La crise européenne a fait émerger une force qui prend de l’ampleur à chaque rendez-vous électoral, le social-nationalisme. Précisons d’emblée les termes. Le mot «populisme» – utilisé à tort et à travers pour qualifier l’extrême droite contemporaine – ne signifie rien. Dans une démocratie, les politiciens doivent forcément s’adresser au peuple, prendre en compte son avis et donc faire du «populisme».
Jusqu’ici, l’extrême droite actuelle a relevé surtout du national-libéralisme, comme l’UDC blochérienne, le Parti du progrès norvégien, celui de la Liberté aux Pays-Bas et d’autres formations de ce genre, actives surtout au nord de l’Europe.
Ces mouvements politiques défendent des thèmes xénophobes et racistes visant les immigrés et l’islam. Mais aucun d’entre eux ne remet en cause l’ordre démocratique; d’autant plus que, jusqu’à maintenant, ils n’ont pas à se plaindre du verdict des urnes. En outre, ils sont, pour la plupart, des partisans de l’économie libérale. Enfin, ces nationalistes libéraux n’organisent pas de milices. Il s’agit avant tout de formations bourgeoises.
L’autre extrême droite qui se développe aujourd’hui tient un discours différent et constitue un danger bien plus vif pour la démocratie. Il s’agit du social-nationalisme, le terme de national-socialisme renvoyant à une situation allemande de l’entre-deux-guerres qui ne correspond pas à notre époque. Toutefois, comme le fascisme originel italien et allemand, dont elle est l’héritière en ligne plus ou moins directe, cette extrême droite mêle dans son idéologie protection sociale, glorification de l’identité «raciale» et affirmation nationaliste. Elle prospère actuellement dans l’est et le sud-est de l’Europe. Son représentant grec, Aube dorée, vient d’entrer au parlement d’Athènes avec 21 députés sur 300. S’appuyant sur les mêmes bases idéologiques et de semblables méthodes violentes, le Jobbik hongrois dispose de 47 parlementaires sur 386 et l’Ataka bulgare, de 21 sur 240.
Sur de nombreux points, cette extrême droite se situe en rupture avec le national-libéralisme. Plus qu’au sein de la bourgeoisie, elle recrute dans les milieux populaires. Loin de défendre le libéralisme économique, elle le voue aux gémonies. Mais, surtout, le social-nationalisme se distingue par l’emploi qu’il fait de ses milices. Aube dorée et Jobbik disposent de groupes organisés militairement, qui investissent certains villages ou quartiers pour tabasser les immigrés et les Roms. Si le national-libéralisme reste dans les clous de la démocratie, le social-nationalisme en sort carrément.
Dans un Etat de droit, le monopole de la violence légitime doit rester dans les mains d’une force neutre, agissant sous le contrôle du pouvoir judiciaire. C’est pourquoi la police et la préservation de son monopole deviennent un thème politique majeur.
Jean-Noël Cuénod, Paris, dans 24 Heures
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