Alard du Bois-Reymond, le patron de l’Office fédéral des migrations, réagit aux critiques. Et admet que du chocolat est parfois offert aux policiers qui reprennent les requérants déboutés.
Le Temps: Est-il exact que la Suisse a, le 18 août, expulsé de force des requérants non sénégalais vers le Sénégal?
Alard du Bois-Reymond: Ce vol a bien eu lieu. Il s’est déroulé sans difficultés majeures. Les cinq Gambiens que nous n’avons pas pu expulser la première fois ont été déposés à Banjul, mais nous n’avons pas renvoyé de non-Sénégalais à Dakar. A Dakar, trois des quatre Sénégalais ont bien essayé de faire croire qu’ils ne venaient pas du pays et ont refusé de descendre de l’avion. Cela se passe souvent comme ça. Or une délégation du Sénégal était venue les identifier en Suisse. Et l’ambassade du Sénégal a délivré des laissez-passer pour ces personnes. Le Sénégal n’est pourtant pas un pays qui reconnaît facilement les requérants déboutés en vue de les accepter. Nous pouvons donc faire confiance aux autorités sénégalaises, qui ont reconfirmé leur décision à l’arrivée des personnes rapatriées.
– Vous démentez donc que des Gambiens et un ressortissant de Guinée-Bissau aient été déposés à Dakar?
– Je vous le répète: ils ont été identifiés comme Sénégalais.
– Selon des témoins, aucun médecin n’était à bord des deux derniers vols spéciaux vers l’Afrique. L’ODM a pourtant promis un encadrement médical depuis la mort du Nigérian en mars…
– Nous l’avons promis et je peux vous assurer qu’un médecin était sur chacun des six vols entrepris depuis cette tragédie. Il n’était simplement pas en habit de médecin et identifiable comme tel. Les requérants ne l’ont donc probablement pas remarqué, mais il était là.
– Pourquoi cacher sa présence aux requérants qui pourraient en avoir besoin? Lors du premier vol, des Gambiens sont restés près de deux jours attachés dans l’avion, ce qui n’était pas sans risque médical…
– Si le médecin avait dû intervenir, il serait intervenu. Les liens ont été un peu déserrés lors du vol de retour.
– Mais pourquoi le médecin était-il incognito à bord de l’avion?
– Il ne l’était pas. Il faisait partie de l’équipe accompagnatrice, tout comme les policiers et un représentant de l’ODM. Tous étaient en civil. Il n’est pas d’usage que les accompagnateurs s’identifient devant les rapatriés avec leur nom et fonction.
– Des témoins affirment que les autorités suisses ont versé 200 francs à des policiers sénégalais pour qu’ils reprennent de force les requérants restés dans l’avion. Admettez-vous recourir à cette pratique?
– Pas du tout! Je vous oppose un non catégorique. Nous ne donnons pas de billets. Les autorités suisses doivent cependant remettre les papiers de voyage des requérants aux autorités de l’aéroport: vos témoins ont dû confondre avec cela.
– Vous assurez ne jamais rien offrir aux policiers pour qu’ils reprennent les déboutés récalcitrants?
– Pas d’argent en tout cas. Mais il peut arriver que nous leur offrons des boîtes ou des tablettes de chocolat. Par politesse.
– Les accords de réadmission sont toujours plus difficiles à signer, surtout avec les pays africains conscients des contreparties qu’ils peuvent exiger. Que promet la Suisse en échange de requérants déboutés?
– Je ne dirais pas que ces accords sont toujours plus difficiles à négocier; par contre toujours plus de requérants nient leurs origines. Lorsque la Gambie a pour la première fois refusé de nous accorder l’autorisation d’atterrir, cela n’avait, j’en suis sûr, rien à voir avec des questions migratoires. Mais comme vous le savez, il y a souvent des imprévus en Afrique. Ces accords sont importants pour les deux parties et nous proposons parfois en échange des programmes de formation de policiers. Ou, comme au Nigeria, un programme de soutien aux personnes déplacées à l’interne.
– Qu’avez-vous offert au Sénégal?
– La collaboration avec le Sénégal en matière de politique migratoire fonctionne très bien depuis des années. Elle se base sur un dialogue qui sert à déterminer les intérêts communs et pas à faire des «marchés». Ainsi, notre office a par exemple offert, à la demande des autorités sénégalaises, de former des inspecteurs sénégalais aux techniques d’identification des personnes et à la détection de faux documents.
– Soyez précis: les Sénégalais ont-ils obtenu quelque chose de plus le18 août? Des détenus de Frambois assurent que des laissez-passer ont été délivrés à des non-Sénégalais…
– Je vous le répète: les autorités sénégalaises ont identifié ces personnes comme ressortissants sénégalais. Aucun argent n’a été versé.
Propos recueillis par Valérie de Graffenried dans le Temps
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