Sans juger sur le fond, la Cour européenne des droits de l’homme dénie aux requérants la qualité de victimes de l’interdiction des minarets.
La Cour européenne des droits de l’homme juge irrecevables deux requêtes arguant que l’interdiction des minarets violerait la Convention européenne des droits de l’homme. Sans juger sur le fond, la majorité des sept juges ne considère pas les requérants comme des victimes de la modification constitutionnelle acceptée le 29 novembre 2009 par 57,5% des votants suisses. Ces décisions sont définitives.
Les requêtes avaient été déposées les 15 et 16 décembre 2009 par Hafid Ouardiri, coprésident de la Fondation genevoise de l’entre-connaissance, et par la Ligue des musulmans de Suisse avec trois autres organisations. Les requérants soutenaient que l’interdiction de construire des minarets constituait une violation de la liberté religieuse et une discrimination en raison de la religion. Face à l’irrecevabilité de sa requête, Hafid Ouardiri ne se dit ni surpris ni découragé: «Il s’agissait de réagir rapidement et en bonne et due forme à la votation. Nous avons déclenché un processus. La décision de Strasbourg sous-entend qu’une requête d’une victime peut être recevable, et il y en aura», avance-t-il.
La disposition heurte les convictions religieuses des requérants, mais n’a aucun effet concret à leur égard, précise la Cour. Ni victimes directes ni indirectes, ils ne le sont pas non plus potentiellement puisqu’ils n’ont pas soutenu qu’ils pourraient envisager dans un avenir proche la construction d’une mosquée pourvue d’un minaret. Par ailleurs, la Cour estime que «les juridictions suisses seraient en mesure d’examiner la compatibilité avec la Convention d’un éventuel refus d’autoriser la construction d’un minaret». «La norme constitutionnelle doit donc être mise à l’épreuve d’un examen de conformité de son application», communique le collège d’avocats de M. Ouardiri, dont Me Pierre de Preux. «Cette motivation est positive et encourageante car on voit mal comment il en résulterait autre chose que ce que le Gouvernement fédéral a déjà clairement énoncé au moment du vote (...): l’interdiction viole la liberté religieuse et est discriminatoire.»
La Cour «renvoie l’Etat suisse à ses responsabilités, se réjouit M. Ouardiri. Il faut une volonté politique pour que la démocratie directe ne devienne pas une poubelle à émotions.» Il plaide pour la création d’une Cour constitutionnelle qui puisse juger la validité d’une initiative.
«Strasbourg n’a pas jugé sur le fond et botte en touche», commente à son tour l’UDC Oskar Freysinger, l’un des initiants contacté durant ses vacances en Corse. Strasbourg renvoie aux juridictions suisses mais, justement faute d’une Cour constitutionnelle, aucune ne peut invalider une décision prise par le peuple suisse, déclare-t-il. «C’est pourquoi, même un cas concret ne sera jamais jugé recevable par Strasbourg. Cette interdiction risque bien d’être respectée.»
La seule façon de la contrer est d’en appeler au peuple avec une nouvelle initiative, comme veut d’ailleurs le faire le Conseil central islamique suisse présidé par Nicolas Blancho, conclut-il.
Rachad Armanios dans le Courrier
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