mardi 13 décembre 2005

La famille Beka. de la Serbie à Moudon



Du haut de ses 4 ans, Lindor voulait son premier sapin de Noël. Il a garé toutes ses petites voitures en plastique au pied de l’arbre et se réjouit des Fêtes. «J’espère qu’il tiendra jusqu’au Nouvel-An, sourit faiblement son papa, Fatmir Beka, On l’a fait pour lui faire plaisir, même si je n’ai pas la tête à fêter.» Le temps est plutôt aux mauvaises nouvelles. Son patron, agricul­teur à Bussy, a reçu la lettre du canton demandant le licencie­ment du jeune père au 31 dé­cembre. «Je ne sais pas comment il va faire, il m’a dit qu’il avait besoin de moi en janvier, expli­que l’ouvrier agricole. Je crois qu’il va essayer de me garder.» L’espoir est encore là, même si «toutes les lettres négatives» en­tament peu à peu le moral et l’énergie du requérant, qui en­chaîne depuis deux ans les jour­nées de 6 h à 18 h au sein de l’exploitation agricole. La nuit dernière, sa fille, grippée, a pleuré sans s’arrêter. Mainte­nant, elle ose des sourires dans les bras de sa mère.

Texte MARTINE CLERC, photo Odile Meylan

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Genève se heurte à un mur contre les sans-papiers


Lire l'entretien de Martine Brunschwig avec Didier Estoppey dans le Courrier

La conseillère nationale et ancienne conseillère d'Etat Martine Brunschwig fait le point sur l'impasse rencontrée par son canton dans sa volonté de régler la question des travailleurs sans statut légal.

L'heure de la retraite est loin d'avoir sonné pour Martine Brunschwig Graf. A peine avait-elle remis, lundi 5 décembre, les clés du Département des finances et de la présidence du Conseil d'Etat à ses successeurs qu'elle sautait dans le train pour Berne, où se tient la session d'hiver du Parlement. Parmi un menu chargé: la nouvelle Loi sur l'asile et celle sur les étrangers, dont les durcissements ont largement alimenté la chronique, et que les Chambres doivent adopter en vote final vendredi. Deux lois que la libérale s'apprête à refuser avec l'ensemble de la gauche et une poignée d'élus du centre droite, principalement latins. L'occasion de faire le point avec l'ancienne magistrate qui a mené, pour son canton, des négociations en vue de la régularisation de 5000 travailleurs sans statut légal.

Avec la Loi sur l'asile, les Chambres s'apprêtent à adopter celle sur les étrangers, qui ne laisse pratiquement aucune place aux travailleurs extra-européens. Ça laisse mal augurer de la réponse à la demande genevoise de régularisation...
Martine Brunschwig Graf: Effectivement. La réponse officielle de Berne n'est pas encore tombée, il reste quelques points techniques à régler. Mais il n'y a guère lieu d'être optimiste. J'ai pu constater lors de ces négociations l'absence totale de volonté politique de régler la question des sans-papiers, non seulement à Berne mais aussi dans les autres cantons que nous avons essayé d'approcher. Genève se retrouve totalement seul dans cette négociation. On nous objecte qu'une régularisation créerait un appel d'air, alors qu'il vient de lois inappliquées, ouvrant la porte à tous les abus. Mais on préfère continuer à se voiler la face, alors que la preuve est faite que notre économie a besoin de ces dizaines de milliers de travailleurs non qualifiés qui, même sans statut légal, ont trouvé leur place chez nous. On favorise ainsi des conditions de travail qui vont bien au-delà du dumping salarial... Et on s'interdit toute réflexion à long terme: alors que nous sommes en plein questionnement sur l'avenir de nos assurances sociales, on évacue tout scénario permettant de compenser le vieillissement de la population par une politique migratoire bien pensée.

Les quatre conseillers nationaux libéraux, reprenant les critiques des Eglises et des organisations de défense des droits humains, ont vertement condamné le durcissement de la Loi sur l'asile. Vous refusez le suivisme à l'égard de l'UDC?
–Ce n'est pas une question de stratégie politique, mais de valeurs fondamentales. Malgré les améliorations boiteuses apportées au maintien de l'aide d'urgence pour les requérants déboutés, l'ensemble de cette loi reste scandaleux dans son esprit. Les dispositifs mis en place relèvent de la chasse aux sorcières. Mais la Loi sur les étrangers est pire encore. Non seulement elle ferme les dernières portes à la régularisation des sans-papiers, mais en remettant en question le droit à un permis d'établissement après dix ans de séjour, elle envoie un message désastreux en terme d'intégration. Globalement, on revient à un état d'esprit qui me rappelle les années 70 et les initiatives Schwarzenbach. On se renferme, on voit les abus partout, alors que ces lois n'empêcheront pas l'illégalité de s'installer, bien au contraire. Le pire, c'est que les deux lois s'attaquent à des migrants installés de longue date, qui ne sont pas les moins intégrés... On va se retrouver avec des lois plus dures pour les gens qui ne le méritent pas, et inefficaces pour ceux qui le mériteraient. Alors que les quelques abus qui préoccupent les gens trouveraient une réponse bien mieux adaptée si on négociait des accords de réadmission. Mais c'est plus compliqué que de gesticuler...

Comment expliquez-vous cet alignement du centre droite sur l'UDC?
–L'immigration est le seul thème sur lequel on le constate. Dans ce dossier, les bourgeois alémaniques ne se sont posé aucune question sur le plan des valeurs... Ils sont dans leur majorité convaincus que les Romands font du sentimentalisme. Leur seul souci, c'est de débarrasser la table de la question de l'asile avant les élections de 2007. Mais je crois que c'est un mauvais calcul: l'électeur a toujours préféré l'original à la copie. Il n'y a aucun profit à tirer de ce durcissement pour le centre droite.


Le PDC genevois vient de soutenir le principe d'un double référendum. Votre position?
–Je suis opposée à un référendum. Il n'a aucune chance de l'emporter devant le peuple. La campagne ne fera qu'envenimer encore le débat et fera le lit de l'UDC. I

Loi sur l'asile ficelée


Le Conseil des Etats a mis la dernière main lundi à la nouvelle loi sur l'asile. Les sénateurs ont arrondi les angles sur la question controversée de l'aide d'urgence, mais le projet final porte la griffe de Christoph Blocher. Les débats débouchent sur un projet marqué par un durcissement qui pourrait bien finir devant le peuple, la gauche ayant annoncé un référendum.
Le débat de lundi à la Chambre des cantons a porté sur la question de savoir sous quelles conditions attribuer l'aide d'urgence garantie par la Constitution aux requérants d'asile déboutés. Ils devront au moins coopérer au renvoi. Auparavant, le Conseil des Etats avait choisi de ne leur accorder l'aide d'urgence que s'ils peuvent montrer qu'ils sont dans une situation de détresse...
Lire la dépêche d'AP et celle de l'ATS

Une fenêtre ouverte sur l’asile

Voici la présentation du blog que vous êtes en train de consulter telle que Jacqueline Favez, attachée de presse auprès de l'EERV viens de la publier dans la Newsletter "EERV Flash" de décembre 2005


Vous le savez sans doute, le site Internet de l’EERV est en plein développement. Mais, bien avant que nouveau portail ne soit mis en ligne ̶ il ne va du reste pas tarder à pointer le bout de son nez ̶ une fenêtre spéciale, plus communément appelée «blog» a été élaborée par Daniel Schneider, qui l’anime quotidiennement. Cet ancien chef de projet Internet du CICR a découvert les blogs lors de son passage aux Etats-Unis. Il y était lors des attentats du 11 septembre et il a pu mesurer l’importance de cette nouveauté technologique, véritable vecteur instantané d’informations et d’émotions. «C’est toujours resté dans un coin de mon esprit, explique-t-il. Je me suis dit qu’il y avait là un outil à utiliser en cas de problématique importante.» Et la problématique en question, ce sont les réfugiés et l’affaire dite des «523» qui secoue notre canton depuis plus d’un an.
En 2004, Daniel Schneider, qui réside à Montpreveyres, œuvrait au Centre de requérants d’asile de Ropraz. A la fermeture de ce Centre, il s’est retrouvé avec du temps libre pour du bénévolat. A ce moment, le sujet des «523» a commencé à secouer les médias. Simultanément, l’EERV diffusait son premier communiqué officiel sur le sujet et s’engageait au côté de la Coordination Asile sur ce dossier. Tous les ingrédients étaient dès lors réunis pour le lancement d’un blog.
Intitulé «L’asile dans le canton, au jour le jour... Présence et Solidarité de l’EERV», ce blog fonctionne comme une véritable bibliothèque de tout ce qui s’écrit, se dit et se donne à voir dans les médias romands au sujet des requérants d’asile. On y trouve des articles de presse, des séquences radio et des émissions télé, mais aussi des communiqués, des dépêches d’agences et autres liens sur des sites traitant du même sujet. Il y a également des contributions de toutes parts, émanant des personnes qui oeuvrent directement avec les requérants d’asile.
Outre la mise à jour quotidienne des informations, ce sont aussi les archives qu’on y trouve qui représentent une forte valeur ajoutée. Un véritable service de documentation pour tous ceux qui travaillent ou s’intéressent au sujet de l’asile.
Du reste, les internautes ne s’y trompent pas: ce blog enregistre entre 50 et 100 visites par jour et, début novembre, il a passé le cap des 10'000 visites! A titre comparatif, le blog qui avait été créé pour la campagne de soutien à Florence Aubenas, la journaliste française enlevée en Irak, avait recensé environ 40'000 accès. Le sérieux du travail de fourmi réalisé par Daniel Schneider, qui passe environ une demi-heure par jour pour les recherches plus environ un quart d’heure par document mis en ligne, se voit ainsi récompensé par une belle fréquentation de ce blog sur le dossier de l’asile.