Les mesures de contrainte ont fait l’objet de débats féroces. Arguments sécuritaires et légalistes se sont ajoutés pour forger une majorité.
Christin Achermann, professeure assistante en études des migrations au Centre de droit des migrations de l’Université de Neuchâtel, consacre un cours aux mesures de contrainte. Ses étudiants y apprennent que des mesures coercitives de type administratif firent leur entrée dans la législation suisse en 1931. A l’époque, la disposition visait à écarter des personnes dont le renvoi souhaité n’était pas possible. La durée maximale de détention était de 2 ans.
La discussion reprend au milieu des années 80, dans le contexte d’une hausse marquée des demandes d’asile. Le besoin de pouvoir expulser les requérants déboutés se fait pressant. On introduit dans la loi (1986) la détention en vue du renvoi pour une durée de 30 jours maximum.
La drogue croise l’asile
Au début de la décennie 90, les thématiques de la drogue et de l’asile se recoupent. Les scènes ouvertes de la drogue à Zurich (le Platzspitz puis le Letten) et à Berne choquent. Les petits dealers, arrêtés avec de trop faibles quantités de drogue sur eux pour être condamnés, sont souvent des requérants déboutés que l’on n’arrive pas à renvoyer dans leur pays. L’idée de les neutraliser en les plaçant en détention administrative le temps de préparer leur renvoi s’impose à l’issue d’un difficile débat. Aux arguments sécuritaires (éloigner des criminels préventivement) s’ajoute la volonté de renforcer la crédibilité de la procédure d’asile et d’affirmer la souveraineté de l’Etat. Pour pouvoir accepter les «vrais» réfugiés, il faut que les requérants déboutés soient renvoyés et que les requérants connus pour «abuser» de la procédure d’asile en s’adonnant au trafic de drogue soient neutralisés et écartés.
On crée alors un dispositif coercitif ambigu, inspiré de la détention pénale et visant en priorité des petits délinquants, mais pouvant s’appliquer à des étrangers sans statut quand ils ne collaborent pas à leur renvoi après l’échec de leur demande d’asile ou le rejet de leur demande de régularisation.
La durée n’est pas dissuasive
Ce dispositif a été renforcé en 2008, avec ajout d’un nouveau motif justifiant la détention administrative et prolongation de la durée maximale de la détention à 24 mois – ramenée à 18 mois en 2011 pour respecter une directive européenne. La longue durée de la détention est justifiée par sa prétendue vertu dissuasive. Mais les recherches de Christin Achermann montrent l’inverse. Dans la pratique, plus le séjour dure, plus le renvoi est difficile. En 2008, 86% des détentions en vue d’un renvoi se sont soldées par le refoulement. La durée moyenne des séjours avant l’exécution du renvoi était de 19 jours. S’il arrive que le séjour se prolonge plusieurs mois (un maximum de 309 jours en 2008), les cantons ont intérêt à réaliser le renvoi vite car une journée de détention leur coûte 400 francs.
François Modoux dans le Temps
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