SOLEURE - IGA-SOS Racisme dénonce des contrats de travail très spéciaux passés entre les autorités communales et des employeurs privés.
Faire travailler des requérants d'asile dans le secteur privé, leur verser 40 francs par jour au maximum et empocher la différence. Choquant mais légal. A Soleure, les communes – compétentes en matière d'asile – sont encouragées à agir ainsi par une directive cantonale. «C'est de l'exploitation aux relents colonialistes», s'étrangle Françoise Kopf, permanente de l'association IGA-SOS Racisme. Cette infatigable défenseuse des requérants et des recalés de l'asile dénonce notamment cette pratique depuis plusieurs années. Elle a récemment relaté dans les colonnes de Vivre Ensemble1 les déboires de trois personnes. Edictée dans les années 1990, époque où les requérants étaient frappés d'une interdiction générale de travail à Soleure, la directive baptisée «landwirtschaftliche Kurzeinsätze» visait à autoriser l'embauche pour des travaux de courte durée (4 mois) dans l'agriculture. Elle a été ressortie des tiroirs au début de la décennie «pour légitimer des formes de travail qui n'ont plus rien à voir avec des occupations champêtres», explique Françoise Kopf, preuves à l'appui. Tout en permettant aux communes de réaliser de juteux bénéfices.
Vingt francs la demi-journée
Sur demande d'une entreprise, les autorités fournissent un «candidat» et signent elles-mêmes le contrat de travail. Rémunération: 20 francs la demi-journée. Astuce: l'employeur verse en réalité le salaire usuel de la branche directement à la commune, qui établit une fiche de salaire «corrigée» et empoche au passage la différence. La somme peut dépasser les 3000 francs pour un plein-temps... Sur le papier, ces emplois ne sont attribués qu'à des volontaires. La réalité est toutefois différente.
L'histoire de ces deux pères de familles, soutenus dans leurs démarches par IGA-SOS Racisme, en atteste. En octobre 2007, le service social de la grande commune soleuroise dont ils dépendent leur enjoint d'accepter un poste dans une entreprise de recyclage. A l'évocation de leur salaire horaire – 5 francs –, ils refusent, révoltés par ce qu'ils considèrent comme de «l'esclavage». «Ils ont alors été mis à la porte par des policiers et privés d'aide sociale sans même une décision écrite», raconte Françoise Kopf. La commune a finalement dû faire machine arrière: si ce type de contrat est légal, couper les vivres du jour au lendemain à une famille ne l'est pas encore.
Procédés pour dissuader
En août 2008, un requérant célibataire pousse la porte de l'association. Sa commune l'avait envoyé trimer dans une boucherie industrielle. Payé 500 francs (y compris pour des heures supplémentaires), il a réussi à mettre la main sur la véritable fiche de salaire, celle qui est établie par l'entreprise. Verdict: la rétribution de son travail s'élevait à 3750 francs. L'homme n'a malheureusement pas eu le temps de faire valoir ses droits: débouté, il reçoit aujourd'hui l'aide d'urgence, soit, à Soleure, neuf francs par jours et un lit en foyer.
«Certains travaillent sous ce régime pendant des années, sans aucun espoir d'amélioration», se désole Françoise Kopf. A ses yeux, le canton de Soleure fait figure de «laboratoire» dans le domaine de l'asile, tant en matière d'économies réalisées sur le dos des requérants et autres recalés qu'à l'aune des restrictions et tracasseries administratives. Des procédés appelés à se généraliser au nom de la fameuse dissuasion.
Auteure en 2004 d'un mémoire de licence en science politique précisément intitulé «Le marché de l'asile helvétique: une politique de dissuasion rentable?», la permanente d'IGA-SOS a par exemple calculé que Soleure avait réalisé, entre 1995 et 2000, un gain de quelque 18 millions de francs sur les sommes allouées par la Confédération. I
Note : 1 Décembre 2008, no 120. Il s'agit du bulletin de liaison des associations romandes actives dans la défense du droit d'asile.
mercredi 11 février 2009
Des communes font du bénéfice sur le dos des requérants d'asile
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