Un projet de résolution contenant un paragraphe sur l’interdiction des minarets circule au sein du Conseil des droits de l’homme. Une initiative indépendante des attaques de la Libye. Un article du Temps, signé Carole Vann / Infosud.
«Le Conseil des droits de l’homme condamne fermement l’interdiction de la construction de minarets de mosquées ainsi que d’autres mesures discriminatoires qui sont des manifestations d’islamophobie contrevenant clairement aux obligations internationales en matière de droits de l’homme pour ce qui est de la liberté de religion, de croyance, de conscience et d’expression […] de telles mesures discriminatoires participent à alimenter la discrimination, l’extrémisme et les préjugés, conduisant à la polarisation et à la division avec de dangereuses conséquences non voulues». Ces quelques lignes ont été ajoutées mercredi à un projet de résolution en 21 points portant sur la diffamation des religions, en circulation parmi les Etats de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et du groupe africain depuis le début de cette session annuelle. Le texte doit être soumis au Conseil lors du vote des résolutions, prévu au terme de la session en cours, le 25 ou le 26 mars.
Bien que l’énoncé ne cite aucun pays nommément, il ne fait pas de doute qu’il se réfère à l’interdiction de constructions de minarets en Suisse, votée par référendum le 29 novembre dernier. Contacté par téléphone, Raphaël Saborit, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), a exprimé le désaccord de Berne avec le projet de résolution. «Sur le principe, la Suisse exprime son désaccord sur le concept même d’une résolution consacrée à la diffamation des religions présentée régulièrement dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU et du Conseil des droits de l’homme», a-t-il affirmé. «La Suisse défend la liberté religieuse, qui a pour objectif de protéger le droit de chaque citoyen croyant de pratiquer librement sa religion et non la religion elle-même.» Et d’ajouter: «S’agissant, dans ce projet de résolution, de la mention de l’interdiction des minarets, la Suisse se prononcera le moment venu (à la fin du mois, au moment des votes des résolutions, ndlr) au Conseil des droits de l’homme.
Le porte-parole a tenu à préciser qu’une rencontre bilatérale avait eu lieu le 2 mars à Genève entre la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey et le secrétaire général de l’OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, en marge de la session des droits de l’homme. «Cette rencontre a permis un large échange de vues sur le sujet», a commenté Raphaël Saborit.
Le projet de résolution, avec son ajout sur les minarets, tombe dans un contexte chaud. La Libye vient d’appeler les Etats et les citoyens musulmans au djihad (guerre sainte), juste après avoir décrété un embargo économique contre la Suisse. Mouammar Kadhafi a aussi appelé les 17 Etats membres de la Ligue arabe à exprimer leur solidarité avec Tripoli dans son conflit avec Berne.
Toutefois, les organisations de défense des droits de l’homme relativisent l’influence de la Libye, qui ne fait pas partie des Etats membres du Conseil des droits de l’homme. Selon ces ONG, le projet de résolution, de même que le paragraphe sur les minarets sont l’initiative du Pakistan, porte-parole des pays de l’OCI au Conseil. Pour Hossam Bahgat, directeur de l’Initiative égyptienne des droits personnels, une organisation reconnue pour son engagement en matières de libertés, Kadhafi ne serait pas pris au sérieux dans les pays arabes. «Les populations se moquent de lui, tandis que les Etats sont plus retenus mais n’en font pas beaucoup cas», affirme-t-il. Et de rappeler que Tripoli s’apprête à accueillir le prochain sommet de la Ligue arabe les 28 et 29 mars, raison pour laquelle, selon lui, ces pays ont appuyé la Libye dans la condamnation des minarets, sans se prononcer pour autant sur l’appel au djihad.
Hossam Bahgat précise approuver la condamnation de l’interdiction des minarets, mais pas la résolution en circulation qui «résume tous les aspects négatifs sur la diffamation des religions. Ce concept va à l’encontre des lois internationales sur les droits de l’homme et favorise les violations des libertés dans le monde arabe.» Les ONG vont consacrer ces prochains jours à tenter de convaincre les Etats arabes de modifier le texte de la résolution et la rendre compatible avec le droit international. En commençant par se débarrasser du concept de diffamation de religion et le remplacer par «incitation à la haine nationale et religieuse». Une revendication qui revient comme les vagues sur le devant la scène onusienne des droits humains.
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