Le président d’EconomieSuisse condamne avec force l’initiative contre l’immigration.
Quand il siégeait au Conseil national, Gerold Bührer appartenait à l’aile économique du Parti libéral-radical. Il nouait régulièrement des alliances avec l’UDC. Mais aujourd’hui, le président d’EconomieSuisse, qui a quitté le National en 2007, critique vertement l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse», car elle s’en prend à la libre circulation des personnes en demandant une nouvelle négociation. Interview.
Les questions liées aux migrations et à la libre circulation posées par l’UDC ne sont-elles pas légitimes?
Bien sûr. En démocratie directe, on ne refuse pas le débat. Mais l’UDC sait parfaitement que ses solutions sont inapplicables. Et que, même si elles devaient l’être, elles seraient négatives pour l’économie et l’emploi. C’est une attitude irresponsable. Ce parti crée et exploite politiquement les peurs au lieu de chercher des solutions aux problèmes qui découlent de l’ouverture.
Près des 40% des entreprises contrôlées ont été épinglées par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) pour sous-enchère salariale. Il y a un problème!
Personne ne le conteste, même si, sur ces 40%, seuls 10% sont des cas graves selon le SECO. De plus, les contrôles sont ciblés sur les branches où les problèmes sont connus. EconomieSuisse et l’Union patronale veulent corriger les défauts du système avec l’amélioration des mesures d’accompagnement. On peut aussi envisager de discuter d’une nouvelle clause de sauvegarde migratoire avec l’Union européenne (UE) en cas d’urgence. Toutefois, remettre en cause le système de la libre circulation serait fatal pour l’économie et l’emploi!
Pourtant, c’est ce que font avec succès le Mouvement citoyens genevois (MCG) ou la Lega dei Ticinesi. Autant de voix pour le texte de l’UDC?
Je sens un malaise même dans mon canton, Schaffhouse. Des secteurs comme la médecine ou la finance sont soumis à une nouvelle concurrence. Mais, tout compte fait, cette concurrence est positive et ne fait pas augmenter le chômage. De plus, des emplois ont été créés grâce à cette flexibilité. Ces migrants viennent pour travailler. L’UDC sait d’ailleurs très bien que les problèmes d’intégration, qui parfois conduisent à la criminalité, ont plutôt leurs racines dans les années des contingents, et pas dans la libre circulation. Mais elle joue sur des amalgames.
Christoph Blocher affirme que «la Suisse s’en sortirait très bien sans les accords bilatéraux».
C’est faux! La Suisse doit miser sur trois piliers: le multilatéralisme, certes mal en point, de l’Organisation mondiale du commerce; les accords de libre-échange bilatéraux, comme celui en cours avec la Chine; les accords bilatéraux avec l’UE, vers laquelle près de 60% de nos exportations se dirigent toujours. Le prix de l’accès aux marchés, c’est l’ouverture du nôtre. Briser un de ces piliers serait irresponsable.
La Suisse a longtemps misé avec succès sur des contingents. Pourquoi ne pas recommencer?
Ces contingents n’ont pas été un grand succès, mais avant tout un système administrativement lourd, notamment pour les entreprises. Et depuis lors, le monde a évolué. Notre réseau d’accords internationaux s’est densifié. Changer de système constituerait un trop grand risque. Pour les entreprises, le retour des contingents constituerait aussi un surcroît de bureaucratie et une perte de flexibilité. Cela surprend de voir l’UDC, un parti bourgeois aux dernières nouvelles, proposer cela.
Christoph Blocher s’affiche à la pointe dans ce combat. L’UDC a-t-elle divorcé des milieux économiques qui l’aimaient tant?
Disons que, chez Christoph Blocher, il y a le brillant entrepreneur et le politicien. Dans ce dossier, le second a pris le dessus. Et si nous sommes sur la même longueur d’onde sur des thèmes comme les dépenses publiques, la fiscalité ou l’énergie, ce dossier est celui qui nous divise le plus. Mais l’initiative «Contre l’immigration de masse» divise aussi l’UDC, puisque plusieurs chefs d’entreprise ont pris leurs distances.
Craignez-vous le prochain élargissement, qui concernerait les Balkans avec la Croatie?
Non. Les Suisses sont certes critiques, mais ils sont avant tout rationnels et pragmatiques. Se jeter dans l’inconnu ne leur plaît pas. Ils continueront à soutenir la voie bilatérale.
Romain Clivaz, Zürich, pour 24 Heures
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