vendredi 7 octobre 2011

Renvoi d’étranger: le destin absurde d’une famille déchirée au Grand-Saconnex

Un père de famille kosovar doit quitter demain la Suisse, laissant derrière lui son épouse et ses deux enfants mineurs. En cause, le non-renouvellement d'un permis B suite à des infractions. L'absurde, c'est qu'il pourra revenir dans quelques mois si sa femme obtient un permis B.bashkim m

Le renvoi d’un père de famille suscite l’émotion au Grand-Saconnex. «Je dois quitter samedi la Suisse où j’habite depuis 20 ans et laisser ma femme et mes deux enfants derrière moi», annonce Bashkim M., les épaules voutées. En 2005, son permis B n’est pas renouvelé suite à des ennuis judiciaires. A son actif, une bagarre avec un automobiliste, puis quelques mois plus tard, un délit de fuite, il est à ce moment en possession d’une arme sans permis, qui se solde par trois semaines de prison. Depuis, il a payé ses dettes et son casier est à nouveau vierge. Pas suffisant pour l’Office fédéral des migrations (ODM), qui applique la loi fédérale sur les étrangers (LETr), en raison des infractions passées.

«Je regrette ce que j’ai fait, mais j’ai payé mes erreurs», assène Bashkim M., les poings crispés. En 2009, l’homme sollicite le Tribunal administratif fédéral pour régulariser sa situation. Son dossier passe deux années dans les arcanes de l’administration à Berne. Durant cette période, les époux, au bénéfice d'un statut transitoire, travaillent tout en accompagnant leurs enfants. Lui passe ses permis poids lourds et livre des colis pour le compte de la poste. Elle enchaîne les heures de ménage dans des hôtels, avant de se dédier au service, une fois la langue maîtrisée.

Famille broyée par l'administration
«Qui va garder nos enfants la semaine prochaine?» s’inquiète son épouse, A., Patrouilleuse scolaire le jour, elle enchaîne les services le soir dans un restaurant du Grand-Saconnex. «Notre famille est broyée par le rouleau compresseur de l’administration», lâche le mari. Bashkim M. n’a toujours pas trouvé les mots pour annoncer à ses enfants la nouvelle. «Ils ressentent notre angoisse. Mon cadet fait des cauchemars avant de me demander au déjeuner ce qui me perturbe tant. C’est au dessus de mes forces», confie-t-il.

La famille ne manque pas de soutien. La dizaine de lettres de voisins, amis, collègues et supérieurs, très touchantes et engagées qui accompagnent le dossier ne feront toutefois pas fléchir l’administration. En mars dernier, il essuie un refus définitif par le Tribunal, qui ne prend pas en considération la présence en Suisse de son épouse et de leurs deux enfants mineurs. Après plusieurs ajournements de la date du renvoi, c’est un siège d’avion sur le vol Genève-Pristina qui attend Bashkim M. samedi 8 octobre.

Parfaitement intégrés
A quelques heures du départ, A. est assaillie par les doutes. «Quand on a peur, on imagine plein de choses. Une fois mon mari parti, ne vont-ils pas nous demander de quitter la Suisse, nous aussi?» Impensable pour la maire de la commune Elisabeth Böhler, qui connaît personnellement A. et ses enfants. L’élue PLR, sans maîtriser tous les détails du dossier de Bashkim M., «trouve malheureux qu’on sépare cette famille, parfaitement intégrée, pour bien peu de chose.»

«La situation administrative de cette famille est absurde», déclarent leurs avocats Mes Romain Jordan et Raphaëlle Nicolet. Enregistrés sous le permis B de Bashkim M., sa femme et ses enfants ont perdu leur titre de séjour quand ce dernier n’a pas été renouvelé. Les conseils de la famille tentent désormais d’inverser la situation : «Son épouse, en attente d’un permis, pourra alors faire revenir son mari, regroupement familial oblige. Mais le renvoi de mon client va briser l’équilibre du foyer pour une question de quelques mois seulement. Nous allons nous battre et mobiliser des soutiens.» L’embarquement du vol Swiss LX 8470 à destination de Pristina est prévu demain à 13 h 30.

Julien de Weck dans la Tribune de Genève

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