Amina Benkais, Franco-Marocaine, prend la tête du Bureau vaudois de l’intégration.
Elle est toujours l’étrangère de quelqu’un. En Suisse, où cette Franco-Marocaine détentrice d’un permis C a débarqué en 1999. En France, où elle avait migré pour ses études. Et Amina Benkais est doublement étrangère au Maroc, où ses origines aisées la mettaient déjà à l’écart. Ces expériences ne sont peut-être pas pour rien dans les choix professionnels de la future responsable du Bureau vaudois de l’intégration. Mais cette quadragénaire attribue davantage son engagement à sa sensibilité face aux injustices sociales, héritée de ses parents, qu’à ses origines. Qu’elle vit très bien. «Je navigue sans malaise et sans déchirement d’une culture à l’autre.»
Un plus, pas un alibi
Sa spécialisation dans les migrations s’est en fait tissée de fil en aiguille. De Bordeaux, elle a suivi à Neuchâtel son mari engagé chez Swatch. Docteure en droit, elle est alors engagée pour mener une recherche à l’Université sur le droit des musulmans. Un pas de côté et la voici au Service de la cohésion multiculturelle de Neuchâtel de 2002 à 2010, où elle remplit des mandats intercantonaux sur les violences faites aux femmes, du mariage forcé à la prostitution. Cet intérêt la conduit à lancer un projet de coordination romande sur ce thème au sein de l’organisation Terre des femmes Suisse. C’est au terme de ce parcours que l’annonce pour le poste de déléguée vaudoise à l’Intégration lui tombe dessus. Alors, non. L’étiquette d’étrangère ne justifie pas son job. «C’est un plus, et j’en suis heureuse. Mais il y a d’abord une bonne formation et une addition de compétences», affirme-t-elle.
Amina Benkais est toute petite, mais elle n’a pas l’air du genre à s’aplatir. Energétique. Déterminée. Mais aussi souriante, joyeusement volubile. Cette amoureuse de la création – elle écrit, invente en cuisine et «peinturlure» – craque pour les jobs qui lui permettent d’innover et d’être utile. D’ailleurs, à quoi sert un Bureau de l’intégration? Pour elle, le titre relève un peu d’un idéal. Avant de parler d’intégration, elle constate des problèmes «plus aigus»: l’accès des étrangers à la formation, au marché du travail et, pour les femmes, à une socialisation.
Et quelles innovations imagine-t-elle? La déléguée à l’Integration, qui entre en fonctions en septembre, aimerait initier de nouvelles synergies, en particulier avec le domaine privé. Elle est convaincue par une collaboration qu’elle a établie avec le groupe Swatch: «Une entreprise a souvent des appréhensions vis-à-vis des étrangers, hésitant à engager des gens dotés d’un permis F, parce que c’est trop compliqué ou qu’elle craint qu’ils ne partent rapidement. On pourrait lui faciliter la tâche.» En matière de synergies, elle pense aussi aux communes, actives sur le front de l’intégration. «Il faut faire attention aux doublons, éviter les pertes de temps, d’énergie et le gaspillage d’information.»
Vivre sur place
Amina Benkais a un autre défi à relever, plus terre à terre: trouver un logement dans le canton de Vaud. «Il faut sentir les frémissements de la société. Plein de choses nous échappent si on n’est pas sur place. Lorsque je me promène à Neuchâtel, il n’y a pas un jour où je ne suis pas arrêtée par quelqu’un.» Au point que ses filles – 7, 12 et 16 ans – en ont ras-le-bol de sortir avec elle, sourit-elle.
En attendant d’éplucher les petites annonces, elle va assouvir sa passion des voyages. «Plus c’est loin, plus il y a de risque, plus j’aime.» Mais le Maroc reste le seul endroit où elle se ressource, vêtue de ses habits traditionnels: «Une façon de déposer mon étiquette visible d’étrangère. »
Laure Pingoud dans 24 Heures
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