XAVIER ALONSO / BERNE | 20.09.2008 | 00:00
«A las de Dios…» Les voies du Seigneur sont impénétrables, mais pour une famille colombienne sur laquelle pesait un «contrat», elles ont pris la forme de l’ambassade de Suisse à Bogotá. José Moreno (42 ans) ne peut imaginer ce qu’il aurait fait sans l’entrée en matière de la Suisse sur sa demande d’asile. L’immigration clandestine? «Dieu seul le sait! Des familles se sont embarquées vers le Venezuela sur des barques…»
José Moreno, son épouse Alice (38 ans) et leurs quatre enfants, au bénéfice d’un permis d’établissement B depuis deux mois, sont les «protagonistes» d’un des moments les plus forts du documentaire La forteresse de Fernand Melgar, primé au Festival de Locarno. Au Centre d’enregistrement de Vallorbe, on assiste à l’audition de José Moreno et de son épouse Alice. L’intensité, les silences et les larmes y sont insoutenables. Leur fils John (22 ans) a été assassiné en juin 2007. Ils ne retrouveront de lui que le tronc du corps dépecé.
Les Moreno, cachés depuis plusieurs mois à Bogotá, arrivent à Vallorbe à Noël 2007. C’est là qu’ils croisent la caméra de Fernand Melgar. A Orito, province de Putumayo, José Moreno avait sa petite imprimerie. Bénévole communal, il contrôlait les listes électorales. Pour avoir déclaré non valides des candidatures présentées par un groupement paramilitaire, lui et sa famille ont été menacés. Jusqu’à cette barbarie qui a jeté la famille «en enfer». «J’ai dû tout abandonner pour sauver l’essentiel: mes enfants.»
«Mme Widmer-Schlumpf est sous pression»
A l’Office fédéral des migrations, on ne veut pas se perdre en conjectures sur le cas des Moreno. Pour son porte-parole Jonas Montani, qui a vu La forteresse, la proposition d’Eveline Widmer-Schlumpf de fermer les ambassades aux demandes d’asile n’aurait rien changé à cet épilogue heureux. «Il est évident que pour les cas de danger avéré, les ambassades accorderont leur protection et nous laisserons entrer les gens en Suisse.» Du côté du Département de justice et police, la porte-parole Brigitte Hauser-Süess quittance la proposition d’Eveline Widmer-Schlumpf et renvoie vers l’ODM pour expliquer les possibles économies si cette mesure, à l’étude dans l’actuelle révision de la loi sur l’asile, était acceptée (voir encadré). Au Département des affaires étrangères (DFAE), on ne prend pas position, mais on réfute avoir fait pression pour soulager le travail des ambassades.
L’OSAR (Organisation suisse d’aide aux réfugiés) manifeste son incompréhension: «On ne peut pas dire qu’on supprime cette possibilité et affirmer que s’il y a danger, on accueillera quand même.» Kathrin Buchmann, cheffe du service juridique ad interim, ne décolère pas. Pour elle, l’argument de l’harmonisation de la procédure suisse avec les autres pays ne tient pas. «Rien n’est comparable dans les procédures. Et pour les économies, on a déjà vu ce qui s’est passé avec les décisions de M. Blocher. Les gens viennent quand même, mais n’apparaissent plus dans les statistiques. Ce n’est pas une mesure économique mais politique. Mme Widmer-Schlumpf est vraiment sous pression.»
De la politique suisse, José Moreno ne connaît rien. Sa seule image en est une affiche à Vallorbe. «Des mains qui essayaient d’attraper des passeports suisses. J’ai parfois l’impression que nous ne sommes pas bienvenus. Mais je suis un homme qui veut bien faire, je veux que ma famille retourne à la vie .»
«Situation née sous Blocher»
«Je ne veux pas mettre en exergue le fait qu’Eveline Widmer-Schlumpf s’est dite touchée par mon film et que, aujourd’hui, elle fait une proposition brutale en matière d’asile.» Prudent, Fernand Melgar (photo Olivier Vogelsang/ 2008), le réalisateur lausannois de La forteresse, documentaire sorti en salles mercredi et primé à Locarno (Léopard d’or Cinéastes du présent). En août à Locarno, la conseillère fédérale avait salué le film. «Il montre la réalité telle qu’elle est, avec ses drames qui touchent tant d’innocents. Ce n’est pas un film de propagande.» Fernand Melgar tente une mise en perspective. «Elle hérite d’une situation née sous Blocher. Pendant le tournage, les discussions avec les auditeurs de l’Office fédéral des migrations montraient qu’on leur demandait du rendement, de baisser les coûts, etc. Pas tellement d’appliquer la loi à la lettre. Nous sommes dans une vision économique de l’asile.»
2 commentaires:
Puis-je vous demander pourquoi vous avez maintenu le nom (il n'est pas fait mention qu'il s'agit d'un nom d'emprunt) de cette famille et son lieu de domiciliation ? N'y a-t-il pas un risque éleveé que leurs agresseurs les retrouvent maintenant en Suisse ???
Outre la confidentialité de leur requête de protection, sur quelles autres garanties peuvent-ils concrètement compter en Suisse s'agissant de leur sécurité ?
Ont-ils droit à une protection policière particulière ?
Votre question est fort pertinente, mais il faudra la relayer auprès de Fernand Melgar ou éventuellement du journaliste qui écrit l'article. Au niveau de ce blog nous ne faisons que reproduire des articles.
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