L’ambassade a obtenu de l’ODM de ne plus faire passer des auditions et de privilégier des demandes écrites. Jusqu’à l’intervention du TAF.
L’affaire des demandes d’asile irakiennes en déshérence en rappelle furieusement une autre. Plusieurs Erythréens réfugiés au Soudan ont eu, depuis 2004, des problèmes similaires en venant déposer une demande d’asile à l’ambassade de Suisse à Khartoum. Selon certaines informations, l’ambassade a, après un accord passé avec l’Office fédéral des migrations (ODM), pris des mesures pour éviter de procéder à des auditions. Des Erythréens auraient ainsi, dans une certaine confusion, été renvoyés à plusieurs reprises par du personnel de la mission. Walter Donzé (PEV/LU) s’en est offusqué. Il a relevé ces inquiétudes dans une interpellation déposée en septembre 2009 au parlement. Le conseiller national s’inquiétait en particulier du sort des femmes et des enfants «qui ont pris à leur tour le chemin de l’exil face à des menaces d’emprisonnement parce que leur conjoint ou leur mari a fui l’Erythrée», et qui «attendent pendant des mois leur audition dans la ville de Khartoum hostile aux femmes».
Malgré la hausse de réfugiés
Dans sa réponse, le Conseil fédéral ne nie pas que des difficultés se sont présentées. Il commence par rappeler un arrêt de principe (ATAF 2007/30) du Tribunal administratif fédéral. Cet arrêt «précise que l’on peut renoncer à procéder à une audition pour des raisons d’organisation ou de capacités dans la représentation suisse ou à cause d’obstacles de fait dans le pays concerné». Mais dans un tel cas, la procédure se déroule par écrit en garantissant l’exercice du droit d’être entendu. Plus loin, le Conseil fédéral confirme que «suite à un échange épistolaire avec l’ambassade suisse à Khartoum en décembre 2008, l’ODM a conclu qu’en raison de la pénurie du personnel régnant sur place, il n’était en principe plus possible d’y effectuer des auditions et que la disposition d’exception évoquée par le TAF était par conséquent applicable». En gros, le feu vert a été donné pour dire aux requérants de déposer une demande écrite.
Sauf que voilà: le Tribunal administratif fédéral s’en est mêlé, le 7 juillet 2009. Et il a estimé, dans le cas d’espèce, que, «contrairement à l’appréciation de l’ODM et malgré la hausse du nombre de réfugiés sur place», la représentation suisse au Soudan était en mesure de questionner oralement les requérants. Retour à la case départ.
Un interprète engagé
Par une lettre datée du 17 juillet 2009, soit dix jours plus tard, l’ODM a informé l’ambassade à Khartoum de cet arrêt et l’a «invitée» à procéder aux auditions. «Malgré les difficultés de recrutement, l’ambassade est parvenue, le 20 août déjà, à trouver, instruire et engager un interprète. Depuis lors, l’ambassade à Khartoum procède régulièrement à des auditions sur mandat de l’ODM», lit-on dans la réponse. Le Conseil fédéral ajoute que les informations de Walter Donzé selon lesquelles l’ODM ou l’ambassade de Suisse éviteraient des auditions ou renonceraient sciemment à récolter des preuves, comme des analyses d’ADN, apparaissent du coup infondées. Reste que l’ambassade, débordée, a bien tiré la sonnette d’alarme. Et l’ODM a bien donné l’ordre, dans un premier temps, de renoncer aux auditions.
Des difficultés ont aussi surgi à l’ambassade de Suisse au Sri Lanka. La NZZ am Sonntag mentionne, elle, d’autres «irrégularités». Mais dans le sens inverse. L’ODM a, selon le journal dominical, demandé ces derniers mois à l’ambassade de Suisse à Tunis d’accorder des visas à près de 100 requérants, la plupart Erythréens, en se montrant, semble-t-il, moins regardant que d’habitude.
Valérie de Graffenried dans le Temps
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