Deux agents municipaux, deux gendarmes et la Voirie de Genève en sont à leur dix-septième opération depuis le début de l'année.
"Deux, trois tonnes?" Patrick Zonca évalue d'un œil le triste butin de son équipe. Pour la dix-septième fois cette année, sept cantonniers, flanquée de deux gendarmes et de deux gardes municipaux, ont fait le tour des campements de fortune des Roms en ville de Genève. La routine.
Ce soir, les mendiants, chassés comme des mouches dans toute l’Europe, seront un peu plus démunis. Ils ne retrouveront ni matelas ni couvertures ni vêtement ni vaisselle. L'Etat a tout ramassé ce matin. Il y avait des casseroles, des réchauds, des denrées alimentaires, quelques pièces de monnaie et même des jouets qui trahissent la présence de famille sous le pont de la Bâtie, à l'Avenue d'Aïre, aux Cropettes, au quai Ernest-Ansermet, dans une bonne dizianes de lieux répertoriés sur une liste. Tout est rassemblé dans des filets, hissé sur un camion, emmené pour être incinéré aux Cheneviers.
L'opération a démarré à 7h30 à la Jonction, dont le campement avait été signalé la semaine dernière par un lecteur de la Tribune. Sous le pont de La Bâtie, entre les matelas alignés, encore tièdes, une femme une adolescentes, deux hommes sont là, debout, résignés. Les gendarmes vérifient leur identité. Des habitués. Leurs papiers sont en ordre. Ils sont priés de quitter les lieux. Aussitôt les hommes de la voirie revêtus d'une combinaison blanche font leur œuvre. « Cette fois c'est assez en ordre » commente Patrick Zonca. La zone laisse des traces de vie dans un périmètre de deux cents mètres. La pluie et le soleil les élimineront naturellement.
Les matelas sont étalés sur des cagettes en bois posées sur des bâches en plastique. Certains sont emballés dans des draps housses. Le pont sert de toiture et d'étagères, c'est un des seuls campements protégés de la pluie. Il n'y a ni commodités ni eau courante sauf celle du Rhône. Un tube gris a suffi pour qu’un citoyen dénonce un branchement électrique illégal. Les SIG dépêchés sur place n’ont pas confirmé de vol d’énergie.
La police n'a procédé à aucune arrestation. A l’Avenue d’Aïre, la police contrôle encore cinq hommes et une jeune femme, tous sont en règle. Un homme handicapé d’une cinquantaine d’années ou moins peut-être réclame deux cents francs. Personne ne répond. « Arrêtez-moi au moins ! » Silence gêné. Il n’a commis aucun délit.
La plupart des autres sites sont inoccupés ou habités, l’un par un sdf, un autre par trois inconnus sans liens avec les Roms. L’un n’a pas de papier. Il ne sera pas inquiété outre mesure. La procédure serait trop longue.
Les opérations délogement augmentent
L'opération s'est passée sans violence, ont pu constater les reporters de la «La Tribune de Genève». La dernière intervention remonte au 22 juillet, la seizième depuis le début janvier. La pression augmente. Il y a eu dix ramassages en 2010. « Cette année, nous avons déjà chargé et détruit 28 tonnes d’objets divers » a calculé Patrick Zonca. Sans illusions. « Genève est un supermarché à ciel ouvert, dit-il. Il suffit de se servir sur les trottoirs avant la voirie et dans les déchèteries pour se loger à la belle étoile sans bourse délier.» Ce qui n'est pas le cas de nos interventions, ose un fonctionnaire.
La politique des autorités genevoises ne varie pas: il s’agit d’empêcher l'installation de campements permanents sur le territoire genevois. «Nous ne voulons pas recourir à des pelleteuses pour détruire des abris comme ce fut le cas à Lausanne il y a deux semaines», indiquait le maire de la Ville Pierre Maudet, le 9 août dernier à la Tribune. Pour le reste, le magistrat paraît démuni. Les politiques d’intégration échouent, les contraventions sont sans effet. La peur du tribunal à peine plus dissuasive.
Le nombre de Roms aurait toutefois diminué durant cette période estivale pour atteindre quelque 70 personnes selon la police.
Delphine Gouffier, Stephen Mossaz dans la Tribune de Genève
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