Plus de septante personnalités du monde politique, académique, culturel et syndical soutiennent la demande de régularisation collective de 35 requérants.
La Coordination asile migration Vaud (CAMIV) dénonce «l’application restrictive» des possibilités de régularisation par les services du canton, alors qu’une demande de régularisation collective a été transmise hier au chef du Département de l’intérieur, Philippe Leuba.
Elle concerne 35 requérants déboutés et menacés d’expulsion, en faveur desquels la coordination estime que l’article 14 de la loi sur l’asile (qui permet aux cantons de motiver une demande de régularisation auprès de l’Office fédéral des migrations) doit pouvoir s’appliquer. En 2010, une première demande de permis B pour ces «cas de rigueur» avait échoué: un seul dossier avait été admis par le Service cantonal de la population (SPOP).
Prise de conscience
Dans cette nouvelle tentative, les défenseurs des migrants sont désormais moins seuls. Septante-trois personnalités locales appuient en effet leur démarche. Outre une quinzaine d’élus (dont les conseillers nationaux Jacques Neyrinck et Christian Van Singer, la présidente du Parti socialiste vaudois, Cesla Amarelle, et plusieurs députés), on trouve parmi les signataires de l’appel des représentants du monde académique (pas moins de trente professeurs et maîtres d’enseignement de l’Université de Lausanne), de la culture (les chanteurs Michel Bühler, K et Thierry Romanens notamment) et des syndicats.
Pour Graziella de Coulon, de la CAMIV, leur engagement appelle une prise de conscience au sein de la société civile. Cette dernière doit mener une réflexion critique sur la politique d’asile et surtout, proposer des alternatives, à l’heure où un nouveau tour de vis se dessine au niveau fédéral. Des groupes de réflexion se mettent d’ailleurs en place un peu partout en Suisse, observe Graziella de Coulon.
Lecture pointilleuse
Dans sa requête, la coordination conteste l’interprétation actuelle de l’article 14. Alors que la loi lui confère une certaine marge d’appréciation, le SPOP conditionne l’admission des cas de rigueur à une lecture pointilleuse des critères d’entrée en matière. Aux yeux des défenseurs de l’asile, devoir justifier d’un domicile connu durant l’intégralité du séjour dans le canton et démontrer l’intégration sociale de la personne constituent des obstacles souvent insurmontables.
Quinze ans en Suisse
L’installation durable dans le canton constitue en soi un motif valable pour l’octroi d’une autorisation de séjour, estime la CAMIV, alors que l’article 14 prévoit la possibilité d’une régularisation après cinq ans passés en Suisse. En l’occurrence, les 35 personnes figurant sur la liste remise hier ont toutes déposé une demande d’asile depuis plus longtemps.
Parmi elles, Lumturim et Fatmir font figure de vétérans. Originaire du Kosovo, le premier est arrivé en 1995. Employé pendant dix ans par une fromagerie fribourgeoise, il voit sa première demande d’asile refusée en 2006. L’année suivante, il dépose une nouvelle demande, à Vallorbe cette fois. Peu après, installé à Yverdon avec son épouse, il retrouve un emploi de fromager, qu’il devra quitter en 2008 après avoir été définitivement débouté. Ce père de trois enfants, tous nés en Suisse, vit depuis de l’aide
d’urgence.
Venu d’Albanie en 1996, Fatmir est, comme Lumturim, sans-papiers. Débouté en 1998, il n’a depuis lors plus eu l’autorisation de travailler. Sa parfaite maîtrise du français lui a toutefois permis de suivre une formation de traducteur à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), pour lequel il officie parfois. Il suit également un programme d’occupation dans la réparation de vélos. Reste qu’après quinze ans en Suisse, et malgré les séquelles d’un accident professionnel, Fatmir aimerait pouvoir trouver un véritable emploi, condition de l’existence normale à laquelle il rêve. «On se sent mieux quand on peut payer soi-même son appartement et ses charges. Au contraire, là, on se sent comme des parasites», lâche-t-il.
Arnaud Crevoisier dans le Courrier
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