Plus de trois millions de francs: le règlement genevois sur la mendicité coûte cent fois plus à l’Etat qu’il ne lui rapporte. Les associations de soutien aux Roms n’en veulent plus.
En cet hiver 2008, la droite genevoise pose le constat suivant: les mendiants tapent sur le système de tout le monde au bout du lac, il est grand temps de prendre des mesures pour encourager ces Roms à aller voir ailleurs. C’est ainsi qu’apparaît une loi contre la mendicité.
Trois ans plus tard, non seulement les Roms n’ont pas déserté les rues de la cité, mais l’Etat a, au passage, perdu plus de trois millions de francs, a révélé lundi la télévision locale Léman Bleu.
«Appliquer une loi a forcément un coût», souligne Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la sécurité, de la police et de l’environnement à Genève qui ajoute que son dicastère s’active à faire appliquer la législation. Et quel coût! En comptant le travail fourni par les gendarmes pour établir les PV, les procédures administratives prises en charge par le service des contraventions, ainsi que le coût d’une procédure devant le Tribunal de police, la facture de la loi contre la mendicité dépasse l’entendement. «En réalité, ce chiffre de 3 millions devrait même avoisiner les 20 millions, estime Dina Bazarbachi, avocate de l’association de défense des Roms Mesemrom. Ce calcul ne prend en effet pas en compte la totalité des oppositions faites aux amendes.»
Petite rentrée d’argent
Avec un tel investissement de l’Etat – donc des contribuables –, on pourrait s’attendre à ce que le citoyen genevois y gagne quelque chose. C’est le cas… ou presque: en trois ans, les caisses du canton ont enflé de 35 000 francs grâce à l’argent payé ou saisi suite aux contraventions antimendicité.
L’avis des législateurs
C’est Anne Mahrer, député Verte au Grand Conseil genevois qui a interpellé le Conseil d’Etat, en juin dernier, pour savoir ce que pouvait bien coûter la loi. Une fois la réponse obtenue, cette dernière, déjà convaincue du caractère négatif de la législation, n’en est aujourd’hui que plus déterminée: «cette loi est inopérante et il serait faux de penser qu’elle va pouvoir régler les problèmes que rencontre la population rom». A long terme, la députée genevoise espère voir cette législation «discriminante» disparaître au profit de solutions «positives», encourageant par exemple à mettre fin à la discrimination envers les mendiants.
Même souhait du côté de Mesemrom. Dina Bazarbachi souligne d’ailleurs que diverses associations s’apprêtent à recueillir des signatures pour une pétition allant dans le sens de l’annulation de la loi antimendicité. Pour Christian Lüscher, conseiller national genevois libéral-radical, l’un des instigateurs de la loi, «penser le droit pénal en termes de rentabilité économique n’a pas de sens». Son associé pour l’élaboration du texte contre la mendicité, le député libéral-radical Olivier Jornot, ajoute que «si la population souhaite que l’Etat ne reste pas inactif face à la mendicité, cela engendre forcément une certaine somme». Et de préciser qu’il n’a «jamais entendu pour aucune infraction que l’on se mette à justifier une interdiction en se demandant ce que pourraient rapporter ses amendes».
Winnie Covo dans le Matin
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