ASILE - Lors de l'occupation de la Predigerkirche, l'Eglise réformée a joué un rôle de modérateur. Prise entre ses ailes gauche et droite, elle a évité de se positionner.
La politique des bons offices. Peu avant Noël, l'Eglise réformée zurichoise a été mise au pied du mur par l'occupation de la Predigerkirche par cent cinquante sans-papiers. Elle a alors soigneusement évité de s'engager sur le terrain politique. Durant dix-neuf jours (dont trois dans une autre église), ces recalés de l'asile ont protesté contre la pratique particulièrement dure du canton en matière d'asile. Celui-ci se refuse à requérir la régularisation des fameux «cas de rigueur» qui pourraient être soumis à Berne. Malgré les fondements bibliques – «J'étais un étranger et vous m'avez accueilli» – et le refus des Eglises suisses de la nouvelle loi sur l'asile en 2006, l'institution zurichoise a adopté une neutralité toute helvétique, prise entre les différents courants qui la composent. Jouant la médiatrice entre le Conseil d'Etat et les sans-papiers, l'institution religieuse a obtenu la fin de l'occupation il y a dix jours en échange d'une rencontre avec le conseiller d'Etat Hans Hollenstein. Durant celle-ci, le magistrat a accepté une proposition de l'Eglise, s'engageant à tenter de réactiver la commission pour les cas de rigueur, un groupe d'experts qui statuait il y a plusieurs années sur les demandes en la matière à la place de l'Office cantonal des migrations. Encore faut-il qu'une majorité du parlement cantonal se laisse convaincre. Pour l'heure, le dossier n'a pas avancé, confie Stefan Schlegel, porte-parole de l'association Bleibe Recht für Alle (droit de rester pour tous), qui a soutenu l'occupation.
Un lieu de refuge
«C'est le prestige de l'Eglise qui a permis cette rencontre, explique-t-il. Formellement, le conseiller d'Etat a reçu ses représentants, nous n'étions que des accompagnateurs.»
«Le président du Conseil de l'Eglise (l'exécutif) Ruedi Reich – comme Hans Hollenstein – ont exigé la fin de l'occupation comme préalable au dialogue», explique Nicolas Mori, directeur de la communication de l'Eglise.
Celle-ci refusait-elle de se laisser instrumentaliser? «Elle ne voulait pas céder au chantage. Mais peut-être est-ce son devoir que de se laisser instrumentaliser?», répond M. Mori. Il dit comprendre les motivations des sans-papiers: «S'ils avaient occupé un bureau de l'administration, la police aurait été sur place dans les cinq minutes. Les églises ont toujours été un lieu de refuge.»
Confrontée à l'occupation, l'Eglise a réagi de plusieurs façons. «Des fidèles se sont spontanément solidarisés avec les sans-papiers, se fondant sur les valeurs bibliques et l'héritage zwinglien, raconte Nicolas Mori. Mais d'autres ont rappelé qu'il fallait respecter le durcissement de l'asile voulu par la société suisse. Cette aile a rappelé que l'Eglise n'est pas responsable de la situation des sans-papiers, que son rôle n'est pas de faire de la politique. Par conséquent, elle devait demander à la police de faire évacuer la Predigerkirche.»
La pluralité des points de vue
Le «difficile chemin médian» choisi par les membres du Conseil de l'Eglise – eux-mêmes divisés sur la question – a été de jouer les médiateurs, poursuit notre interlocuteur. «Pour beaucoup de fidèles, c'était déjà prendre position, comme le fait de parler aux sans-papiers ou de ne pas appeler la police!»
A l'inverse, Stefan Schlegel reproche à l'Eglise de ne pas s'être «mouillée» politiquement, sous prétexte de respecter la pluralité des points de vue en son sein. «A Zurich, l'Eglise a historiquement toujours influé sur la politique, plus qu'aucun autre acteur. Zwingli a renforcé le système social de la ville, fondé des hôpitaux et des écoles!» Plus proche de nous, les Eglises suisses ont clairement pris position contre la loi sur l'asile en 2006, l'Eglise zurichoise comprise.
«La majorité de nos membres y était favorable. Les fidèles de la campagne, proches de l'UDC, nous ont reproché, à nous de la ville, de ne pas comprendre leurs idées», se souvient Nicolas Mori.
«Une Eglise doit toujours faire une pesée d'intérêt, commente un observateur: jusqu'à quel point peut-elle être en porte-à-faux avec ses fidèles? Peut-elle prendre le risque de froisser ses donateurs?»
Dans le riche canton de Zurich, c'est l'action des sans-papiers qui semble avoir froissé les esprits. I
UNE GESTION DIFFICILE POUR LA PAROISSE
«L'Eglise nous a accusés de la prendre en otage, rapporte Stefan Schlegel, porte-parole de Bleibe Recht für Alle. C'est clair, nous l'avons utilisée pour faire pression sur le gouvernement, mais elle n'est pas responsable de la situation des sans-papiers. Pourtant, nous lui avons donné une occasion de mettre en pratique les valeurs bibliques qu'elle défend. Mais, fidèle à la posture très intellectuelle du christianisme zwinglien, elle a préféré prendre ses distances.»
Quant aux responsables paroissiaux de la Predigerkirche, «ils ont reproché aux sans-papiers de perturber l'harmonie de l'église», rapporte Stefan Schlegel. «Ils ont témoigné de la sympathie pour les sans-papiers et leur cause, mais, en période de Noël où les services religieux sont nombreux, ils devaient répondre à leurs obligations, c'était dur pour eux», rétorque Nicolas Mori. Difficile, en présence de tant de personnes dormant et mangeant dans l'église, de garantir une atmosphère de culte, explique en substance le porte-parole. «Sans compter que l'église est aussi un lieu d'habitation paroissial, ajoute-t-il. Après quelques jours, sur les nerfs, une responsable s'est emportée.» RA
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