne parler que de ce pays, abrite actuellement plus de 120.000 ressortissants de la République démocratique du Congo dont la présence dans la partie nord de ce pays pose aussi bien des problèmes humanitaires que sécuritaires. Des campagnes successives de sensibilisation ont été organisées à l'intention des réfugiés par les autorités deux pays et du HCR pour inciter au retour volontaire. Mais, les réfugiés ne manifestent pas la volonté de rentrer chez eux.  

Comme eux, plus de 7 000 Rwandais installés dans les périphéries de Brazzaville à partir de l'année 1996 résistent, depuis la fin de leur statut en 2005, aux appels au retour volontaire. Dans ce même pays, l'on notait également, il y a quelques années, la présence de plus de 3.000 Angolais, et quelques milliers de ressortissants centrafricains.  

Par ailleurs, les médias ne cessent de donner quelques fois l'écho de l'usage de méthodes fortes par certains pays de la sous-région, afin de contraindre au retour des originaires de pays voisins. Mais, le sujet est toujours absent des agendas des organisations sous régionales et même de l'Union africaine.

Afriquinfos