Fort des nouvelles dispositions législatives, le ministère de l'Intérieur devrait porter à 30.000 la cadence annuelle des éloignements d'étrangers en situation irrégulière.
À peine rentré de l'hôpital, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant s'attaque au dossier immigration. Le Figaro est en mesure de révéler que la Place Beauvau va augmenter le nombre de renvois des clandestins interpellés en France. Les 28.000 reconduites pour 2011 devraient être portées à 30.000. Un objectif qui pourrait être dépassé dès cette année.
«Depuis janvier, le niveau moyen de ces éloignements s'établit déjà à 2500 par mois», confie un cadre de la police aux frontières (PAF). Mai 2011 a par ailleurs connu un pic de 32% (3397 reconduites contre 2563 en 2010). Et juillet devrait confirmer la tendance, avec une hausse attendue de 7%.
La Place Beauvau veut y voir le signe de la «mobilisation sans faille des préfectures, notamment durant la crise tunisienne», mais aussi, depuis peu, «l'effet mécanique des nouvelles dispositions contenues dans la loi sur l'immigration votée en mai 2011». Un texte dont les principaux décrets d'application ont été publiés au Journal officiel le 18 juillet dernier.
Les préfets, il est vrai, comptent tout particulièrement sur ces nouveaux outils pour renforcer l'effectivité de leurs décisions, souvent contrecarrées par le juge judiciaire. Dorénavant, l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) sera repoussée à cinq jours, au lieu de deux. Ce qui évitera à un clandestin d'être remis prématurément en liberté, si la procédure d'éloignement dont il fait l'objet se révèle juridiquement fondée.
Autre disposition phare entrée en application depuis quinze jours: la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière peut aller jusqu'à 45 jours, au lieu de 32 précédemment. Cet allongement du délai donne plus de chance à l'administration d'obtenir des laissez-passer consulaires de la part des pays qui traînent souvent des pieds pour reprendre leurs ressortissants, comme la Chine, qui attend en moyenne 35 jours avant de délivrer un sésame, ou le Mali, qui en met environ 38.
Privilégier le «pragmatisme»
De l'aveu même du prédécesseur de Claude Guéant à Beauvau: la non-délivrance de laissez-passer représente «la première cause d'échec des procédures d'éloignement, soit 34% des cas». En Espagne, le socialiste Zapatero a pu porter le délai de rétention à 60 jours. Et l'Europe tolère jusqu'à 18 mois. Il sera toujours temps de faire modifier le délai tricolore si les résultats espérés tardent à venir.
En tout état de cause, l'équipe Guéant dit vouloir privilégier le «pragmatisme» dans la lutte contre l'immigration illégale. Et ce n'est pas sans satisfaction que l'hôte de Beauvau a pris connaissance, lundi dernier, de ce commentaire de la Commission européenne au sujet de la gestion de l'affaire tunisienne: «Du point de vue formel, les mesures prises par les autorités italiennes et françaises ont respecté la loi européenne», a déclaré la commissaire chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström. Paris avait décidé de rétablir les frontières avec l'Italie au lendemain de la régularisation massive par Rome de quelque 25.000 Tunisiens. «Les contrôles de police menés par les autorités françaises ont été effectués en conformité avec le code de Schengen», a reconnu Mme Malmström, pourtant véhémente à l'égard de Paris, au début de la crise.
La commissaire a été jusqu'à proposer une plus grande latitude pour rétablir temporairement les contrôles aux frontières en cas de pression migratoire «forte» et «inattendue» ou de «défaillance» d'un État membre aux frontières extérieures de l'Union. Tout ce que réclamait Guéant.
L'Europe définira en septembre les critères visant à légitimer cette initiative. «Comme quoi la fermeté paie», ne peut s'empêcher de traduire l'un des plus proches conseillers du ministre.
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