La nouvelle loi sur l’asile votée par le peuple suisse en septembre 2006 est entrée complètement en vigueur au début de cette année. Pour vous permettre de vous imaginer le quotidien des requérants d’asile en rétention dans la zone de transit de l’aéroport de Genève, voici quelques extraits d’une lettre que l’Aumônerie œcuménique de l’aéroport a adressée au Directeur de l’Office Fédéral des Migrations (ODM) en date du 12 mars 08.
« (…) Nous sommes extrêmement préoccupées par les conditions de vie des requérants d’asile retenus à l’aéroport. A ce jour, ils n’ont que très rarement l’occasion de sortir à l’air libre, le temps d’une promenade. Nous avons déjà constaté, depuis le début de l’année, des problèmes de santé relatifs à cette situation. De plus, ils ne reçoivent pas les CHF 3.- auxquels ont droit les requérants dans les Centres d’enregistrement (CEP) et n’ont pas d’accès gratuit à Internet. Depuis le 1er janvier, la procédure d’asile se fait entièrement à l’aéroport. Les requérants d’asile ont donc impérativement besoin d’Internet et d’un fax pour leur défense et pour obtenir des preuves de ce qu’ils affirment.
Afin que vous puissiez mieux vous en rendre compte, nous allons vous décrire la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui :
Deux hommes sri lankais sont arrivés le 29 janvier, il y a 43 jours. L’un d’eux a reçu une réponse négative à sa demande d’asile puis, avec l’aide de l’association ELISA, a fait un recours qui a été admis par le Tribunal sous l'angle du renvoi le 3 mars 2008. Il est donc au bénéfice d'une admission provisoire, mais attend toujours en zone de transit. Le Tribunal administratif fédéral a cassé sur recours la décision de l'ODM qu'il jugeait insuffisamment instruite. Le TAF a spécifiquement attiré l'attention de l'ODM sur l'obligation qu'il a de prendre une décision de première instance dans les 20 jours à compter de la date de dépôt de la demande d'asile. Ils ont bénéficié de deux sorties d’une demi-heure derrière la piste de l’aéroport en 6 semaines ! Deux autres Sri Lankais sont leurs compagnons d’infortune dans la zone de transit. Il est de notoriété publique que la situation se péjore pour les Tamouls au Sri Lanka (voir les dernières informations de l’OSAR).
Deux femmes chinoises, en rétention, l’une depuis le 25 janvier (47 jours !) et l’autre depuis le 2 février (39 jours) ont appris jeudi qu’elles pourraient quitter l’aéroport le vendredi matin. Au dernier moment, contre-ordre et silence : elles n’ont reçu aucune information et sont toujours là !
Un Gambien et un Nigérian avaient aussi été informés de leur transfert à l’OCP de Genève le vendredi 7 mars à 8h30. Le Gambien est toujours là, mais le Nigérian a pris peur et s’est enfui de l’aéroport pendant le week-end. Il était paniqué, ne sachant ce qui allait lui arriver ! Il s’était pourtant fait petit à petit à l’idée qu’il n’avait aucun avenir en Suisse et avait l’intention de se rendre au Bureau d’aide au départ pour établir un projet de retour. Il fait désormais partie des trop nombreux clandestins dans notre pays (ou un pays voisin). Il était arrivé dans la zone de transit le 30 janvier.
Deux Gambiens, arrivés il y a un mois, ont reçu une réponse négative puis une autre réponse négative au recours qu’ils ont fait en leur nom propre. Ils attendent aussi. Un autre Gambien est arrivé jeudi dernier.
Un journaliste russe réside aussi dans cet endroit ressemblant à une protection civile depuis le 27 février. Il a des traces de torture sur son corps.
Un Indien du Penjab est arrivé ce week-end. Les hommes, nombreux, dorment tous dans le même petit dortoir, au sous-sol, sans fenêtre.
Ces temps d’attente qui se prolongent dans la zone de transit sont insupportables pour les requérants d’asile. Ils n’ont absolument RIEN à faire de leurs journées si ce n’est ressasser leurs soucis. La plupart ont des insomnies et sont très angoissés. Cette situation est parfaitement inhumaine. Les conditions dans les Centres d’enregistrement (CEP) sont difficiles, mais il est au moins possible d’en SORTIR pendant la journée !
Des frais exorbitants vont être dévolus à la transformation du lieu de séjour des requérants. Même s’ils bénéficieront, dans un an (pas avant), de dortoirs avec vue, ils seront toujours en prison dans l’aéroport ! Si les procédures durent si longtemps, pourquoi ne pas ouvrir plutôt à nouveau un centre d’enregistrement à Genève. Le fait que les requérants d’asile séjournent en zone de transit ne semble pas permettre que leur procédure soir accélérées ! Mes collègues et moi ne pouvons rester muets face à ces rétentions et tenons à vous en informer. Nous ne pouvons cautionner un tel irrespect de l’être humain (…) »
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