L'Office des migrations juge que ces clandestins, qui ont bénéficié d'un fort soutien politique, sont «parfaitement intégrés».
«C'est le plus beau jour de ma vie!» a déclaré mercredi Musa Selimi, très ému, en apprenant que l'Office fédéral des migrations (ODM) lui permet de rester en Suisse avec sa femme et ses deux fillettes. Ce Kosovar de 40 ans était en situation irrégulière à Genève depuis 1990. Il aurait dû être expulsé le 5 juillet, car l'ODM refusait de considérer son dossier comme un cas de rigueur de l'asile, malgré la demande du canton de Genève. Le sans-papiers, qui travaille comme serveur, avait également été débouté par deux fois par le Tribunal administratif fédéral. Il était reproché à ce père d'avoir fait venir sa famille clandestinement en 2005 et d'avoir menti sur ce point. Un recours contre la décision de renvoi, avec effet suspensif, a été déposé avant l'été par son avocat auprès de la Commission cantonale de recours en matière administrative. La politisation et la forte médiatisation de son cas auront finalement eu raison de la sévérité fédérale. C'est du moins l'analyse de Musa Selimi, qui ne sait par qui commencer pour adresser ses remerciements, tant de personnalités ou d'anonymes ayant soutenu sa famille. Le chanteur populaire Alain Morisod, qui avait mis sa notoriété au service des Selimi, s'était rendu le 7 juin à Berne avec des politiciens genevois – notamment Jean-Charles Rielle (PS) et Luc Barthassat (PDC) – pour convaincre la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf et le chef de l'ODM, Alard du Bois-Reymond, de la parfaite intégration de la famille à Genève. «Manifestement, nous avons été persuasifs. Je suis fière de cette conseillère fédérale qui a compris que M. Selimi était intègre et honnête.»
Nouveaux éléments
Marie Avet, porte-parole de l'ODM, conteste que son office ait cédé à la pression politico-médiatique: «La décision de régularisation a été prise en réponse à la demande de réexamen déposée [le 1er juillet] par le canton de Genève, en tenant compte de nouveaux éléments.» A savoir la «parfaite intégration» de la famille en Suisse et «des raisons de santé», que l'ODM ne veut pas détailler pour une question de confidentialité. La famille détient maintenant un permis de séjour qui devra être renouvelé chaque année avant l'obtention d'un permis d'établissement.
De son côté, l'UDC genevoise, qui a toujours prôné la fermeté dans cette affaire, regrette que «l'émotionnel ait surpassé le droit», selon les termes de sa nouvelle présidente Céline Amaudruz. Elle craint que ce «mauvais exemple» ne fasse boule de neige.
Marie Avet réplique en répétant que «la famille Selimi remplit toutes les conditions des cas de rigueur» et insiste sur la politique fédérale de l'examen des dossiers au cas par cas: «Il est hors de question de pratiquer des régularisations collectives.» Du côté de Genève, le chef de l'Office cantonal de la population Bernard Ducret se dit également satisfait de cette politique, le canton étant en général «relativement bien suivi» lorsqu'il présente des dossiers à Berne. Il se réjouit de l'issue heureuse du cas des Selimi, «dont la procédure a été particulièrement difficile. Cela prouve que nous avions vu juste.»
Musa Selimi, de son côté, est plus que soulagé: «J'ai mis vingt ans pour en arriver là.» Soit la moitié de sa vie. Il compte rester «quelqu'un de bien» et se consacrer à l'éducation de ses enfants. Mais il n'oublie pas pour autant toutes les personnes qui sont dans son ancienne situation: «J'espère que mon cas va aider à régler ceux des autres, si possible bien plus rapidement.»
«Il y a 160 000 Musa Selimi en Suisse! Il faut absolument que notre pays opte pour une régularisation collective», plaide pour sa part Alain Morisod. Jean-Charles Rielle annonce de son côté le dépôt, lors de la prochaine session des Chambres fédérales, d'une motion pour introduire la notion de prescription: «Elle permettrait de régulariser les clandestins vivant en Suisse depuis de nombreuses années.»
Rachad Armanios dans le Courrier
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