vendredi 20 janvier 2006

Vaud et l'asile , une synthèse de la situation

Jérôme Cachin dans Le Courrier propose une excellente synthèse de la situation:
La rencontre entre le chef du Département fédéral de justice et police Christoph Blocher et la délégation des autorités vaudoises se prépare. Si la date de cette rencontre, consacrée au sort des groupes de requérants déboutés (quelque 400 personnes) n’est pas encore connue, plusieurs propos, plusieurs gestes marquent une certaine détente.
BLOCHER Mercredi soir, le conseiller fédéral, interrogé dans l’émission de la TSR «Infrarouge », confirmait que sa porte était ouverte. Extraits: «Depuis deux ans le canton de Vaud fait une bonne politique d’asile, comme prévue dans les lois fédérales. Monsieur Mermoud fait son travail. (...) On a trouvé une solution pour mille de ces personnes (lorsque Pierre Chiffelle était conseiller d’Etat, ndlr). A présent on a encore 250 personnes. (...) Si [les autorités vaudoises] veulent discuter, on discute de nouveau mais on ne peut pas dire que le canton de Vaud ne renvoie plus. Sinon, ça veut dire qu’il ne veut plus accepter les lois de la Confédération.(...) Si je peux trouver une solution on verra.»
LIBÉRAL Dans le giron vaudois, le chef du groupe libéral au Grand Conseil Philippe Leuba cherche à se profiler, après avoir combattu sans succès le décret Melly mardi. Dans un entretien hier dans
«Le Temps», le libéral a redit qu’il souhaitait faire partie de la délégation des députés. «Ce qui a changé, c’est l’attitude des autorités vaudoises, affirme-t-il. Le Conseil d’Etat a dit clairement que le canton appliquait clairement les lois fédérales. Cela lui donne la crédibilité indispensable pour obtenir de la compréhension de la part des autorités fédérales. Autrement dit, passer l’éponge sur le solde des 523».
MANDAT «Passer l’éponge», mais comment? La question d’un mandat de négociation occupe toutes les discussions. Mardi prochain, le Grand Conseil ne procédera pas au deuxième débat sur le décret Melly. Cette décision du bureau du parlement, répond au souhait exprimé par le Conseil d’Etat avant-hier. Mardi prochain, en revanche, les groupes politiques du parlement se réuniront pour affûter leurs positions en vue de la rencontre à Berne. La direction du Parti socialiste vaudois a déjà affirmé que le mandat devait être identique au contenu du décret Melly: pas de renvoi et statut légal pour l’ensemble des déboutés concernés.
ÉGLISES Par ailleurs, les Eglises protestante et catholique, ainsi que la communauté israélite ont annoncé cinq célébrations oecuméniques «à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance vaudoise» et par «solidarité (...) à l’égard des requérants d’asile déboutés». Ces célébrations
auront lieu simultanément mardi soir à Lausanne, Vevey, Nyon, Yverdon et Payerne.
LIBÉRATION Enfin, le Gouvernement vaudois a permis hier après-midi la libération d’un requérant d’asile algérien invalide. En Suisse depuis 1997, il était détenu au Centre de Frambois depuis plus de trois mois en vue d’être expulsé vers son pays d’origine.

La loi des hommes ça se change

En réponse à l’«Opinion» de François Brélaz intitulée «Asile, sans­­papiers: le retour à l’Etat de droit» ( 24 heures du 13 janvier 2006):: Doris Agazzi écrit dans le Courrier des Lecteurs de 24heures Vous déclarez que la loi des hommes passe avant le droit divin. La loi des hommes, ça se change — différence de taille!
Vous vous référez au droit fédéral. Il pose bel et bien les bases de la gestion supracantonale de ce pays, mais vous oubliez que les lois fédérales sont préparées et votées par des humains. Elles peuvent donc être inadéquats et paradoxalement inhumains. Vous omettez également de mentionner qu’au-dessus des lois fédérales, il y a le peuple avec son droit de veto. Son droit de dire qu’il en a assez des grossières exagérations communiquées à grands frais en période électorale.
La majorité des parlementaires élus il y a quatre ans viennent de durcir les lois qui régissent nos interactions avec les personnes d’autres cultures qui vivent chez nous. Face à ce changement de loi inadéquat, un espoir: une mobilisation citoyenne de tous bords.
Les temps changent et vite, même s’il y a des voix qui disent que les deux référendums n’auraient aucune chance en votation populaire. Soulignons qu’aujourd’hui, les citoyens disposent de nouveaux moyens d’information électroniques, à l’instar du blog internet sur l’asile dans le canton de Vaud (http://cscps-10.blogspot.com).Ne s’y trouvent pourtant que des articles publiés dans un média officiel, une compilation d’informations pour permettre de réfléchir par soi-même. Les quelque 5000 internautes qui l’ont consulté ne diront pas: «Nous ne savions pas!» Je garde l’espoir que nous pourrons dire à nos enfants, plus tard: nous avons su et, indignés, nous avons réagi avec succès!

Christoph Blocher dans Infrarouge



Au cours de cette émission, notre conseiller fédéral le plus souvent cité (en mal) dans ce blog n'a de loin pas parlé que d'asile. Mais ce qu'il a dit est suffisament important:
Vous pouvez visionnez l'émission en cliquant sur ce lien.

Le canton de Genève conteste un transfert de charge supplémentaire

Lire le communiqué officiel

Interview de Christiane Jacquet

Grégoire Nappey dans 24heures pose des questions à la députée popiste:
Christiane Jaquet-Berger, vous présidez le Grand Conseil et donc son Bureau, qui a siégé hier. Pourquoi avoir choisi de reporter le second débat sur le décret Melly?
- Le Bureau, composé de la présidente, des deux vice-présidents, des scrutateurs et de leurs suppléants, souhaite que chaque groupe politique puisse réfléchir tranquillement aux modalités d'une délégation envoyée à Berne. Certes, tout le monde est d'accord sur le principe de la démarche; mais le plus important avant de parler de sa composition est de s'entendre sur le fond, sur ce que l'on veut aller dire à Christoph Blocher.
- Votre parti, le POP, aurait préféré que la deuxième lecture ait lieu le plus vite possible, afin que le décret ne perde pas de son poids politique.
- Oui, je m'oppose à l'avis de l'essentiel de la gauche. Il se trouve qu'il y a une ouverture claire du Conseil d'Etat en faveur d'une nouvelle négociation avec la Confédération: ne la mettons donc pas en danger. Comme présidente du Parlement, je ne peux pas prendre ce risque.
- Il faut donc que le Parlement, avec ses nombreuses tendances, se mette d'accord avant d'essayer de s'entendre avec le gouvernement, qui sera aussi de la délégation.
- Chacun semble désormais s'entendre en faveur d'un traitement politique et non juridique de la crise. En revanche, on ne sait pas très bien ce que l'on va faire. Le tout est de ne pas prendre n'importe quelle décision dans l'urgence. Contrairement à ce que laissait entendre hier le communiqué du Conseil d'Etat, la marche à suivre n'est pas acquise. C'est au Parlement maintenant de donner son avis. Raison pour laquelle j'interprète la démarche du Conseil d'Etat comme une proposition faite au Grand Conseil.

Une route semée d’embûches avant de voir Christoph Blocher


Jean-Michel Jacot-Descombes dans 24heures revient sur la prochaine visite des délégués vaudois avec Christoph Blocher.
Au terme de la séance du Grand Conseil mardi, tout paraissait simple. Une délégation vaudoise, composée de représentants du Conseil d'Etat et de députés, irait à Berne pour défendre la régularisation des requérants d'asile déboutés. Mercredi, le Gouvernement vaudois donnait son accord et le soir même, à la télévision, Christoph Blocher se déclarait prêt à recevoir ce petit monde.

Mais tout n'est pas si simple. Ni sur la forme ni sur le fond. Les discussions s'annoncent serrées avant de savoir comment se concrétisera la rencontre avec le conseiller fédéral réputé apprécier des interlocuteurs bien préparés.

Mardi, les députés ont donc approuvé en première lecture le décret Melly, qui prévoit notamment l'abandon des mesures de contrainte contre les requérants. Mais qui ouvre aussi la voie à une nouvelle négociation avec Berne. Et c'est là qu'apparaît un premier élément de discorde: faut-il aller négocier avant le second débat sur le décret Melly ou après sa probable acceptation? Pour l'heure, on sait déjà que l'objet ne figurera pas à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, selon une décision prise hier par le bureau du Grand Conseil (lire ci-contre).

En revanche, les groupes politiques siégeront en matinée pour se déterminer sur la suite à donner à cette affaire. Deux camps s'opposent déjà. Mardi, la gauche semblait particulièrement favorable à l'option de terminer le décret avant de se rendre à Berne. C'était notamment le cas des popistes. Du côté des socialistes, on semble depuis avoir changé quelque peu son fusil d'épaule, en jugeant «pas inintéressante» l'option de la visite entre les deux débats. Une position affirmée par la droite dès le début, y compris l'UDC.

Autre élément de tension, le mandat confié à la future délégation. «Négocier avec Berne ne signifie pas régulariser tout le monde», estime l'UDC Jean-Pierre Grin. A gauche, on ne l'entend pas de cette oreille. «Il est exclu de pratiquer de nouveau le saucissonnage, note Josiane Aubert, présidente des socialistes vaudois. Nous serons intransigeants.» Sa position est désormais partagée par des députés de droite comme le libéral Philippe Leuba et le radical Michel Mouquin, qui lance: «Au point où on en est, il faut tous les régulariser. Mais sans voter le décret, sous peine de créer un précédent.» Enfin, les députés devront encore se mettre d'accord sur la composition même de la délégation.
«Le plus important maintenant est de s’entendre sur ce que l’on dira à Berne»

Commentaires de Raymond Gremaud

Lire det éditorial du Journal du Jura en ligne
Payante, la politique appliquée résolument par la Suisse en matière d'asile! Pour l'affirmer, l'Office fédéral des migrations (ODM) se fonde sur la statistique 2005 qui montre que les demandes d'asile ont régressé de 29,4% par rapport à 2004. Force est d'admettre que le Conseil fédéral et le Parlement ont de quoi être encouragés dans leurs options puisqu'elles se traduisent par une diminution constante du nombre des demandes d'asile. Leur nombre s'établit en effet à 10 061 en 2005 après avoir atteint près de 27 000 en 2002. La comparaison avec les autres Etats européens est plus encourageante encore. La Suisse enregistre la plus forte régression des demandes d'asile, avec 31,1% en moins pour les onze premiers mois de 2005. A l'inverse, les pays qui n'ont pas actualisé leurs mesures dissuasives ont connu des hausses marquées. Ainsi aux Pays-Bas (+ 38,7%) ou en Belgique (+ 5,7%). Le côté affligeant de ce constat est que l'Etat qui ne se montre pas déterminé en paie illico le prix sous forme d'afflux de requérants. Or la politique des tours de vis a forcément une limite. En attendant, les promoteurs du référendum contre la loi sur l'asile ont de quoi s'inquiéter. Tout montre que le Parlement, qui a clairement accordé son aval à une loi sur l'asile plus raide encore que celle proposée par Christoph Blocher, a de quoi être conforté dans sa politique de durcissement. Déjà, il s'était senti rassuré par le rapport Killias qui prouve que les mesures de contrainte sont efficaces et ont un effet positif sur la délinquance des requérants. Aujourd'hui, la statistique lui indique que la suppression de l'aide sociale pour les personnes frappées de non-entrée en matière, l'accélération de la procédure d'asile et une politique résolue de renvois paraissent d'une redoutable efficacité. La cerise sur le gâteau, c'est que la Berne fédérale peut même se targuer d'être plus généreuse envers les personnes vraiment persécutées ou menacées. Le taux d'octroi de l'asile est en effet passé de 6,7% en 2003 à 13,6% en 2005. Tout corrobore donc le discours de la majorité du Parlement qui prétend ne s'en prendre qu'aux abus. Dans ces conditions, le référendum contre la loi sur l'asile fait craindre le pire: un plébiscite des durcissements déjà près d'éroder notre tradition humanitaire.

Une baisse sensible des demandes d'asile


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