Seul élu de droite à l'exécutif de la Ville de Genève et président de la Commission fédérale pour la jeunesse, le libéral-radical refuse que l'on offre des places d'apprentissage à des clandestins. Propos recueillis par Titus Plattner dans le Matin Dimanche.
Image © Valdemar Verissimo
Pierre Maudet, Lausanne a décidé d'engager des apprentis sans-papiers. Et au Conseil national, des élus de droite ont voté pour une telle ouverture. Vous, vous êtes contre: pourquoi?
Je dirais que vouloir engager des apprentis sans papiers est une démarche généreuse et pleine de bons sentiments. Dans le cas précis, il s'agit d'un coup d'esbroufe politique.
Comment ça?
Le problème des sans-papiers est bien réel, mais ce n'est pas un problème d'apprentissage. Les effets de cette initiative seront nuls: une fois leur apprentissage terminé, ces jeunes sans-papiers n'auront pas de travail. On leur crée de faux espoirs; on remplace simplement une hypocrisie par une autre et on reporte le problème.
Les jeunes sans-papiers ont droit à une scolarité obligatoire. Alors pourquoi pas à une formation professionnelle?
La Convention des droits de l'enfant, que la Suisse a signée et que je soutiens pleinement, prévoit qu'un jeune a droit à l'éducation. Seulement, cela n'engendre pas le droit d'exercer un métier. L'accepter pour les sans-papiers serait un message pernicieux qui va à l'encontre des démarches entreprises ces dernières années pour lutter contre le travail au noir. Imaginez un peu: la Municipalité de Lausanne a des inspecteurs du travail notamment chargés de lutter contre le travail au noir. Ces derniers seraient-ils censés fermer les yeux sur ce qui se passe dans leurs propres bureaux?
Reste que l'apprentissage peut être considéré avant tout comme une formation.
C'est une formation duale, avec des cours et du travail en entreprise. Selon la loi, ces jeunes travaillent. Au niveau fédéral, cette filière dépend d'ailleurs du Département de l'économie de Madame Leuthard. Quand certaines Municipalités annoncent qu'elles prendront des clandestins comme apprentis, elles plantent les germes de la xénophobie.
De la xénophobie?
Oui. Car en annonçant cela, elles s'engagent à recruter spécifiquement au moins tant de sans-papiers sur la prochaine volée d'apprentis. Cette priorité à l'engagement est une forme de discrimination positive. Que diront les autres jeunes, suisses ou étrangers, qui sont légalement en Suisse, mais qui n'ont pas trouvé d'apprentissage? C'est un boulevard pour les populistes qui demanderont de renoncer à toute formation des sans-papiers, même à la formation obligatoire des mineurs.
Donner un métier à ces jeunes, c'est aussi faciliter leur retour dans leur pays d'origine.
Ces jeunes doivent pouvoir se construire un avenir ici ou ailleurs. C'est pour cela que je soutiens les solutions au cas par cas, comme le préconise d'ailleurs la Confédération. A moins d'être pour une libre circulation totale des travailleurs au niveau planétaire, le cas par cas reste la seule solution. Les régularisations en masse de certains pays n'ont fait qu'attirer de nouveaux clandestins. Il est d'ailleurs assez piquant de relever le silence des syndicats sur le débat actuel.
Votre collègue de l'exécutif de la Ville de Genève, la socialiste Sandrine Salerno, elle, s'est exprimée en faveur des apprentis sans papiers.
Je respecte la position personnelle de Madame Salerno. Cela dit, je pense que sa position n'est pas responsable. Cette discussion n'est pas agendée pour le moment, mais je me réjouis que le Conseil administratif de la Ville de Genève puisse en débattre. Le Conseil d'Etat genevois, par la voix du socialiste Charles Beer, lui, a été clair: il n'y a pas de place pour des solutions extralégales.
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