Racisme: le Conseil de l’Europe critique la Suisse
«Elève un peu dissipé. A fourni des efforts mais peut mieux faire. Pas question de se reposer sur ses lauriers.» Voilà, en résumé, comment le Conseil de l’Europe noterait la Suisse dans un cahier d’école. Pas de bonnet d’âne, ni de relégation au fond de la classe près du radiateur, mais pas de prix d’excellence non plus. Dans son rapport publié ce matin, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) mise en place par l’organisation se montre même assez critique. La Suisse devrait cette fois y prêter un peu plus d’attention que d’habitude: elle présidera dès novembre le Conseil de l’Europe pour six mois. Et compte faire des droits de l’homme sa priorité, notamment via une réforme de la fameuse Cour européenne…
Le dernier rapport de l’ECRI consacré à la Suisse remontait à janvier 2004. Depuis, des progrès ont été accomplis, note la commission. Avec la nouvelle loi sur les étrangers entrée en vigueur en 2008, cantons et communes tiennent compte des objectifs d’intégration et «créent des conditions propices à l’égalité des chances et à la participation des étrangers à la vie publique». L’ECRI salue aussi le fait que, depuis janvier 2009, toute décision de naturalisation négative doit être justifiée et susceptible de recours judiciaire.
Voilà pour la distribution des bons points. L’énumération des mauvais est bien plus longue. L’article 261 bis du Code pénal, la fameuse norme antiraciste dont l’UDC veut la peau, continue de présenter «des zones d’ombre et des failles dans son interprétation». Et reste «incomplet pour lutter efficacement contre tous les actes racistes», commente la commission. Une allusion notamment aux discriminations qui touchent principalement les ressortissants de Turquie, des Balkans et d’Afrique en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la santé ou encore à l’assurance automobile.
L’UDC montrée du doigt
L’ECRI s’inquiète aussi de l’«inquiétant durcissement dans le discours politique». Et vise l’UDC «dont le discours a pris ces dernières années une tournure raciste et xénophobe qui se traduit par des généralisations racistes concernant les non-ressortissants suisses, les musulmans et d’autres groupes minoritaires dans la parole, les images et les propositions concrètes faites ou soutenues par ce parti au parlement ou directement au peuple».
Mieux former la police
On en vient aux recommandations. L’ECRI demande d’abord à la Suisse de ratifier plusieurs instruments juridiques internationaux dont le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit une interdiction générale de la discrimination. Ensuite, Berne devrait ériger en infractions pénales le fait de porter des signes et symboles racistes en public et de créer ou de participer à des groupements qui promeuvent le racisme.
L’ECRI attend aussi de la Suisse qu’elle forme mieux la police, les procureurs, les juges et les futurs professionnels du droit par rapport à la portée et l’application de l’article 261bis du CP. Autre point relevé: la Suisse devrait s’intéresser de plus près aux «conventions d’intégration» mises sur pied par certains cantons. «Pour bien vérifier que les sanctions applicables n’ont pas un effet contre-productif sur l’intégration des personnes concernées ou sur le climat et le débat public entourant les groupes cibles».
Elle juge aussi que la Suisse devrait faciliter les naturalisations des deuxième et troisième génération. La situation des Roms et l’«antitsiganisme», particulièrement exacerbés à Genève, sont aussi évoqués dans le rapport de 59 pages. Sur ce point, l’ECRI recommande aux autorités suisses de mener des recherches sur les Roms histoire de mieux les cerner et de prévoir une campagne de sensibilisation pour lutter contre l’intolérance dont ils sont victimes.
«Des lois ne suffisent pas»
Préoccupée par la situation précaire des requérants d’asile, la commission, qui relève les durcissements de la dernière législation, se dit «inquiète d’apprendre des autorités qu’elles envisagent de restreindre encore plus l’accès à la procédure de demandes d’asile à l’avenir». Et recommande là aussi de lancer une «campagne nationale de sensibilisation contre les préjugés et les stéréotypes racistes qui visent les demandeurs d’asile et les réfugiés…
Les visites en Suisse en 2006 de Doudou Diène, le rapporteur spécial de l’ONU sur le Racisme, et, en 2004, d’Alvaro Gil-Robles, le commissaire européen aux Droits de l’homme, s’étaient soldées par des conclusions et recommandations similaires. Le rapport du Comité onusien pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) publié en août 2008 prônait notamment, à propos des violences polcières, la mise sur pied d’un «mécanisme indépendant de plainte et d’investigation».
Et lors du dernier Examen périodique universel de la Suisse au Conseil des droits de l’homme, le traitement des migrants et une certaine tendance à la xénophobie et au racisme ont également été montrés du doigt. A chaque fois, le Conseil fédéral s’est défendu en rappelant les efforts fournis. «Dans une société multiculturelle, il ne suffit pas de lois pour combattre les tendances racistes», a-t-il par exemple fait savoir à Doudou Diène.
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