Le 28 juillet 2011, nous fêtions les 60 ans de la Convention relative au statut des réfugiés, texte adopté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dont l’objectif à l’époque peu contesté, était de réguler le sort de ceux dont les droits fondamentaux n’étaient pas respectés par leur propre Etat, en raison de leur race, de leur nationalité, de leur religion, de leurs opinions politiques ou encore de leur appartenance à un groupe social particulier.
A cette occasion, il est important de rappeler les bénéfices indéniables que des millions d’individus craignant pour leur vie et leur intégrité physique ont pu retirer de ce traité. Ce constat ne dispense pas pour autant d’un regard critique sur son application actuelle par les Etats signataires, et par la Suisse en particulier.
Si aucun Etat ne s’est aventuré à remettre ouvertement en cause son adhésion à la convention, la plupart d’entre eux cherchent à en limiter l’application. Premièrement en renforçant le contrôle des frontières pour entraver l’accès des demandeurs d’asile à leur territoire et deuxièmement par l’adoption, au niveau législatif, de clauses les autorisant à se dispenser d’examiner les demandes de protection dont ils sont saisis.
En Suisse, ces clauses, connues sous le nom de non-entrée en matière (NEM) se sont démultipliées au cours des innombrables révisions du droit d’asile qui ont ponctué les 25 dernières années, plaçant les demandeurs d’asile dans une situation juridique de plus en plus précaire. Au prétexte de trier les «bons» des «mauvais» réfugiés – catégories peu explicites mais manipulables à souhait - ces révisions ont peu à peu détourné le droit d’asile de son but, celui de protéger des individus en péril, pour servir de bras politique à une propagande virulente contre l’immigration extra-européenne.
Les différentes clauses de non-entrée en matière motivent près de 48% des décisions rendues par l’Office fédéral des migrations. Les décisions prises en vertu des accords de Dublin représentent à elles seules plus de 30% de celles-ci.
Ces accords prévoient que l’Etat membre par lequel un demandeur d’asile accède à l’Union européenne devient l’unique responsable du traitement de sa demande d’asile. Le droit des réfugiés se transforme ici en vaste loterie humaine, où seuls les plus chanceux accéderont à un Etat garantissant une procédure de détermination du statut de réfugié équitable et des conditions d’accueil dignes de ce nom.
Une loterie dont la Suisse a saisi qu’elle en serait le véritable bénéficiaire: située au cœur de l’Europe, ces accords lui permettent de se dessaisir d’un nombre croissant de demandes d’asile, sans violer ouvertement la Convention relative au statut des réfugiés et sans avoir à se préoccuper du sort de milliers d’êtres humains, parfois menacés de refoulement vers des Etats où ils risquent la mort ou la torture.
Marie-Claire Kunz, membre du comité de la coordination contre l’exclusion et la xénophobie, dans la Tribune de Genève
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