mercredi 2 mars 2011

Les requérants du «bunker» ne font plus peur aux Boveresses

L’hébergement de 50 requérants dans un abri PCi avait inquiété. Visite du quartier un mois plus tard

Malabar débonnaire, Vincent est un vigile qui a en vu d’autres: «Ici, tout est tranquille. Rien de fâcheux à signaler.» Ici, c’est la «structure de jour» de l’abri du complexe scolaire de Coteau Fleuri, perché sur une hauteur lausannoise.

La crainte de l’inconnu

Depuis un mois, une cinquantaine d’«hommes seuls au bénéfice de l’aide d’urgence» sont hébergés dans le quartier des Boveresses. L’arrivée de ces requérants d’asile déboutés avait poussé à la manifestation des mères d’élèves.

Le 2 février au soir, une quinzaine d’entre elles avaient protesté dans le préau contre ce nouveau voisinage. Maria Gonzales n’était pas la moins remontée. Aujourd’hui, du haut de son jardin qui surplombe l’entrée de l’abri, elle dédramatise: «Mine de rien, tout se passe bien.» Le soir de la manif déjà, puis le 16 février lors d’une rencontre plus formelle, les responsables de l’Etablissement vaudois pour l’accueil des migrants (EVAM) ont rencontré les gens du quartier que la situation préoccupait.

Directeur de cette institution mandatée par l’Etat pour gérer l’hébergement des requérants dans tout le canton, Pierre Imhof indique que ces discussions se prolongeront avec la constitution d’un groupe de contact. «Des habitants nous ont apporté de la nourriture pour nos pensionnaires», relève Pascal Rochat, responsable du secteur lausannois de l’EVAM, pour souligner l’évolution du climat.

Le dilemme de l’«info»

Maria Gonzales tient tout de même à exprimer un reproche. «Si on avait pris la peine de nous informer avant l’arrivée des requérants, nous n’aurions pas alarmé nos enfants en manifestant dans la cour de leur école.» Pascal Rochat accepte la critique: «Mais nous étions confrontés à un dilemme.»

Le 5 janvier, des heurts s’étaient produits entre la police et des requérants du foyer que l’EVAM gère à Nyon. «Comme d’autres, cette structure était saturée, rappelle Pierre Imhof. En décembre déjà, nous avions obtenu l’autorisation de la Municipalité de Lausanne d’ouvrir l’abri de Coteau Fleuri.»

Pour l’EVAM, ces 50 places supplémentaires étaient indispensables. Mais l’annonce anticipée du transfert aux Boveresses d’une vingtaine de requérants de Nyon aurait pu provoquer des oppositions insurmontables. Responsable politique du dossier, le Département vaudois de l’intérieur a décidé qu’il valait mieux informer au moment du déménagement. D’autant que le bail de la structure de jour a été signé in extremis.

abri pc coteau fleuri

En parallèle, plusieurs dispositions ont été prises pour que l’installation des requérants aux Boveresses dérange le moins possible. Fermeture de l’abri entre 9 et 23 heures, itinéraire évitant les places de jeux pour rejoindre la structure de jour, surveillance régulière des lieux par la police… «L’EVAM a mis les points sur les i. Et cela a l’air de jouer», admet Maria Gonzales.

Incitations au départ

Vu de l’intérieur, cela joue moins bien. Ce mardi matin, Ibrahim, venu du Ghana, est dans tous ses états. Son copain a été malade toute la nuit: «Impossible de sortir de l’abri, impossible de téléphoner pour demander des secours à l’extérieur, c’est pas humain!» L’ambulance est arrivée dans la matinée.

Même en bonne santé, le sommeil est parfois difficile à trouver sous terre. Alors les requérants ont surnommé leur abri «le bunker de Guantánamo».

A 10 heures, dans la salle de la maison de jour qui sert de réfectoire, l’ambiance n’est pas meilleure. Les NEM n’ont droit qu’à une aide en nature. Mais quelques-uns se chargent de la mise en place des repas, de la vaisselle, des nettoyages. Ils touchent une «indemnité» de 37 fr. 50 par semaine. On leur avait promis de les payer ce 1er mars. Mais le transfert a pris du retard car, pour la première fois, le versement s’opère sur des cartes à prépaiement. Ce qui suscite passablement d’incompréhension et quelque énervement.

Dans leur ensemble, ces rudes conditions de vie visent à encourager les requérants frappés par une «non-entrée en matière» à s’en aller sous d’autres cieux. Mais il faut aussi éviter de faire trop monter la pression. Satisfait du comportement général de ses pensionnaires, Pascal Rochat a accepté de retarder la fermeture nocturne des portes de «Guantánamo» à 2 heures du matin.

Daniel Audétat dans 24 Heures

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