Au centre d'enregistrement de Vallorbe, il n'y a ni personnel médical ni assistants sociaux. Des agents privés y font tout, des nettoyages aux cours de langue. Un article signé Laurence Bron dans le Courrier.
Au centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe, l'encadrement des requérants d'asile est entièrement aux mains de sociétés privées. Pour s'occuper des 100 à 300 personnes qui y sont hébergées dans l'attente de leur attribution à un canton, il n'y a ni personnel médical ni assistants sociaux. Tous les jours de 6h30 à 22h, sept employés de l'entreprise ORS effectuent les tâches les plus diverses: conduire les requérants à leur audition, faire les nettoyages et la vaisselle, distribuer les repas, ou encore donner des leçons de français. Enquête.
Pas le temps d'écouter
«Nous n'avons pas le temps de jouer le rôle d'assistants sociaux, à savoir écouter les problèmes des requérants et répondre à leurs questions», témoigne Illan Acher, qui a été stagiaire bénévole au centre en 2009. «C'est dur psychologiquement pour eux car ils ne savent pas à qui s'adresser.» La firme ORS Services, établie à Zurich, gère les cinq centres d'enregistrement du pays.
Le maintien de l'ordre dans le centre est assuré par des agents de Securitas, qui reçoivent une formation spécifique avant d'arriver à Vallorbe. «Malgré les différences ethniques, il y a peu de problèmes entre les requérants d'asile, estime Illan Acher. C'est surtout la présence des Securitas qui est pénible. La communication est rendue difficile par le fait que beaucoup d'entre eux, comme certains assistants d'ORS, connaissent mal l'anglais. Et souvent, les agents de sécurité profitent de leur pouvoir par des provocations verbales, surtout au moment des repas où ils humilient les requérants en leur disant de manger plus vite ou par des réflexions désagréables, du racisme sous-jacent».
D'octobre à décembre 2009, plus de 300 requérants d'asile étaient entassés dans un centre qui compte 276 lits. «Aucune mesure supplémentaire n'a été prise pour accueillir ces personnes, relate un intervenant sous couvert de l'anonymat. La philosophie d'ORS vise le rendement, en employant du personnel peu qualifié et en lui offrant de bas salaires».
Infirmières superflues?
Auparavant, le centre était doté d'une «responsable médicale» qui avait une formation de factrice. Mais depuis décembre 2006, l'Office fédéral des migrations (ODM) a décrété pouvoir se passer de personnel médical. Les infirmières sont appelées seulement pour les contrôles sanitaires. La visite médicale est obligatoire dans les cinq jours après l'arrivée des requérants. Ces derniers doivent remplir un questionnaire pour dépister les cas de tuberculose. Aucune prise de sang n'est faite. En guise de prévention du sida, une vidéo est montrée aux requérants.
En cas d'urgence, les employés d'ORS appellent le médecin de garde de Vallorbe. Mais la notion d'urgence est sujette à interprétations. Kebele* était arrivé au centre avec sa femme enceinte de quatre mois. On lui a dit d'attendre le septième mois avant de consulter un médecin. Vu la situation, le couple aurait dû pouvoir quitter le centre rapidement. Or, il y est resté au-delà de la durée légale de soixante jours.
«J'aimais y travailler!»
Cécile Danthe, ancienne infirmière du centre, regrette la décision de l'ODM. «J'aimais énormément travailler là-bas même si c'était très éprouvant émotionnellement de découvrir les traces de balles dans le corps, des viols subis par les femmes et les enfants. C'est plus de 3500 consultations que nous effectuions chaque année au CEP de Vallorbe mais pour Berne, n'importe qui peut remplacer une infirmière! A l'époque, on radiographiait chaque requérant pour détecter les cas de tuberculose mais aujourd'hui on leur donne un questionnaire à remplir, dont les questions sont incompréhensibles même pour un Suisse.»
En dehors des agents privés, les seuls interlocuteurs des requérants d'asile sont les quatre aumôniers du centre, deux protestants et deux catholiques, qui se partagent les visites quatre jours par semaine. «Il y a souvent des rencontres avec tous les aumôniers des CEP de Suisse mais également entre les équipes d'ORS, de Securitas et de l'ODM à Vallorbe, relate l'abbé Richard Arnold. Si les conditions de travail sont difficiles, ce n'est pas à cause d'ORS mais à cause de la politique d'asile et de ses incidences administratives. Nous sommes tous conditionnés par les règles politiques. En revanche, il n'y a pas de problèmes entre les intervenants du centre.» I
Note : *Prénom d'emprunt.
Au centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe, l'encadrement des requérants d'asile est entièrement aux mains de sociétés privées. Pour s'occuper des 100 à 300 personnes qui y sont hébergées dans l'attente de leur attribution à un canton, il n'y a ni personnel médical ni assistants sociaux. Tous les jours de 6h30 à 22h, sept employés de l'entreprise ORS effectuent les tâches les plus diverses: conduire les requérants à leur audition, faire les nettoyages et la vaisselle, distribuer les repas, ou encore donner des leçons de français. Enquête.
Pas le temps d'écouter
«Nous n'avons pas le temps de jouer le rôle d'assistants sociaux, à savoir écouter les problèmes des requérants et répondre à leurs questions», témoigne Illan Acher, qui a été stagiaire bénévole au centre en 2009. «C'est dur psychologiquement pour eux car ils ne savent pas à qui s'adresser.» La firme ORS Services, établie à Zurich, gère les cinq centres d'enregistrement du pays.
Le maintien de l'ordre dans le centre est assuré par des agents de Securitas, qui reçoivent une formation spécifique avant d'arriver à Vallorbe. «Malgré les différences ethniques, il y a peu de problèmes entre les requérants d'asile, estime Illan Acher. C'est surtout la présence des Securitas qui est pénible. La communication est rendue difficile par le fait que beaucoup d'entre eux, comme certains assistants d'ORS, connaissent mal l'anglais. Et souvent, les agents de sécurité profitent de leur pouvoir par des provocations verbales, surtout au moment des repas où ils humilient les requérants en leur disant de manger plus vite ou par des réflexions désagréables, du racisme sous-jacent».
D'octobre à décembre 2009, plus de 300 requérants d'asile étaient entassés dans un centre qui compte 276 lits. «Aucune mesure supplémentaire n'a été prise pour accueillir ces personnes, relate un intervenant sous couvert de l'anonymat. La philosophie d'ORS vise le rendement, en employant du personnel peu qualifié et en lui offrant de bas salaires».
Infirmières superflues?
Auparavant, le centre était doté d'une «responsable médicale» qui avait une formation de factrice. Mais depuis décembre 2006, l'Office fédéral des migrations (ODM) a décrété pouvoir se passer de personnel médical. Les infirmières sont appelées seulement pour les contrôles sanitaires. La visite médicale est obligatoire dans les cinq jours après l'arrivée des requérants. Ces derniers doivent remplir un questionnaire pour dépister les cas de tuberculose. Aucune prise de sang n'est faite. En guise de prévention du sida, une vidéo est montrée aux requérants.
En cas d'urgence, les employés d'ORS appellent le médecin de garde de Vallorbe. Mais la notion d'urgence est sujette à interprétations. Kebele* était arrivé au centre avec sa femme enceinte de quatre mois. On lui a dit d'attendre le septième mois avant de consulter un médecin. Vu la situation, le couple aurait dû pouvoir quitter le centre rapidement. Or, il y est resté au-delà de la durée légale de soixante jours.
«J'aimais y travailler!»
Cécile Danthe, ancienne infirmière du centre, regrette la décision de l'ODM. «J'aimais énormément travailler là-bas même si c'était très éprouvant émotionnellement de découvrir les traces de balles dans le corps, des viols subis par les femmes et les enfants. C'est plus de 3500 consultations que nous effectuions chaque année au CEP de Vallorbe mais pour Berne, n'importe qui peut remplacer une infirmière! A l'époque, on radiographiait chaque requérant pour détecter les cas de tuberculose mais aujourd'hui on leur donne un questionnaire à remplir, dont les questions sont incompréhensibles même pour un Suisse.»
En dehors des agents privés, les seuls interlocuteurs des requérants d'asile sont les quatre aumôniers du centre, deux protestants et deux catholiques, qui se partagent les visites quatre jours par semaine. «Il y a souvent des rencontres avec tous les aumôniers des CEP de Suisse mais également entre les équipes d'ORS, de Securitas et de l'ODM à Vallorbe, relate l'abbé Richard Arnold. Si les conditions de travail sont difficiles, ce n'est pas à cause d'ORS mais à cause de la politique d'asile et de ses incidences administratives. Nous sommes tous conditionnés par les règles politiques. En revanche, il n'y a pas de problèmes entre les intervenants du centre.» I
Note : *Prénom d'emprunt.
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