mardi 6 mai 2008

La venue à Genève d'Azzam Tamimi: du pain bénit pour les islamophobes

POLÉMIQUE - La venue d'un intellectuel sulfureux vient ternir un cycle de manifestations sur le drame du peuple palestinien. Instrumentalisation?
Fallait pas l'inviter? Il n'a pas encore ouvert la bouche, ni même posé le pied sur le tarmac genevois que la polémique a déjà éclaté dans la dernière édition du Matin dimanche. Il, c'est Azzam Tamimi, un intellectuel palestinien invité à Genève dans le cadre d'une série de manifestations organisées à l'occasion du 60e anniversaire de la Nakba[1] sous la houlette du Collectif urgence Palestine. Le journal dominical présente M. Tamimi comme «l'apôtre des attentats suicides». Du côté des sympathisants à la cause palestinienne, la gêne est perceptible. On regrette une «maladresse», tout en dénonçant son exploitation qui ne serait pas libre d'arrière-pensées.
Dimanche, le Collectif urgence Palestine (CUP) a pris ses distances avec les organisateurs de la conférence du 18 mai (Voir Le Courrier d'hier) qui réunira, outre Azzam Tamini, un autre intellectuel souvent décrié: Hani Ramadan.
Tobia Schnebli, du CUP, plaide l'ignorance: «Si on avait su que M.Tamimi s'était profilé en faveur des attentats suicides, on ne l'aurait probablement pas laissé sur notre programme».


«M.Tamimi connaît la loi»

M.Schnebli insiste toutefois sur la nécessité d'ouvrir largement la discussion, raison pour laquelle il n'émet pas les mêmes objections à l'égard de Hani Ramadan, «même si nous (le CUP, ndlr) ne sommes pas d'accord avec tout ce qu'il dit».
Président de l'association «Droit pour tous», Anouar Gharbi dénonce, lui, un «faux débat».
Malgré notre insistance, il refuse de dire si, oui ou non, son association a invité M. Tamimi en connaissant ses déclarations vantant le sacrifice des «martyrs». La question n'est pas pertinente à ses yeux. Il lui importe davantage que «l'on voudrait empêcher de s'exprimer un représentant du peuple palestinien opprimé». Il ajoute que l'intervention censée durer une petite demi-heure doit porter sur la Nakba. Et si l'orateur se prenait d'envie de digresser? «Nous ne sommes pas responsables des propos des uns et des autres. Mais M.Tamimi connaît la loi et nous lui avons rappelé notre charte (toutes deux interdisent de faire l'apologie de la violence, ndlr).


«Tous des faux jetons!»

Ancien porte-parole de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri déplore à son tour cette polémique, «particulièrement malvenue à l'heure où le peuple palestinien a plus que jamais besoin de notre soutien». Il trouve «peu constructif» que certains «jugent M.Tamimi sur ce qu'il a pu dire par le passé plutôt que d'écouter ce qu'il aurait de nouveau à dire». Il précise aussi qu'il n'a jamais entendu M.Tamimi faire l'apologie des attentats-suicides. Mais, connaissant la personne il admet «qu'il fallait y réfléchir à deux fois avant de l'inviter. Surtout sans prévoir de contradicteur.»
Moins diplomatique, Ueli Leuenberger laisse également entendre que les organisateurs ont fait une «bêtise». Le conseiller national écologiste (connu pour ses positions antiracistes) rappelle le contenu de la loi suisse. Ce qui impliquerait de prendre certaines précautions dans le cas présent, suggère-t-il. «Moi, je ne l'aurais pas invité. Il aurait fallu au minimum le faire dans le cadre d'une table ronde avec un contradicteur». Du coup, Droit pour tous se rendrait responsable de la polémique créée qui permet de «détourner l'attention» de l'opinion du drame palestinien.
Tobia Schnebli va plus loin. Il cite la conclusion de l'éditorial paru dans le Matin Dimanche, dont il perçoit des relents islamophobes: «Ceux qui connaissent l'islam savent parfaitement que cette religion autorise à dissimuler, dans certaines circonstances, ses vraies intentions.» Une façon policée de dire, selon M.Schnebli: «Tous les musulmans sont des faux jetons»... I
Note : [1] Pour le peuple palestinien, le 14 mai 2008, date de la création d'Israël, marque le début de la Nakba (catastrophe), synonyme de massacres et d'expulsions forcées.

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