A 70 ans, l’UDC revient pour les élections fédérales. Selon lui, la Suisse peut vivre sans accords bilatéraux.
Christoph Blocher est bien vivant. Le Zurichois, que l’on donnait pour mort suite à son éviction du Conseil fédéral en 2007, se présente au Conseil des Etats et au National en octobre. S’il a pris un petit coup de vieux, sa conviction de devoir sauver la Suisse contre l’immigration et l’Union européenne (UE) est intacte depuis 1979. A 70 ans, le vice-président de l’UDC mène sa dernière guerre. Pour la gagner, il est prêt à mourir sur scène. Interview.
N’êtes-vous pas trop vieux pour siéger au parlement?
Non, j’ai beaucoup d’expérience. C’est d’ailleurs pour cela que les Jeunes UDC sont venus me chercher. Mais j’avoue que j’ai un peu moins d’énergie qu’eux.
Ne craignez-vous pas la maladie ou le vieillissement?
Peut-être que ma santé me lâchera, mais, ces cinquante dernières années, je ne suis allé à l’hôpital qu’une fois pour une opération de l’intestin, lorsque je siégeais au Conseil fédéral. Personne n’en a rien su! Avec l’âge, j’aurai peut-être moins de repartie, mais, pour l’heure, je suis en pleine forme.
Etes-vous sur Facebook?
Face… quoi? ( Ndlr.: son porte-parole lui explique qu’il a dix profils à son nom, mais aucun compte officiel.) J’avoue que je ne suis pas un amateur de ces technologies. Je n’ai pas de télévision, je ne vais jamais sur internet et ne sais pas me servir d’un iPhone. Cela me permet de rester concentré sur l’essentiel.
L’essentiel se résume aux mêmes thèmes depuis 30 ans.
C’est qu’ils sont d’actualité! La Suisse doit rester autonome face à l’Europe. C’est pour cela que je veux revenir au parlement. Contrairement à ce que disent certains, je ne reviens pas pour me venger de mon éviction du Conseil fédéral, mais pour défendre mes idées.
L’une d’elles est la limitation de l’immigration en Suisse. Votre parti lance d’ailleurs une initiative pour renégocier la libre circulation avec l’UE. En tant qu’ancien patron, y croyez-vous ou cherchez-vous un thème de campagne?
Cette initiative permet certes de rappeler nos positions aux électeurs, mais je crois aussi que l’immigration est trop importante en Suisse. Elle fait augmenter les loyers, surcharge nos transports, met les salaires sous pression. Il faut réintroduire des contrôles aux frontières. S’assurer que les emplois sont offerts aux Suisses d’abord, et que les immigrés viennent seulement lorsqu’ils ont un contrat de travail. Et créer des contingents maximums chaque année.
Vous parler de pression sur les salaires. Pourtant votre parti a toujours refusé d’instaurer plus de contrôles et de mesures d’accompagnement.
Ces mesures sont des outils de régulation. Il est bête d’ouvrir les frontières s’il faut ensuite prendre sans cesse des mesures en plus. C’est une perte de temps de devoir vérifier chaque cas de dumping salarial. Il faut une solution globale négociée avec Bruxelles.
Mais EconomieSuisse craint que Bruxelles refuse et rejette l’accord sur la libre circulation et, du coup, tout le paquet des accords bilatéraux…
C’est un risque. Mais la menace restera une menace. L’UE a intérêt à négocier, puisque c’est elle qui profite le plus de la libre circulation. Et, soyons honnêtes: la Suisse s’en sortirait très bien sans les accords bilatéraux. Nous avons des liens directs forts avec les pays européens. Il y a vingt ans, lors de la votation sur l’Espace économique européen, l’économie disait aussi que notre pays allait sombrer en cas de refus. Aujourd’hui, elle reconnaît que notre pays s’en sort mieux ainsi. C’est vrai que les entreprises auront plus de peine à engager du personnel si notre initiative passe, mais l’économie du pays s’en sortira mieux.
Vous dites être le parti du peuple. A-t-il toujours raison?
Non. La voix du peuple n’est pas la voix de Dieu, ni celle du gouvernement. Mais c’est important, dans une démocratie, d’accepter les résultats d’une votation.
Pourquoi ne le faites-vous pas cette fois-ci? Le peuple a accepté toutes les votations sur la libre circulation…
Mais nous respectons ses décisions! Cette initiative ne tente pas de revenir en arrière, mais d’adapter un système après en avoir fait l’expérience. Du reste, cette fois-ci encore, le peuple décidera au final.
Vous serez sans doute élu, sinon aux Etats, au moins au National. Combien de temps resterez-vous à Berne?
Je m’en irai seulement quand j’aurai le sentiment que mes idées ont été écoutées… et adoptées.
Nadine Haltiner, Zürich, dans 24 Heures
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