Suite à une intervention de l'ambassade de Suisse à Damas, l'Office fédéral des migrations (ODM) a fait passer la consigne de ne pas traiter des milliers de demandes d'asile d'Irakiens.
Les milliers de demandes d’asile d’Irakiens non traitées par les ambassades de Suisse à Damas et au Caire résultent bien d’une consigne émanant de l’Office fédéral des migrations (ODM). Mais ce dernier a réagi après une intervention de l’ambassade de Suisse à Damas. L’ambassadeur Jacques de Watteville, aujourd’hui en poste à la Mission suisse auprès de l’Union européenne, a écrit le 13 novembre 2006 une lettre à l’ancien directeur de l’ODM, Eduard Gnesa, selon une information de l’émission «10 vor 10» de la télévision alémanique SF. Dans cette missive, dont l’ATS a obtenu une copie, le diplomate se montre réticent à poursuivre la pratique selon laquelle l’ambassade enregistre les demandes d’asile avant de les transmettre ensuite à l’ODM pour y être traitées. Motif invoqué: l’ambassadeur craignait entre autres «une avalanche de questions, de demandes de clarifications et de nouvelles demandes».
Il est important d’attendre
Il est vrai qu’en un très court laps de temps, la représentation suisse en Syrie avait reçu quelque 2000 requêtes écrites d’Irakiens, dont la plupart concernaient plusieurs membres d’une famille. L’ODM avait d’ailleurs prévu des mesures d’accompagnement pour maîtriser le flot de demandes. Jusqu’à la lettre de M. de Watteville en novembre. Dans sa missive, le diplomate craint un «effet de tirage» avec à la clé une masse d’autres demandes. Il redoute aussi des attroupements de requérants devant l’ambassade et un risque potentiel pour la sécurité de l’ambassade et le personnel. Il évoque enfin une surcharge de travail pour les employés de la représentation. «Dans ces conditions, nous proposons de ne pas réagir pour l’instant à ces lettres (ndlr: demandes d’asile) et d’attendre de voir ce que feront vraiment les autres ambassades», recommande M. de Watteville. «Il me paraît très important d’adopter une approche coordonnée avec les autres ambassades occidentales concernées et avec le HCR, sinon nous risquons d’attirer à nous toutes les demandes d’asile et d’être submergés», conclut l’ambassadeur.
Blocher a donné son feu vert
La Confédération a violé le droit, estime la professeur de droit des peuples Martina Caroni, membre de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM). La loi sur l’asile exige que toute demande d’asile, qu’elle soit même orale, doit être traitée. Selon l’ODM, l’ancien chef du Département fédéral de justice et police (DFJP), Christoph Blocher, n’avait pas été informé officiellement. Ce dernier a expliqué vendredi soir dans une interview au «Tagesschau» de la télévision SF que l’affaire avait été portée «plus haut» par l’ODM. «J’ai donné mon feu vert», a-t-il ajouté. Il ne s’agissait pas de demandes d’asile en bonne et due forme. «Ces gens voulaient simplement entrer en Suisse et il n’y avait pas un seul réfugié parmi eux», a-t-il déclaré. «Nous avons opté pour une solution très pragmatique».
Le Conseil fédéral veut modifier la loi
La Suisse ne veut plus être le seul pays d’Europe à admettre le dépôt de demandes d’asile dans ses ambassades. Le Conseil fédéral veut modifier la loi sur l’asile pour supprimer cette possibilité. Cette révision est examinée actuellement par le Conseil des Etats. Le DFJP reconnaît que d’autres ambassades ont été inondées de demandes d’asile. Ont été touchées: les représentations à Colombo (Sri Lanka), à Bogota (Colombie) et depuis 2011 à Karthoum (Soudan) avec des demandes de réfugiés d’Erythrée.
Au total, 18’591 demandes ont été déposées dans ces régions-là. Et 1295 personnes ont reçu l’autorisation de poursuivre leur procédure d’asile en Suisse. Dans le cas de l’Irak, le DFJP fait savoir que seulement 43 personnes ont pu le faire depuis l’année 2006.
Le Matin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire