Les adolescents qui fréquentent le Centre d’animation et de rencontre de Renens sont pour la plupart inscrits dans une équipe de foot. Et hors du terrain, ils dribblent au baby-foot ou sur leur console.
A Renens (19 000 habitants), ça joue au foot, ça discute foot, ça ne vibre que pour le foot. Sur les places de jeu, en cour de récréation, sur les places ou les terrains de la ville. Et quand la nuit tombe, ça continue: les 10-20 ans s’excitent encore autour d’un baby-foot ou se défient sur pelouses virtuelles, derrière leur console de jeux vidéo.
Un phénomène populaire qui frise le cliché, dans cette ville aux 120 nationalités et à la population à majorité immigrée? Pas si sûr: trois quarts des garçons qui fréquentent le Centre d’animation et de rencontre (CRA) sont inscrits dans une équipe. Le FC Renens a 300 juniors dans ses rangs. Et l’hiver passé, lorsque la Municipalité a mis une salle multisport à la disposition des adolescents, 80% des réservations ont été effectuées par des teams de quartier, fans de ballon rond.
«Avant d’entrer en fonction, je n’étais pas un féru de foot. Depuis, j’ai vraiment dû m’y mettre», sourit Nicolas Perelyguine. Une révision de connaissances footballistiques indispensable au délégué jeunesse de Renens, s’il voulait tisser des contacts avec les jeunes et réussir à écouter leurs revendications afin de les soutenir dans leurs projets.
«Ici,ilyalehip-hop, le rap et le foot!» confirme de son côté Valeria Mainini Schenk, coordinatrice du CRA, qui doit souvent jouer d’astuce pour qu’ils fassent autre chose que de shooter dans un ballon. Comme cet atelier créatif qui attire du monde surtout lorsqu’il permet de préparer des maillots pour une prochaine compétition sportive.
Moyen de reconnaissance
Mais pourquoi un tel engouement? «C’est une discipline facile d’accès et bon marchée, qui est donc ouverte à toutes les couches sociales», avance sans hésitation Jean-Pierre Bonnet, président des juniors au club de la ville. Elle devient gage de reconnaissance lorsque la réussite est au rendezvous. «Certains jeunes manquent nettement de projet de vie, de rêves, d’investissement associatif, note Valeria Mainini Schenk. Dès qu’ils peuvent s’illustrer un peu dans le foot, ça les valorise aux yeux des autres.» Un sport peu cher, mais aussi apprécié fanatiquement à travers le monde entier. «A l’entraînement, on voit arriver parfois des étrangers qui débarquent tout juste en Suisse», témoigne Pino Vasquez, entraîneur au FC Renens qui réunit 60 nationalités différentes. «Le foot devient dès lors un excellent facteur d’intégration.» Et Jean-Pierre Bonnet d’expliquer: «A l’école, l’apprentissage de la langue, par exemple, est synonyme de travail. Sur un terrain, ça devient un jeu.»
Une seule identité
La compétition entre nations constitue, bien entendu, le ressort principal des grands championnats. Mais dans une même équipe locale et sur le terrain, plus questions de rivalités ethniques ou de fiertés nationalistes. L’espace d’un entraînement, l’Afrique redevient un seul continent. Et la préparation à un match suffit à permettre aux Balkans de se redécouvrir une alliance. «En jouant, les jeunes n’ont plus qu’une seule identité, celle du football, indépendamment de leur pays d’origine», observe Marta Pinto, déléguée à l’intégration dans l’ancienne cité ouvrière. Le sport remplit, alors, tout seul un rôle essentiel pour la cohésion entre suisses et étrangers.
Sans compter que le jeu devient souvent une école de vie pour les jeunes Renanais. A leur propre instigation, plusieurs groupes ont mis sur pied, l’an dernier, des tournois amicaux qui ont, à chaque fois, rencontré un impressionnant succès et réuni une centaine de joueurs et spectateurs. Nicolas Perelyguine: «Ils avaient une espèce de fierté à dire: «C’est notre tournoi. » Mais, surtout, ils assumaient entièrement l’organisation, veillant à la sécurité et aux règles de fairplay. Le football permet, là, de canaliser une énergie magnifiquement positive, tout en leur apprenant à défendre des valeurs importantes.»
Un article de Gérald Cordonier dans 24 Heures
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