Avec l’UDC, les silhouettes menaçantes sont de retour. «Stopper l’immigration massive!» proclame un slogan au bas de l’affiche, alors que des jambes sombres prises en contre-plongée foulent le drapeau suisse. Pour lancer son initiative «contre l’immigration de masse», l’UDC a repris le même graphisme, percutant et destiné à provoquer l’inquiétude, de ses précédentes campagnes. Mais, trois jours après la tuerie d’Oslo, le président Toni Brunner ne voit dans l’initiative aucun risque de provoquer une paranoïa anti-étrangers. «Nous ne faisons qu’aborder des problèmes que les autres partis ne veulent pas voir!» affirme-t-il.
Après les mises en garde des milieux économiques – economiesuisse et l’Union suisse des arts et métiers – contre la menace d’une dénonciation des accords bilatéraux par Bruxelles, la polémique n’a pas tardé. «L’initiative de l’UDC ne vise qu’à attiser la xénophobie», dénoncent ainsi les Verts, alors que le PLR s’en prend à «l’attaque frontale du parti isolationniste contre la prospérité et la stabilité de la Suisse».
Annoncée depuis plusieurs semaines, l’initiative qui vise à limiter l’afflux d’immigrants est publiée ce mardi dans la Feuille fédérale. L’UDC a désormais dix-huit mois, jusqu’en janvier 2013, pour récolter les 100 000 signatures nécessaires. Le parti de Christoph Blocher veut en revenir au système des contingents, en privilégiant les besoins de l’économie. «Le but est de redonner à la Suisse les moyens de gérer de manière autonome l’immigration, alors que le nombre d’immigrants venus en Suisse ces quatre dernières années, notamment par le biais de la libre circulation avec l’UE, dépasse 330 000 et crée des situations tendues», selon le président de l’UDC suisse, Toni Brunner.
Le texte prévoit à l’article 121a que «la Suisse gère de manière autonome l’immigration des étrangers». Le cœur de l’initiative, au deuxième alinéa, précise que «le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels. Les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit d’asile, domaine de l’asile inclus», mais également pour les frontaliers.
L’article prévoit également que «le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité». Les contingents devront être fixés «en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse. Les critères déterminants sont en particulier la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source autonome et suffisante de revenus.» Aujourd’hui déjà, dans le cadre de l’accord de libre circulation passé avec l’UE, les autorisations de séjour ne sont délivrées que sur la base d’un contrat de travail ou la preuve d’une autonomie financière.
Enfin, dans les dispositions transitoires, l’initiative vise directement l’accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes, entré en vigueur en 2008. «Les traités internationaux contraires à l’article 121a doivent être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans.» C’est la clause qui provoque le plus vif rejet de la part des milieux économiques. Dans une interview à la presse dominicale, Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’USAM, réaffirme que l’organisation faîtière des PME est clairement du côté des accords bilatéraux et de la libre circulation, «car elle crée les bases d’un marché du travail flexible. C’est un moteur de croissance en Suisse. Pour nous la libre circulation des personnes n’est pas négociable.»
Au risque de passer pour un apôtre de la décroissance et de ternir l’image de l’UDC comme parti de l’économie, le conseiller national vaudois Guy Parmelin estime que «l’immigration débridée se traduit par une augmentation considérable de la consommation de surfaces et d’espaces habitables». Dans l’Arc lémanique ou à Zurich, dénonce-t-il, «les familles originaires de ces régions sont contraintes de déménager; il en résulte une augmentation du trafic pendulaire». Certes, admet-il, il y a des effets positifs, comme la bonne tenue de l’économie et les rentrées financières pour les assurances sociales. Mais le côté négatif l’emporte, «car un jour il faudra bien payer les rentes des cotisants étrangers d’aujourd’hui».
L’UDC, qui mise sur cette initiative pour remettre les questions d’immigration au cœur de la campagne électorale, jusqu’ici dominée par la sortie du nucléaire, devra faire face à la concurrence de deux autres textes, celui d’EcoPop qui veut limiter la hausse de la population à 2% par an, et l’autre des Démocrates suisse qui veulent rééquilibrer le solde migratoire.
Yves Petignat dans le Temps
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