Suites politiques du film de Fernand Melgar. Antonio Hodgers dépose trois motions pour modifier la loi.
Vol spécial, de Fernand Melgar, n’en finit pas de susciter la polémiquer. Taxé de fasciste dans un premier temps, désormais de «docu-menteur», le film – selon Fernand Melgar – veut susciter le débat. Quitte à défendre son point de vue en dépeignant une Suisse préfasciste, comme lors d’un débat public à Berne la semaine dernière. Deux policiers ont quitté la salle, outrés par les propos du cinéaste vaudois. Toutes ces controverses se devaient d’engendrer des suites politiques.
Le conseiller national Antonio Hodgers (Verts/GE) va déposer trois textes aux Chambres fédérales pour revoir la pratique en matière d’internement et d’expulsion des étrangers. «On ne traite pas de la même manière un père de famille qui travaille et tente de s’intégrer dont le seul crime est de séjourner en Suisse sans permis, et un dealer de drogue notoire! s’exclame Antonio Hodgers. Or, aujourd’hui, tous sont soumis à la même procédure, et aux mesures de contrainte.»
Pour le Vert genevois, c’est l’une des choses choquantes montrées par le film de Fernand Melgar. Mais la focale n’est-elle pas partielle? «Evidemment, il a voulu toucher par l’émotion des destins individuels. Mais il démontre aussi l’absurdité d’un système qui applique aveuglément des lois. Il y a une distance entre une prise de décision et son application concrète», s’enflamme Antonio Hodgers.
Et la polémique sur le passé criminel de certains détenus de Frambois vus dans Vol spécial ? «Cette polémique sert mes propositions. M. Leuba nous dit que 70% des détenus de Frambois provenant du canton de Vaud ont un passé criminel, alors pourquoi traiter de la même manière les 30% qui n’ont pas enfreint le Code pénal?» avance Antonio Hodgers.
La première motion du Vert genevois exige la suppression des «mesures de contrainte pour les étrangers non criminels». Comme elle a peu de chances de succès, il en a déposé une seconde, qui demande pour ces derniers des mesures de contrainte allégées. Sur le modèle proposé par Amnesty International. Ce texte a obtenu des signatures de parlementaires de droite. Enfin, le Genevois réitère sa demande de documenter les motifs d’expulsion. En 2010, la réponse du Conseil fédéral était limpide: l’Office fédéral des migrations (ODM) n’est pas en mesure de le faire. Idem en octobre 2011, selon notre enquête.
«Pas si simple»
«Cet honnête travailleur sans papiers», dont Antonio Hodgers veut défendre les droits, expulsé manu militari comme un criminel violent, existe-il? S’est-il glissé dans ces 30% de non-criminels qu’avance le canton de Vaud? «Pas si simple», explique Philippe Leuba, le ministre vaudois de la Justice. «Nous n’expulsons pas les gens parce qu’ils sont clandestins, mais parce qu’ils refusent une décision juridiquement fondée. Il en va de notre Etat de droit que nous devons faire respecter. Sinon, le séjour en Suisse dépendrait de leur bon vouloir.»
Philippe Leuba souligne aussi la proportionnalité de la contrainte utilisée: de l’escorte policière aux différents niveaux d’entrave selon la détermination des récalcitrants. «Pas impossible mais peu probable qu’un honnête clandestin, père de famille qui travaille, se retrouve menotté dans un avion», affirme Philippe Leuba. «Dans le canton de Vaud, nous essayons au maximum d’obtenir de Berne des permis humanitaires pour ce genre de cas. Depuis 2006, nous avons obtenu la régularisation de 740 personnes. Notre politique est claire: intransigeance avec les criminels, un appui pour favoriser la régularisation des non-criminels qui ont fait l’effort de s’intégrer dans notre société.»
Xavier Alonso, Berne, dans 24 Heures
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