mercredi 7 septembre 2011

Contrôle de l'exécution des renvois : la FEPS a-t-elle pris la bonne décision?

La décision de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) de se charger du contrôle de l’exécution des renvois pour une période pilote de six mois a soulevé des vagues. Était-ce une bonne décision ? La FEPS aurait pu, sans aucun doute, se tenir à l’écart de cette délicate question de l’exécution des renvois, elle aurait pu continuer à se réclamer des droits humains et de la dignité humaine sans prendre elle-même de responsabilité. Échappant ainsi au danger de se salir les mains. Aurait-elle pour autant été crédible ?

walter schmid En 1985, les Églises avaient exprimé leur position dans une déclaration à propos de la politique sur les réfugiés : il s’agissait d’être du côté des réfugiés. Cette position était courageuse, les Églises proposaient ainsi une orientation non seulement à leurs membres, mais aussi à la société. Depuis lors, elles s’y sont tenues dans tous les débats concernant la politique d’asile, même lorsque, bien souvent, les fidèles ne les ont pas suivies à l’occasion des votations.

Le fait d’être aux côtés des réfugiés n’a jamais voulu dire, pour les Églises, que tout requérant d’asile devait se voir reconnaître la qualité de réfugié, ni qu’il fallait lui accorder le droit de rester en Suisse. Mais plutôt que celles et ceux qui se trouvent dans la misère et la détresse peuvent compter sur elles. Cette affirmation concerne particulièrement les personnes les plus vulnérables, celles que l’on renvoie et dont il faut préserver la dignité, même lorsqu’elles ne peuvent pas faire valoir leur droit à l’asile.

Voici maintenant une trentaine d’années que les services d’entraide des Églises se sont chargés des procédures d’asile. Leurs représentants participent aux enquêtes. S’ils ne peuvent pas influencer directement le résultat de la procédure officielle, leur présence, leurs questions, la transmission de leurs observations contribuent à créer un climat favorable dans ces enquêtes, à élucider la situation et à garantir le respect dans la relation avec les requérants. Des milliers de militants et militantes, pour une bonne part citoyens et citoyennes engagés dans les Églises, ont accompli dans le passé ce travail utile, se chargeant ainsi d’une responsabilité concrète.

Ne pas être des auxiliaires des organes officiels de l’État

N’est-il donc pas logique que les services d’entraide et les Églises soient impliqués de façon indépendante dans le suivi des renvois ? Cela ne fait pas d’eux des auxiliaires des organismes d’État. Ils n’agissent pas à la place des autorités qui doivent prendre la responsabilité de cette tâche extrêmement pénible. Mais ils contribuent au respect de la dignité  des personnes concernées par l’exécution de cette procédure, jusque dans  cette situation extrême.

Pour un suivi crédible, il est en tout cas indispensable de bien répartir les rôles, de définir les possibilités d’intervention et de garantir l’indépendance. C’est le cas ici. Les droits humains et la dignité humaine ne sont pas des concepts abstraits auxquels on pourrait ou non adhérer. Ce qui compte, c’est qu’ils soient mis en œuvre au quotidien. Là où s’exerce la contrainte d’État, ces notions se trouvent particulièrement menacées. En s’engageant, l’Église ne perd pas de sa crédibilité, elle en acquiert si, justement, elle ne cherche pas à se dérober devant cette difficile question des renvois. (RR)

Walter Schmid* dans ProtestInfo

 

 

*Le texte de Walter Schmid a été publié dans l'hebdomadaire réformé alémanique reformierte presse le 5 août. Il répondait à Pierre Bühler, professeur de théologie à l'Université de Zurich, qui avait publié un texte critique début juillet dans reformierte presse et ProtestInfo**. M. Schmid est directeur de la Hochschule Luzern Soziale Arbeit et membre du conseil de fondation d’EPER, l'oeuvre d'entraide protestante.

**Lire ou relire le texte de Pierre Bühler, intitulé : La FEPS et les renvois forcés de l’ODM : Une décision problématique concernant un dilemme difficile

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