jeudi 14 mai 2009

L’Autriche s’inquiète de la recrudescence du néonazisme

Suite à l’agression, samedi, d’anciens déportés par de jeunes extrémistes, le gouvernement a ouvert une enquête sur les milieux néonazis. Un article de Laura Enz, Vienne, pour 24 Heures.

Les extrémistes de droite sont toujours plus virulents, que ce soit en Autriche ou dans d'autres pays. Leur activisme monte en puissance, profitant de la banalisation des incidents et de la propagande accrue sur internet. Skokie, Illinois, 19 avril 2002 (Photo AFP)

L’Autriche de 2009, terreau du néonazisme? Une série de provocations et d'incidents laissent en tout cas craindre une montée en puissance de l’activisme d’extrême droite. Après les actes néonazis perpétrés lors de la commémoration de la libération du camp de concentration d’Ebensee, samedi dernier, la ministre de l’Intérieur, Maria Fekter, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur ces milieux.

Le 9 mai, d’anciens déportés français venus commémorer la libération du camp de concentration d’Ebensee se sont vu assaillir par quatre néonazis encagoulés. L’un d’eux a tiré sur le groupe avec des balles en caoutchouc. Les extrémistes ont également provoqué une délégation italienne en les saluant d’un «Heil Hitler». Trois de ces néonazis, des adolescents du cru, ont été arrêtés. Selon la police, ils n’appartenaient pas au milieu extrémiste de la région. Dérapage isolé ou symptôme de banalisation?

Pour Ariel Muzikant, président de la communauté religieuse israélite d’Autriche, «l’indifférence face à la montée de l’extrême droite a préparé le terrain pour de tels incidents». Un des exemples de banalisation de l’extrême droite, estime-t-il, est la nomination au poste de troisième président du parlement du député FPÖ Martin Graf, également membre d’une Burschenschaft, ces cercles d’étudiants nostalgiques du pangermanisme et souvent affiliés à des mouvements d’extrême droite.

Un hôtel refuse les Juifs

L’inquiétude est d’autant plus vive que les événements d’Ebensee font suite à une succession d’incidents. «Il y a quelques semaines, des monuments de Mauthausen ont été profanés. Hier d’anciens prisonniers ont été pris à partie et provoqués par des paroles nazies. Et demain?» s’interroge Willi Mernyi, président du Comité Mauthausen. Le quotidien Tiroler Zeitung révélait le même week-end qu’une auberge tyrolienne avait refusé d’héberger une famille juive viennoise, l’informant par e-mail qu’«ils n’accueillaient plus d’hôtes juifs en raison de mauvaises expériences».

Un autre chiffre fait peur: une enquête a en effet révélé que près d’un Autrichien de moins de 30 ans sur deux a voté pour l’un des deux partis d’extrême droite lors des législatives du 28 septembre dernier.

Propagande sur le net

«La scène extrémiste est redevenue active ces derniers mois», note un chercheur aux Archives documentaires de la résistance autrichienne (DOW). «Dans les années 1990, les groupes les plus virulents organisaient des meetings et des concerts, en particulier dans les régions du Vorarlberg et de Haute-Autriche, frontalières de la Suisse et de l’Allemagne. Frappés d’interdiction et surveillés, ils ont modifié leur stratégie. L’internet est devenu le principal instrument de propagande. Une subculture se développe, avec sa musique, ses codes et symboles, ses marques vestimentaires, qui atteint certains jeunes.»

«Suite aux incidents dans le camp de concentration d’Ebensee, le Ministère de l’intérieur va intensifier les séances d’information dans les écoles», a indiqué Alexander Marakovits, un de ses porte-parole. Durant l’année 2007, l’Autriche a connu une recrudescence d’actes de profanation et d’agressions verbales, a-t-il confirmé.

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