Le gouvernement australien troquera 800 illégaux contre 4000 réfugiés. Un plan très controversé.
Après des semaines de polémiques, l’accord a été signé hier à Kuala Lumpur. L’Australie va échanger 800 migrants arrivés clandestinement sur son territoire contre 4000 personnes enregistrées comme réfugiés en Malaisie, selon un programme inédit qui sera étalé sur quatre ans. Il y a un mois, au parlement australien, les Verts et la droite, dans une alliance inhabituelle, avaient pourtant demandé l’abandon de ce projet gouvernemental. Les Verts trouvaient la solution inhumaine, la droite préférait placer ces indésirables sur des îles du Pacifique.
Pour le premier ministre (travailliste) Julia Gillard, ce plan est toutefois le seul possible pour dissuader le trafic de clandestins qui s’organise depuis les côtes indonésiennes, au gré de traversées périlleuses, parfois mortelles. En 2010, près de 7000 migrants clandestins (Irakiens, Iraniens, Vietnamiens, Sri Lankais, Afghans) ont ainsi débarqué en Australie. Nombre d’entre eux sont détenus sur Christmas Island, à 2400 km du continent, dans des conditions difficiles. Le traitement de leurs dossiers peut prendre jusqu’à 18 mois. Des émeutes y ont encore éclaté il y a quelques jours.
Mauvais traitements
Si les transférés de Malaisie se verront offrir une solution durable en Australie, pas sûr en revanche que les migrants illégaux échoués en Australie et qui seront expédiés en Malaisie y trouveront un meilleur sort. Choquées par cet accord, les organisations humanitaires dénoncent les conditions dans lesquelles la Malaisie, qui n’a pas signé la convention des Nations Unies sur les réfugiés, gère leur accueil depuis des années. Une avocate de l’organisation malaisienne Aliran souligne que bien souvent la police de son pays ne reconnaît pas les cartes de légitimation que reçoivent les demandeurs d’asile, ne faisant que la distinction entre migrants avec ou sans papiers. Fréquemment arrêtés, ils sont soumis à des mauvais traitements. Entre 2002 et 2008, 35 000 cas de bastonnade ont été rapportés sur des migrants sans documents, selon un rapport d’Amnesty International publié en 2010. Au sujet du troc, l’organisation a d’ailleurs réagi, parlant de «risque de détention inhumaine, voire de torture». Des organismes chrétiens australiens ont aussi mentionné que des enfants de migrants pouvaient être détenus en Malaisie pendant plus de quatre ou cinq ans, sans scolarisation.
Pour donner du crédit au plan, le ministre australien de l’Immigration, Chris Bowen, a souligné ces derniers jours que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) avait été «impliqué dans le projet». Hier à Genève, le HCR, prenant acte de l’accord, a précisé qu’il avait été consulté mais «n’était pas signataire de l’arrangement». Il note toutefois que les deux pays se sont engagés à respecter tous les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés, dont le principe de non-refoulement et un accueil dans des conditions humaines, ce que l’agence ne manquera pas de contrôler.
Cathy Macherel dans 24 Heures
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